Amazon s'oppose à la création de syndicats aux Etats-Unis. 2:58
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Nicolas Barré avec Alexis Guilleux et AFP, édité par Antoine Terrel
Les 5.800 employés du site Amazon de Bessemer, dans l'Alabama, étaient invités à voter pour ou contre la création d'un syndicat dans l'entrepôt. Un vote historique, le groupe s'opposant systématiquement à la création de syndicats outre-Atlantique. 
DÉCRYPTAGE

C'est une bataille importante qui se joue actuellement dans l'Alabama. Lundi, un vote pour ou contre la création d'un syndicat dans un entrepôt Amazon de cet État s'est achevé après une campagne très médiatique. Car une telle création serait une première chez le géant du commerce en ligne aux États-Unis, et pourrait, selon la presse, provoquer la résurgence des syndicats dans le pays. 

Entre les salariés et la direction d'Amazon, la lutte dure depuis des mois. Actuellement, Amazon emploie plus de 800.000 personnes aux États-Unis, ce qui en fait le deuxième employeur après Walmart, mais pas un seul de ses salariés n'est syndiqué. En février, les 5.800 employés du site de Bessemer ont finalement obtenu d'organiser ce vote pour ou contre la création d'un syndicat. Un vote qui peut changer l'histoire, Amazon s'étant toujours fermement opposé à la création de syndicats outre-Atlantique, pour des raisons de principe plus que de coût du travail.

Amazon fait campagne contre les syndicats

Car Amazon paye plutôt mieux ses employés que la moyenne, et leur fournit une assurance santé correcte. Mais il veut garder en contrepartie une grande flexibilité dans l'organisation du travail. Jusqu'ici, le géant a toujours gagné. À chaque tentative de création d'un syndicat, le groupe de Jeff Bezos a mobilisé des moyens considérables en faisant appel à des "union busters", des consultants en syndicats qui utilisent toutes les techniques des campagnes politiques comme la publicité, la vidéo, les réseaux sociaux, pour dissuader les salariés de se syndiquer, souvent avec succès. Des salariés ont d'ailleurs raconté qu'Amazon les a inondé de textos, affiches et réunions pour brandir l'épouvantail des cotisations syndicales élevées. 

L'Alabama fait partie de ces États du Sud surnommés les "right to work states", où les salariés ne sont pas obligés de payer des cotisations pour un syndicat. Dans d'autres États, tous les salariés sont obligés de cotiser. Et c'est pour le maintien de ce système que se bat Amazon, mais aussi beaucoup d'entreprises américaines, qui souhaitent que coexistent au sein de la première économie mondiale des zones très libérales et d'autres où les normes sociales sont plus strictes. Pour Amazon, c'est cette diversité de situations qui fait le dynamisme de l'économie américaine et qu'il faut garder.

Un vote historique, insiste la presse américaine

Le décompte des votes envoyés par la poste doit commencer mardi, sous la houlette de l'agence fédérale chargée du droit du travail. Les résultats ne sont pas attendus avant la fin de la semaine, au mieux. En attendant, la presse américaine suit avec attention ce feuilleton, et insiste sur son aspect historique. Pour le Washington Post, qui rappelle que Joe Biden a défendu le droit des travailleurs à voter sans subir de pressions de la part de leur employeur, ce vote est tout simplement l'une des plus importantes batailles syndicales de l'histoire récente. De son côté, le Dallas Morning News rappelle que de nombreux salariés se plaignent de leur journée harassante, étant la plupart du temps debout pendant dix heures avec seulement deux pauses de 30 minutes. 

Selon le magazine Time, cette syndicalisation pourrait déclencher une réaction en chaîne à l'échelle nationale et provoquer la résurgence des syndicats. Et quelque soit l'issue du vote, le New York Times assure que cette campagne syndicale a déjà réussi à ébranler la plus grande entreprise de commerce en ligne du monde.