Retraites : "On est loin d'un accord", les syndicats mitigés après une rencontre à Matignon

Laurent Berger
Comme les autres syndicalistes réformistes, Laurent Berger est sorti de la réunion avec le gouvernement mitigé. © JACQUES DEMARTHON / AFP
  • Copié
, modifié à
Les partenaires sociaux étaient attendus mercredi à Matignon pour de nouvelles discussions autour de la réforme des retraites. Si les plus durs n'attendent que le retrait du texte, les réformistes, eux, veulent des ajustements. En dépit de signes d'"ouverture" de la part de l'exécutif, ils restent prudents.
DÉCRYPTAGE

Le ton du gouvernement avait été donné dès la matinée de mercredi. En affirmant, via ses proches à l'Élysée, qu'il était "disposé à améliorer" sa réforme des retraites mais "n'abandonnera[it]" pas ni ne "dénaturera[it]" le projet, Emmanuel Macron avait donné un cadre pour les nouvelles discussions entre les partenaires sociaux et l'exécutif. Les premiers ont été reçus, mercredi soir, à Matignon, pour d'énièmes discussions sur cette loi très controversée. Conformément à ce qu'avait annoncé le président, les plus réfractaires d'entre eux, notamment la CGT, qui réclament le retrait sinon rien, n'ont pas eu gain de cause. Les réformistes, ceux qui veulent et croient encore à des ajustements, ont senti les lignes bouger... sur la forme, plus que le fond.

Des ouvertures sur la pénibilité ou la retraite minimum...

C'est le cas notamment de Cyril Chabanier, le nouveau président de la CFTC. Celui-ci s'est dit "un peu plus optimiste" en sortant de la réunion qu'en y entrant, notamment parce que l'exécutif pourrait relever le minimum des retraites au-delà des 1.000 euros annoncés en premier lieu. Laurent Escure, secrétaire général de l'Unsa, a lui aussi senti "une écoute du Premier ministre et des signes d'ouverture" au terme d'une "discussion franche". Ouverture sur une meilleure prise en compte de la pénibilité, comme le réclame le syndicat. Mais "cela reste à confirmer", a-t-il immédiatement nuancé sur Europe 1.

Le plus attendu était bien sûr Laurent Berger, qui a eu droit à une demi-heure de plus que les autres dans le bureau d'Edouard Philippe. Il faut dire qu'à la tête du premier syndicat de France, la CFDT, celui-ci peut faire basculer la situation dans un bras de fer durable ou, au contraire, vers l'apaisement.

Si Laurent Berger a "senti une volonté de discussion et d'ouverture" de la part de l'exécutif, il a immédiatement tranché : "On est très, très loin d'être d'accord. On a constaté une nouvelle fois un désaccord sur l'âge d'équilibre proposé par le gouvernement. Nous avons redit que nous ne voulions pas de cette mesure."

...mais l'âge pivot continue de cristalliser les tensions

Cet âge d'équilibre, ou âge pivot, est le dossier le plus délicat du moment. Il prévoit un report de facto de l'âge de départ à la retraite pour quiconque veut toucher une pension pleine. Autrement dit, tout en disant qu'il conserve un âge de départ à 62 ans, l'exécutif fait en sorte que seuls les travailleurs qui partent à 64 ans puissent toucher une meilleure retraite. Une "ligne rouge" pour les syndicats réformistes, notamment la CFDT. Le gouvernement estime qu'il n'est pas possible de faire autrement pour conserver l'équilibre du système. Laurent Berger, lui, a proposé une autre option pour s'en assurer : augmenter les cotisations retraites. Le problème, c'est que le patronat (et Bercy non plus) n'en veut pas.

Le gouvernement pourrait proposer une solution alternative avec un âge pivot "différencié", qui tiendrait compte de la pénibilité du travail. Mais cela ne suffira probablement pas à contenter les syndicats réformistes. Et au sein même de la majorité, certains, comme la députée Barbara Pompili, ont suggéré d'abandonner purement et simplement le concept d'âge pivot.

"Si on ne revient que partiellement dessus, ce ne sera pas une victoire pour Laurent Berger", confirme un ténor de la majorité. "Et il est important de lui offrir une porte de sortie." Qui serait d'ailleurs aussi celle du gouvernement pour s'extirper d'un bras de fer coûteux dans l'opinion. Si les grèves entraînent des difficultés importantes notamment dans les transports, les enquêtes d'opinion montrent que les Français sont majoritairement contre la réforme des retraites.