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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, cette semaine vous n’avez pas aimé la décision de la Mairie de Paris sur l’encadrement des loyers.

Exactement. Alors, c’est la deuxième fois que Paris décide d’encadrer les loyers. La première fois, c’était en 2015, lorsque Anne Hidalgo s’était appuyée sur la loi logement de l’époque pour verrouiller les loyers parisiens. Illégal, avait décidé le juge administratif qui avait annulé en 2017 cette décision. Cette fois, c’est en se référant à la loi ELAN que la maire de Paris propose d’encadrer les loyers pour une période de 5 ans. Pour, comme le dit avec nuance son adjoint au logement, le communiste Ian Brossat pour mettre fin au "racket" des loyers à Paris.

Vous n’aimez pas mais c’est une disposition qui existe ailleurs, je pense à Berlin par exemple.

C’est vrai, mais le bilan dans la capitale allemande semble être très mitigé. Certes ça a limité ou même empêché la hausse des loyers, mais ça ne les fait pas baisser. Or, c’est bien ça le problème. Paris se vide lentement de ses habitants, le nombre d’enfants inscrits dans les écoles diminue année après année. C’est catastrophique. Alors évidemment, il y a un énorme problème de loyers, mais la solution, c’est de construire des logements. C’est ça, c’est la multiplication des offres de logement qui fera baisser les loyers. Et pour ça, il faut des propriétaires, des gens qui construisent. Il faut inciter les propriétaires à investir dans la pierre. Or c’est l’inverse qui se produit.

C’est l’inverse ? Ils se retirent du marché immobilier ?

Oui, ou ils sont incités à retirer leur logement de la location. D’abord, il faut bien avoir à l’esprit que les grandes compagnies d’assurances, les grandes banques, tous ces financiers se sont massivement retirés du marché de l’immobilier, à cause de contraintes réglementaires sur leur secteur. L’immobilier parisien est donc très largement animé par des petits ou moyens propriétaires. Leur premier réflexe, si les loyers sont bloqués, ce sera de réduire les travaux d’entretien pour préserver leur rentabilité. Leur deuxième réflexe, ce sera de voir, à l’occasion d’un renouvellement de bail, s'ils n’ont pas davantage intérêt à opter pour la location touristique, par exemple à mettre leur bien sur Airbnb.

Donc, si je vous comprends bien, de retirer leur appartement de la location à des habitants parisiens.

Voilà. Ça donne moins d’offre, et donc des prix qui montent. Exactement l’inverse de ce qui est recherché. Mais vous savez, on n’en est pas à un paradoxe près. Est-ce que vous vous rendez compte que le gouvernement distribue par milliards d’euros des aides à l’acquisition de logements, y compris le logement locatif, et qu’à Paris, on va leur dire : vous avez acheté, bienvenue, vos loyers seront encadrés.

Il n’empêche, c’est sûrement une mesure populaire !

Oui, c’est vrai. Parce que, à court terme, ça semble favorable. Mais il faut toujours avoir présente à l’esprit cette phrase d’un grand économiste suédois, Assar Lindbeck (il a été président du jury du prix Nobel d’économie) : "En dehors du bombardement aérien, le contrôle des loyers semble être le moyen le plus efficace de détruire une ville".