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SAISON 2020 - 2021, modifié à

[1997-2000] Après le décès brutal de la princesse Diana, le Royaume-Uni et le monde sont sous le choc. Mais Elizabeth II tarde à réagir… Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l'Histoire", Jean des Cars revient sur ce moment de très grande tension entre la reine et ses sujets, et vous raconte comment elle est finalement parvenue à reconquérir son peuple. 

Après la nuit tragique du 30 août 1997, Elizabeth II et le duc d'Edimbourg se confinent à Balmoral durant six longs jours avec les princes William et Harry. Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l'histoire", Jean des Cars revient sur ce silence pudique, devenu une véritable faute politique, et décrit la prise de conscience progressive de la reine que cette épreuve a finalement rapprochée de son peuple. 

Du déni à la prise de conscience

Alors que le monde entier, stupéfait et bouleversé par la mort brutale de la princesse de Galles suit, à la télévision, des reportages en boucle sur la vie de Diana, la reine Elizabeth II fait disparaître tous les téléviseurs du château de Balmoral, sauf un dans sa propre chambre mais il restera éteint. 

Par cette réaction, elle veut protéger ses deux petits-fils. Elle ne veut pas qu’ils voient les horribles images de la tragédie du Pont de l’Alma ni celles de leur mère rayonnante et pleine de vie. Elle a raison. William et Harry sont déjà assez bouleversés pour ne pas ajouter de l’horreur au chagrin. Mais en prenant cette décision, Elizabeth II et Philip vont se couper du monde et de l’émotion ressentie au niveau planétaire, et plus encore par leurs propres sujets. Bien sûr, eux aussi ont été touchés par la mort de Diana à seulement 36 ans.

Mais pour Elizabeth II, il ne s’agit "que" d’un deuil familial. Diana n’était "que" son ex-belle-fille. Elle n’était plus Altesse Royale, il n’y a donc aucune raison de mettre les drapeaux en berne. La souveraine envisage un enterrement en petit comité, et l’inhumation de Diana, dans le carré royal de Frogmore, non loin des tombes du duc et de la duchesse de Windsor.

Avant de partir pour Paris, Charles demande à la gouvernante Tiggy Legge-Bourke de se rendre d’urgence à Balmoral, pour tenter de gérer la douleur des enfants. De même, la princesse Anne arrive à Balmoral avec son fils Peter, 20 ans, et sa fille Zara qui en a 16. Elle pense qu’ils seront un secours pour leurs cousins. Il faut rappeler que William et Harry ont respectivement 15 et 13 ans.

Ce cocon familial, si nécessaire soit-il, empêche la souveraine de mesurer l’ampleur de l’émotion mondiale et de la réponse attendue. Le comportement de la famille royale, accusée de se confiner à Balmoral, déchaîne les foudres de la presse et d’une grande partie de la population. Un grand quotidien titre : "Où est notre reine ?". Il faudra toute l’énergie et l’obstination du Premier ministre Tony Blair et du prince Charles pour convaincre Elizabeth de rentrer d’urgence à Londres afin de manifester sa compassion, faire mettre les drapeaux en berne et prévoir des obsèques solennelles. 

Là-bas, une foule immense vient déposer des montagnes de fleurs sur les grilles de Buckingham Palace. Du jamais vu ! Il y en a aussi devant les grilles de Balmoral. La reine consent enfin à ce que le drapeau au-dessus de Buckingham Palace, qui n’était pas hissé puisqu’elle était absente, soit enfin visible et mis en berne. Ce n’est que le 5 septembre, après six jours d’un silence devenu une faute politique, que le couple royal revient à Londres. Et il était temps, car entre-temps, le chagrin s’est transformé en colère… La foule commence à brandir des pancartes sur lesquelles on peut lire "Windsor assassins". Les excès de la colère…  

A peine arrivés à Buckingham Palace, la reine et son mari se livrent à un exercice périlleux et inédit : ils sortent à pied du palais et franchissent les grilles qui disparaissent sous les fleurs. La foule, silencieuse, est hostile. Néanmoins, Elizabeth et Philip font preuve de courage. Ils restent là un moment, lisant les cartons et messages qui accompagnent les fleurs. Ils tentent même un dialogue avec la foule désemparée. A la demande du Premier ministre, le prince Charles a insisté auprès de sa mère pour qu’elle se livre à un deuxième exercice, tout aussi périlleux : une déclaration télévisée depuis le palais en hommage à son ex-belle-fille.

Vêtue de noir, lunettes sur le nez (ce qui est très rare) avec, à l’arrière plan, la foule qui se presse encore devant les grilles du palais, la reine déclare : "La princesse de Galles était un être exceptionnel et doué… Je l’admirais et la respectais pour son énergie et son engagement envers les autres… Quiconque a connu Diana ne l’oubliera jamais. En ce qui me concerne, je crois qu’il y a des leçons à tirer de sa vie, et de l’extraordinaire et émouvante réaction à sa mort."

Elizabeth II veut montrer qu’elle reconnaît son erreur. Ce faisant, elle tente de sauver l’image royale, gravement atteinte par cet épisode.

Les obsèques de Diana

Sur le plan logistique, les obsèques solennelles de Diana ne posent pas un grand problème. Les funérailles de la Reine mère Elizabeth sont prévues depuis longtemps. C’est ce cérémonial que l’on appliquera pour celles de Diana. Sur la composition du cortège, ce sont les communicants du Premier ministre qui prennent le relais. Ils veulent en faire un spectacle bouleversant et imposer aux deux enfants de suivre à pieds le cercueil de leur mère. 

Le prince Philip s’oppose à ce supplice infligé à des enfants déjà très traumatisés. Il n’obtiendra pas gain de cause mais William, lui aussi, refuse. Il finit par accepter, à condition que son grand-père soit à ses côtés. On verra donc, derrière le cercueil de Diana, le duc d’Edimbourg, William, le comte Spencer, frère de Diana, Harry et le prince Charles. Tout au long de ce pénible trajet d’environ un kilomètre et demi entre le palais de Saint-James où le cercueil avait été déposé et l’abbaye de Westminster, Philip ne cesse de parler à voix basse à William pour le soutenir.

Ce samedi 6 septembre 1997, une foule immense est massée le long du trajet, et deux milliards de téléspectateurs suivent la cérémonie. Dans l’abbaye, l’assemblée est à l’image de la princesse défunte. Il y a des stars, de Tom Cruise à Steven Spielberg, de Karl Lagerfeld à John Galliano. Pas de chefs d’Etat, mais certaines épouses de dirigeants se sont déplacées, comme Hillary Clinton, Bernadette Chirac et Suzanne Moubarak. Elton John, grand ami de la princesse, chante pour elle "Candle in the wind".

Mais le moment fort de cette cérémonie est le terrible discours prononcé par le frère de Diana, le comte Charles Spencer. Il ne rend pas un hommage à sa sœur "sensible, belle, pleine d’humour et de joie de vivre". Il se livre à un véritable réquisitoire et s’en prend, successivement, à la presse et aux Windsor, déclarant vouloir préserver ses neveux de l’absence d’humanité dont il vient d’être témoin.

L’émotion est si forte qu’il est applaudi à l’intérieur de la cathédrale, tout comme à l’extérieur où des haut-parleurs retransmettent l’office. Un camouflet terrible pour la famille royale ! Les funérailles de Diana se sont transformées en règlements de comptes et en procès. Charles Spencer a oublié que les torts étaient largement partagés… 

Après la cérémonie, Diana n’est pas inhumée à Windsor mais à Althorp House, le fief des Spencer, au nord de Londres. Elle repose dans un caveau aménagé sur un île, au milieu d’un étang.

Elizabeth II tente de reprendre la main 

Pour la reine et la famille royale, les obsèques de Diana ont certainement été un calvaire. Elizabeth II va néanmoins tenter de renouer avec la confiance et l’estime populaires. Et le calendrier va l’y aider… Le 20 novembre 1997, dans cette même abbaye de Westminster, la souveraine et le duc d’Edimbourg célèbrent leurs noces d’or, cinquante ans de mariage. C’est un événement heureux pour tenter de faire oublier la gifle subie, deux mois et demi plus tôt, au même endroit. 

L’Europe couronnée s’est déplacée pour assister au service d’action de grâces du couple. Les souverains belges, Albert II et Paola, accompagnés de la reine Fabiola, la reine Margrethe II de Danemark, son époux et leur fils aîné, le grand-duc de Luxembourg et sa famille, les dynasties régnantes de Suède et de Norvège. Même l’ex-roi Michel de Roumanie, qui était le seul ayant assisté au mariage d’Elizabeth et Philip en 1947 où il avait rencontré sa future épouse, Anne de  Bourbon Parme, est venu. La solidarité monarchique européenne s’est manifestée. Elizabeth II apparaît épanouie. Tous ses enfants et petits-enfants sont là, y compris William et Harry.

Après la cérémonie, la reine et Philip se rendent à pied au 10, Downing Street, chez le Premier ministre, Tony Blair. C’est une démarche exceptionnelle. Il les attend pour les féliciter. Elizabeth II s’arrête souvent et sourit. La foule l’applaudit ! Une belle revanche. Après un "drink" chez le chef du gouvernement, un dîner est donné à Guild Hall, dans la salle des banquets, pour plus de trois cents invités, dont le couple Blair. Elizabeth y prononce un discours dans lequel elle rend hommage à son époux : "Il a simplement été ma force pendant toutes ces années et il le demeure. Et moi et sa famille entière et ce pays et beaucoup d’autres, nous lui devons plus qu’il ne le dira jamais. Beaucoup trop fréquemment, je le crains, le prince Philip a dû m’écouter parler. Nous avons souvent discuté ensemble de mes discours. Comme vous l’imaginez, ses opinions ont toujours été exprimées avec la plus grande franchise."

L’humour est toujours à l’honneur chez les Windsor.

Un autre événement, plus surprenant, contribue au retour en grâce de la reine. Un mois après la célébration des noces d’or, la famille royale assiste, à Portsmouth, au désarmement du Britannia qui coûtait trop cher au contribuable britannique (la bagatelle de 60 millions de livres par an). 

Elizabeth et Philip sont particulièrement touchés. Ce bateau, c’est la seule demeure qu’ils ont jamais construite. Peut-être leur vrai "chez eux". Il a accompagné toute leur vie, depuis les voyages au bout du monde jusqu’aux croisières familiales d’été pour se rendre en Ecosse. Ces images se bousculent certainement dans la tête de la souveraine au moment de faire ses adieux à ce yacht qu’elle avait elle-même inauguré 44 ans auparavant. 

Et à ce moment-là, l’impensable va se produire. L’espace d’un instant, on la voit, ensemble rouge vif, le regard dans le vague, essuyer, sous ses lunettes, une larme de sa main gauche, couverte d’un gant noir. Est-ce la fameuse leçon de la mort de Diana ? Le poids des souvenirs et des sentiments ? Celui des années, des échecs et des tragédies qui se sont enchaînés depuis l’Annus Horribilis ? On ne saurait le dire avec certitude. Mais ce 11 décembre 1997, pour la première fois de son existence, Elizabeth II, reine du Royaume-Uni, manifeste son émotion publiquement.   

 

Ressources bibliographiques : 

Sarah Bradford, Elizabeth II (Penguin Books, nouvelle édition 2002)

William Shawcross, Queen Elizabeth the Queen Mother (Pan Books, 2009)

Sarah Bradford, George VI (Penguin Books, 1989)

Jean des Cars, Elizabeth II, la Reine (Perrin, 2018)

 

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"Au cœur de l’Histoire" est un podcast Europe 1 Studio

Auteur et présentation : Jean des Cars
Production, diffusion et édition : Timothée Magot
Réalisation : Jean-François Bussière
Graphisme : Karelle Villais