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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, l'instrumentalisation de l’affaire Adama Traoré qui inquiète Emmanuel Macron.

La famille Traoré et le comité "La vérité pour Adama" appellent à de nouvelles manifestations demain.

Et c’est peu dire qu’elles seront scrutées de près. Emmanuel Macron, en particulier, devra en tenir compte dans la préparation de sa déclaration à la Nation, dimanche soir.

Ce sera la première fois qu’il s’exprime sur le sujet en public.

Il s’était jusqu’ici seulement exprimé à huis clos. Comme tous, le chef de l’État a vu que le mouvement, pourtant vieux de quatre ans, avait été relancé par les conditions de la mort atroce de George Floyd aux États-Unis. Et même si les situations, les pays et les circonstances n’ont rien à voir, le piège est là. Ou plutôt, les pièges sont là. Le premier, ce serait de ne pas comprendre que c’est un mouvement de jeunes. Emmanuel Macron a conscience qu’il leur a beaucoup demandé (être privés de liberté, arriver sur un marché du travail dévasté et se retrouver face à une montagne de dettes, tout ça pour sauver des vieux, comme le dit crûment un de ses proches). Alors, ne pas comprendre qu’ils peuvent adopter cette cause en masse, comme ils ont adopté celle de la planète, ce serait de l’aveuglement. Prudence, donc.

Mais il y a plusieurs pièges ?

Le sujet des forces de l’ordre, par exemple. Elles sont à cran et se retrouvent trop souvent dans la position du coupable. C’est à lui, Président, de rétablir la réalité et de rappeler que ce sont souvent, eux, policiers, gendarmes, pompiers, la cible de la violence. Ils doivent être exemplaires, certes, mais attention à ne pas inverser les rôles. Et puis il y a le piège le plus redoutable : celui qui est armé par ceux qui se servent de la race dans un but politique.

Ceux qui veulent déboulonner les statues ?

Entre autres, oui. En fait, c’est un mouvement qui se répand progressivement et insidieusement. Son objectif est d’inverser la charge de la preuve. Obliger les Blancs à se justifier de l’être. Ou au moins à s’excuser de ce que les minorités ont vécu ou vivent. Il y a les tentatives light : celles qui consistent à réécrire l’histoire, à en faire sortir ceux qui (selon les critères d’aujourd’hui) ont eu dans un lointain passé une attitude raciste. À ce compte-là, Colbert et son Code noir, Churchill, le roi Léoplold II en Belgique, sont coupables. Et puis il y a plus grave, ceux qui veulent fracturer la société, en exacerbant le communautarisme jusqu’à la sécession, une escalade qui peut mener à l’affrontement entre groupes.

Comment est-ce que le chef de l’État peut traiter cette menace ?

C’est difficile parce que c’est un sujet qui puise son carburant dans l’histoire coloniale française, et dans la guerre d’Algérie. L’Élysée sait que le sujet n’a jamais été traité, qu’il nécessite un travail de conviction et d’histoire considérable. Il sait aussi que ça prendra du temps. Mais que dans ces affaires largement instrumentalisées, comme l’affaire Traoré, ce temps n’existe pas.