Territoires zéro chômeur : un bilan positif, mais un modèle fragile

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© PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Anne-Laure Jumet, édité par Romain David
Cette expérimentation lancée en 2017 dans une dizaine de territoires a permis, dans certains endroits, de résorber tous les chômeurs longue durée.
L'ENQUÊTE DU 8H

C'est une solution inédite pour lutter contre le chômage : les territoires zéro chômeur. L'objectif est d'identifier les chômeurs de longue durée, qui sont ensuite embauchés par des entreprises locales, spécialement crées pour l'occasion. Le dispositif est testé depuis 2017 dans dix territoires, et l'association qui gère l'expérimentation milite désormais pour son extension.

Un retour inespéré à l’emploi. En tout, ce sont 500 personnes qui ont été embauchées depuis la mise en place, il y a un an, de ce dispositif, pour des postes en CDI payés au smic. Ils s'agit d'une vraie bouffée d'oxygène pour ces employés, qui ont connu en moyenne trois ans de chômage. "J'avais un âge où je ne trouvais pas de travail parce que j'étais trop vieux. J'ai galéré jusqu'à ce que j'entende parler de ce dispositif. Je suis allé voir mon conseiller Pôle Emploi, et je me suis inscrit", explique Toufik, 60 ans, en charge de l'atelier de menuiserie de l'entreprise 13 Avenir à Paris, qui développe des services de quartier. Il n'avait pas travaillé depuis huit ans. "C'est la première fois de ma vie que je suis aussi heureux au travail. Pour moi, c'est positif à tous les points de vue", s'enthousiasme-t-il auprès d'Europe 1.

Toufik a désormais le sentiment très valorisant d'œuvrer pour les riverains, un sentiment partagé par son collègue qui gère un jardin partagé au milieu des tours. "Ce matin on a semé des piments, on a des salades et des pommes de terre. On fait un peu de tout, on a même des bacs à compost. C'est quelque chose de vraiment utile pour le quartier", se réjouit-il. Dans ce quartier de Paris, environ 55 personnes sont encore sur liste d'attente pour participer à cette expérimentation. Mais dans d'autres territoires, quasiment tous les chômeurs de longue durée ont pu être embauchés, comme à Jouques dans les Bouches-du-Rhône, Pipriac en Ille-et-Vilaine ou encore à Mauléon dans les Deux-Sèvres.

Redonner des ailes aux chômeurs longue durée. Pour certains, ces entreprises peuvent aussi servir de marchepied avant de postuler dans le privé. "C'est un tremplin pour pouvoir intégrer une entreprise classique", explique ainsi David, qui a occupé pendant un an ce type d'emploi à Thiers, dans le Puy-de-Dôme, et vient d'être embauché à un poste de paysagiste dans une entreprise 100 % privée, "avec une rémunération en rapport avec  l'expérience acquise, pour pouvoir avoir un avenir meilleur et plus serein". Les recruteurs commencent également à s'intéresser à ce type de profils.

Un modèle fragile. Néanmoins, d'un point de vue économique, ces entreprises n'ont pas le droit de faire concurrence à des entreprises privées ou à des services publics. Elles doivent donc trouver des activités qui n'existent pas localement. Il leur est donc difficile, dans ce contexte, d'être complètement rentable. Si l'Etat assure les deux tiers de leur financement, il faut trouver le tiers restant pour pouvoir payer les salariés.

Néanmoins, une cinquantaine de territoires se disent prêts à tenter l'expérience, du territoire du pays de l'Herbasse, au nord de Valence, à des quartiers de Marseille et Bordeaux, en passant par Saint-Denis de la Réunion. L'association "Territoire zéro chômeurs de longue durée" pousse donc pour que le gouvernement étende le dispositif l'an prochain. Mais pour l'instant, le ministère du Travail dit vouloir poursuivre les expérimentations déjà en place avant d'envisager une extension du dispositif.