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Pour Nicolas Beytout, directeur de la rédaction de "L'Opinion", estime que l’Europe va rater la sortie de crise. Le plan de relance européen, ambitieux, se heurte aux pesanteurs en tout genre de l'Union européenne et de ses états membres. Résultat, l'aide arrivera trop tard.

Bruno Le Maire a annoncé hier au micro de Sonia Mabrouk que la France allait toucher un premier versement des fonds de relance européen en septembre prochain.

Soit 18 mois après que le principe en aura été arrêté par la volonté commune d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel. C’était il y a un an, presque jour pour jour : les deux dirigeants avaient en effet topé sur le lancement d’un emprunt européen remboursable par l’Europe (et non pas - c’était ça la grande nouveauté - remboursable par chaque pays destinataire des aides). La promesse, à l’époque, portait sur 500 milliards d’euros, somme gigantesque rapidement relevée à 750 milliards. Le soir même de cette annonce, Emmanuel Macron avait, dans une conversation avec quelques journalistes, confié que "le jour d’après pour l’Europe avait commencé".

"Le jour d’après" ?
Oui, l’entrée dans une autre dimension, avec une ambition, une puissance nouvelle…

… et depuis…
Depuis ? Rien. Et on va encore devoir attendre au moins 6 mois, comme l’a dit Bruno Le Maire. Notez : ni Emmanuel Macron ni Angela Merkel ne sont pour rien là-dedans. C’est le résultat des pesanteurs insensées provoquées par les règles de fonctionnement de l’Europe : chaque capitale devait ratifier le projet, ce qui fait que l’ensemble des Européens a été soumis aux caprices d’agendas ou aux égoïsmes de chaque pays membre.

Et puis, une fois le principe validé, chacun devait présenter son plan à la Commission pour le faire avaliser (ce qui sera fait ces jours-ci). Bref, des procédures impossibles à maîtriser au plan national, et des obligations tatillonnes au niveau de Bruxelles. Et les mois, les trimestres, les semestres passent alors que nos grands concurrents américains et chinois ont déjà relancé massivement leurs économies. Une perte de temps pour notre continent qui nous coûtera évidemment très cher, en termes de concurrence. Et sur le plan politique, cette leçon d’inefficacité est désastreuse.

Parce que l’image de l’Europe et de Bruxelles en sort affaiblie…
Exactement. Ce qui n’est pas neutre politiquement, ne serait-ce que parce que le clivage entre pro et anti-européens trouve là une nouvelle raison de se durcir. Une de plus. Dans quelques mois, c’est la France qui prendra la présidence de l’Europe ; on sera début 2022, à une encablure de l’élection présidentielle. On sait déjà qu’Emmanuel Macron voudra faire du projet européen un élément de poids dans sa campagne électorale.

A voir ce qui s’est passé pour les vaccins, et ce qui dérape avec le plan de relance, pas sûr que ce soit un terrain particulièrement favorable sur le plan politique. Dans cette conversation avec Emmanuel Macron, que je relatais il y a un instant, le chef de l’Etat nous avait dit : "Si nous sommes lucides, au début de la crise, l’Europe n’a pas été à la hauteur". Elle ne l’aura pas été pendant, et elle ne semble pas prête à l’être après.