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Caroline Baudry avec AFP , modifié à
Les livreurs de la plateforme de livraison de repas Deliveroo seront fixés sur leur statut ce mardi. Celle-ci est poursuivie pour "travail dissimulé". Ses coursiers auraient du selon l'accusation être des salariés. Le parquet a requis 375.000 euros d'amende à l'encontre de Deliveroo France, ainsi qu'un an de prison avec sursis contre deux anciens dirigeants français de l'entreprise.

Deliveroo sera bientôt fixée sur son sort. Le tribunal correctionnel de Paris doit dire ce mardi si la plateforme a employé en tant qu'indépendants des livreurs qui auraient dû, selon l'accusation, être salariés. En mars, au terme d'une semaine de procès, connu comme le premier procès au pénal en France de l'"ubérisation", le parquet avait requis la peine maximale de 375.000 euros d'amende à l'encontre de Deliveroo France, ainsi qu'un an de prison avec sursis contre deux anciens dirigeants français de l'entreprise.

La procureure avait regretté l'absence sur le banc des prévenus de l'Américain William Shu, grand patron de l'entreprise britannique et "incontestablement" à l'origine du "système" ayant permis à Deliveroo de bénéficier de "tous les avantages de l'employeur", "sans les inconvénients".

Employer à moindre frais des coursiers

Deliveroo est responsable d'"une instrumentalisation et d'un détournement de la régulation du travail", dans le but d'organiser une "dissimulation systémique" d'emplois de livreurs qui auraient dû être salariés et non indépendants, avait martelé Céline Ducournau.

La "fraude" mise en place avait pour unique but d'employer "à moindre frais" ses livreurs, et peu importe si certains sont "satisfaits" de ce statut ou se "sentent libres", avait-elle souligné, en référence à l'un des arguments de Deliveroo pour justifier le statut d'auto-entrepreneur.

"Il ne s'agit pas du procès des mauvaises conditions de travail", ni de celui des "modes de consommation de notre époque", avait rétorqué en défense Antonin Lévy, avocat de Deliveroo France, pour lequel le procès a parfois pris des airs de "forum politique".

Un statut très contesté

Une dizaine de livreurs à vélo ou en scooter, beaucoup désormais engagés contre le "système", ont défilé à la barre pour raconter leur arrivée à Deliveroo, attirés par les promesses de "liberté" et de "flexibilité" mais avaient découvert la "guerre" pour obtenir les meilleurs "créneaux" horaires, la "pression", la "surveillance" et les réprimandes de Deliveroo. Au total, plus d'une centaine sont parties civiles au procès.

Deliveroo a maintenu qu'elle ne faisait que "mettre en relation" des clients, restaurateurs et livreurs, et a démenti "tout lien de subordination". Pour les deux dirigeants successifs de Deliveroo France sur la période concernée, de 2015 à 2017, la procureure a demandé un an d'emprisonnement avec sursis et 30.000 euros d'amende. Pour un troisième cadre, elle a requis quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 10.000 euros d'amende.

L'Urssaf réclame 9,7 millions d'euros

La procureure a également souhaité comme peine complémentaire "l'affichage et la diffusion" de la décision de justice, notamment devant les locaux de Deliveroo pendant deux mois, ainsi que sur la page d'accueil du site et de l'application mobile de la plateforme. Une peine pensée pour les "travailleurs actuels" de la plateforme, a-t-elle précisé.

L'Urssaf réclame de son côté 9,7 millions d'euros pour rattraper les cotisations sociales évitées par le recours aux livreurs indépendants. Très contesté, le statut d'indépendant des chauffeurs Uber ou des coursiers Deliveroo est remis en cause dans de nombreux pays par la justice ou, plus rarement, par des lois qui ont poussé certains géants du secteur à proposer des compromis.