La Finlande expérimente le revenu universel, un des enjeux de la primaire de la gauche

La Finlande va distribuer un revenu universel de 560 euros par mois.
La Finlande va distribuer un revenu universel de 560 euros par mois. © DENIS CHARLET / AFP
  • Copié
Clément Lesaffre
La Finlande a lancé une expérimentation à l'échelle nationale d'un revenu universel. Une idée qui fait des adeptes en France, notamment chez les candidats de la primaire de la gauche.

La Finlande a entamé le 1er janvier une expérimentation limitée du revenu universel. Le pays scandinave est le premier en Europe à se lancer dans la distribution, à l'échelle nationale, d'un revenu de base sans conditions de ressources ni obligation de travail. L'État va verser pendant deux ans une allocation de 560 euros par mois à 2.000 personnes, âgées de 25 à 58 ans et tirées au sort.

Les autres allocations conservées. Ils ont en commun d'être actuellement sans emploi et de toucher une allocation chômage, remplacée depuis le 1er janvier par les 560 euros mensuels du revenu de base. Si leur allocation chômage était supérieure à 560 euros, la sécurité sociale leur versera la différence. En plus du revenu universel, les bénéficiaires continueront à toucher leur couverture santé et leur allocation logement.

L'intérêt de l'expérimentation tient au fait que si un bénéficiaire du revenu universel trouve un emploi dans les deux ans, il conservera les 560 euros par mois, peu importe le salaire perçu. Normalement, en Finlande, l'allocation chômage est supprimée dès lors qu'une personne touche un revenu de plus de 400 euros par mois. Un système qui pousse certains demandeurs d'emploi à refuser des offres mal payées, créant ainsi une trappe à inactivité.

Travailler en plus, ou pas. L'État finlandais va analyser les trajectoires des 2.000 bénéficiaires pendant deux ans et comparer avec un groupe de chômeurs qui touchent une allocation chômage proche des 560 euros du revenu de base. Objectif : déterminer si le revenu de base incite plus à trouver un emploi ou entreprendre des projets que le système d'allocation chômage, ou l'inverse.

Bientôt en France ?

Hormis cette première application limitée, le débat sur le revenu universel reste dans le domaine de la théorie. Économistes et philosophes tentent de déterminer l'intérêt financier et social d'une telle mesure. Les Français sont encore divisés sur la question. D'après un sondage Odoxa, 59% estiment que "l'attribution à tous les Français, sans condition de ressource et qu'ils travaillent ou non un revenu à vie compris entre 500 et 1.000 euros par mois", n'est pas une bonne mesure. 62% jugent qu'elle ne serait pas juste et 67% qu'elle n'est pas réaliste.

Mais les réponses des sondés soulèvent un paradoxe. Alors que 64% pensent que le revenu de base "incitera les Français à ne plus travailler et à se contenter de leur revenu universel", 85% assurent qu'à titre personnel ils travailleraient afin de gagner plus d'argent et parce qu'ils ne s'imaginent pas vivre autrement.

Reste que l'éventualité de mettre un jour en place un revenu universel gagne du terrain. Deux des cinq finalistes de la primaire citoyenne de LaPrimaire.org, venus de la société civile, proposaient un revenu de base pour tous les citoyens. La gagnante Charlotte Marchandise, invitée d'Europe 1 mardi, est favorable à sa mise en place pour "créer un nouvel équilibre social" et "lutter contre la pauvreté". Petit à petit, l'idée a également fait son chemin dans l'esprit des hommes et femmes politiques, de plus en plus questionnés sur cette problématique.

Enjeu de la primaire de gauche

Le revenu universel - ou revenu de base ou revenu décent, quel que soit le nom donné - sera l'un des enjeux de la primaire organisée par le parti socialiste en janvier.

Un revenu de 750 euros pour Benoît Hamon. Le plus engagé sur la question est sans aucun doute Benoît Hamon. Invité d'Europe 1 lundi, le candidat a réitéré sa volonté de mettre en place, s'il est élu président de la République, un "revenu universel d'existence" de 750 euros. Une mesure qui "ne se fera pas du jour au lendemain, mais c’est réaliste", affirme-t-il, estimant qu'il fallait revoir notre rapport en travail. Selon son programme, il s'agira d'abord d'augmenter le RSA à 600 euros pour les ayant-droits et les jeunes de 18 à 25 ans, "quel que soit leur niveau de ressources". Puis, il sera étendu à l'ensemble de la population sous la forme d'un revenu de base avant d'être finalement augmenté à 750 euros.

Le revenu décent de Manuel Valls. Autre candidat favorable à un revenu universel : Manuel Valls. L'ex-Premier ministre préfère le terme de "revenu décent". Sans remettre en cause notre rapport au travail, il considère cette mesure comme un moyen de simplifier le système "difficilement lisible" des minima sociaux. Comme écrit dans son programme, Manuel Valls veut donc "créer un revenu décent issu de la fusion de minimas sociaux qui sera attribué, sous conditions de ressources, à toute personne âgée de plus de 18 ans résidant régulièrement sur le territoire national". Son montant atteindrait 800 euros.

Plus d'opposants que d'adeptes. Le revenu universel ne fait pourtant pas consensus à gauche. Arnaud Montebourg juge qu'il ne constitue pas un "modèle de société" et préfère croire à "la société du travail", a-t-il affirmé sur RTL. Plus en nuances, il a déclaré que le revenu de base "est une solution pour après-demain car elle est infaisable" financièrement. Vincent Peillons'est quant à lui déclaré "philosophiquement opposé" au revenu universel, sur BFMTV. "Je crois à la dignité par le travail et dans le travail. Je veux une solidarité qui inclut, pas qui exclut : 'Je te donne de l'argent et tu restes chez toi'", s'est-il justifié.

Le Parti socialiste n'a pas le monopole du revenu universel. Chez Les Républicains, Frédéric Lefebvre et Nathalie Kosciusko-Morizet sont pour l’instauration d'un revenu de base, mais la somme va du simple au double : 470 euros pour NKM, entre 800 et 1.000 pour le député des Français de l'étranger. L'écologiste Michèle Rivasi, finaliste de la primaire EELV, y est elle aussi favorable et avance un montant de 800 à 1.000 euros.