Redressement des finances publiques : le gouvernement français taclé pour son manque d'ambition

Bercy
Le gouvernement répète à l'envi sa détermination à redresser des finances publiques fortement dégradées sous l'effet des crises sanitaire et énergétique. © LOIC VENANCE / AFP
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avec AFP / Crédit photo : LOIC VENANCE / AFP
Selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), la nouvelle trajectoire fixée par le gouvernement pour réduire l'endettement de la France d'ici 2027 reste "peu ambitieuse" et repose sur des hypothèses de croissance "optimistes". L'organisme ne ménage pas ses critiques dans son avis sur la nouvelle mouture du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027.

Quoique plus volontariste, la nouvelle trajectoire fixée par le gouvernement pour réduire l'endettement de la France d'ici 2027 reste "peu ambitieuse" et repose sur des hypothèses de croissance "optimistes", a jugé lundi le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Cet organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes ne ménage pas ses critiques dans son avis sur la nouvelle mouture du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, qui accélère les objectifs du gouvernement en matière de désendettement et de réduction du déficit d'ici la fin du quinquennat.

Manque de crédibilité

"La trajectoire de finances publiques prévue manque encore à ce jour, à notre sens, de crédibilité", a taclé le président du HCFP Pierre Moscovici, lors d'une conférence de presse. "Cette trajectoire paraît peu ambitieuse par rapport aux engagements européens, même si elle est un peu meilleure que dans le projet initial", a ajouté le responsable de cet organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes. Rejeté dans sa version initiale par les députés il y a un an, le projet de loi figure au menu de la session extraordinaire de l'Assemblée nationale mercredi et jeudi, un début d'examen qui coïncidera avec la présentation en Conseil des ministres du projet de budget pour 2024.

A moins de trouver des soutiens suffisants sur les bancs de l'opposition, le gouvernement pourrait cette fois recourir à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter, sans vote, le texte dont dépend selon lui l'obtention de milliards d'euros de fonds européens du plan de relance. Dans un courrier adressé au rapporteur général du budget Jean-René Cazeneuve (Renaissance), le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire estime que le versement de 17,8 milliards d'euros pourrait ainsi être bloqué en 2023 et 2024, et que 28 milliards d'euros seraient à risque jusqu'en 2026.

Redressement "tardif"

Le gouvernement répète à l'envi sa détermination à redresser des finances publiques fortement dégradées sous l'effet des crises sanitaire et énergétique. Son projet de loi de programmation des finances publiques prévoit de ramener le déficit public de 4,8% du produit intérieur brut (PIB) en 2022 à 2,7% en 2027, sous l'objectif européen de 3%, dans un contexte où la charge de la dette explose - au risque de bientôt dépasser le budget annuel de l'Education nationale, qui est le principal budget de l'Etat.

Pour Pierre Moscovici, le retour du déficit public dans les clous européens à la fin du quinquennat est "tardif" alors que cet objectif est déjà atteint par certains pays de la zone euro comme l'Allemagne ou le sera bientôt par d'autres. La dette diminuerait d'un peu moins de 4 points, à 108,1% du PIB, encore bien au-dessus de la limite européenne de 60%. Dans son avis, le HCFP souligne que le redressement des finances publiques est d'autant plus "fragile" que sa trajectoire repose sur des hypothèses macroéconomiques jugées "optimistes" et sur "une cible exigeante de dépenses (...) dont le respect n'est aujourd'hui pas forcément garanti".

"Un impératif catégorique"

Si la prévision de croissance de 1% du gouvernement pour 2023 est estimée "plausible", celle annoncée pour 2024, bien que révisée en baisse de 0,2 point à 1,4%, est "élevée", supérieure au consensus des économistes (0,8%). "Elle suppose que le durcissement des conditions de crédit a déjà produit l'essentiel de ses effets", note l'organisme en référence au resserrement monétaire opéré à marche forcée par la Banque centrale européenne (BCE) pour maîtriser l'inflation.

Les hypothèses retenues pour justifier la croissance de 1,7% attendue en 2025 et 2026, puis de 1,8% en 2027 sont également jugées "favorables", comme le maintien à un niveau élevé du taux d'investissement des entreprises, la contribution positive du commerce extérieur ou le recul continu du taux d'épargne des ménages qui viendrait soutenir la consommation. "Le désendettement est un impératif catégorique" afin de "dégager des marges de manœuvre" permettant à la France d'affronter de nouveaux chocs économiques et d'investir dans la transition écologique, a insisté Pierre Moscovici.