Enquête relancée, dépôt de bilan… : l’empire Weinstein s’effondre

L'empire d'Harvey Weinstein s'effondre morceau par morceau.
L'empire d'Harvey Weinstein s'effondre morceau par morceau. © Ilya S. Savenok / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Alors que le procureur de New York veut comprendre pourquoi Harvey Weinstein n’a pas été inculpé pour agression sexuelle, le studio du producteur déchu a déposé le bilan lundi.

Harvey Weinstein aura donc entraîné son empire dans sa chute. Le studio de cinéma fondé par l’ex-magnat déchu d’Hollywood et son frère Robert en 2005 a officiellement déposé le bilan lundi. Une faillite qui pose des questions relatives aux droits des films produits et distribués par The Weinstein Company et qui rompt surtout les clauses de confidentialité des salariés, désormais libres de s'exprimer sur les abus sexuels du producteur. Hasard du calendrier, le même jour, le procureur de l’État de New York a annoncé ouvrir une enquête pour comprendre pourquoi Harvey Weinstein n'a pas été inculpé malgré les nombreuses plaintes à son encontre. Une double actualité qui sonne le glas de l'empire Weinstein.

Que va-t-il advenir de la Weinstein Company ?

La Weinstein Company (TWC) a longtemps négocié une reprise avec un consortium d’investisseurs mené par l'ancienne responsable des PME de l'administration Obama, Maria Contreras-Sweet, qui voulait reprendre le studio pour quelque 500 millions de dollars (405 millions d’euros), mais les négociations ont tourné court début mars. Selon une source proche du dossier, les acquéreurs potentiels auraient découvert 64 millions de dollars (52 millions d’euros) de passif supplémentaire, qui n'avaient pas été évoqués jusqu'ici.

Il faut dire que la situation financière de TWC est désastreuse depuis bien avant le scandale : le montant total des dettes est estimé à plus de 520 millions de dollars (422 millions d’euros), dont une majeure partie provient d’emprunt et de facilités de crédits pour ses productions mais aussi des retards de paiement de l’ordre de 100 millions de dollars (81 millions d’euros). De quoi repousser les quelques éventuels repreneurs encore en lice après les révélations et obliger la direction du studio, également attaqué en justice par plusieurs victimes présumées d'Harvey Weinstein, à déposer son bilan.

Toutefois, un accord a été trouvé avec une société d'investissement, Lantern Capital, pour la reprise "en substance des actifs et des employés" de TWC, même si cet accord reste à confirmer par le tribunal des faillites. Aucune information chiffrée n'a été donnée concernant cet accord de rachat.

Quel avenir pour Harvey Weinstein ?

Privé de sa principale source de revenus, Harvey Weinstein voit également son avenir judiciaire s’assombrir. A la demande du mouvement anti-harcèlement Time's Up, le procureur de l'État de New York a accepté lundi d'enquêter sur les raisons pour lesquelles Harvey Weinstein n'a pas été inculpé, presque six mois après les premières révélations sur les abus sexuels du producteur. "Nous avons une connaissance approfondie des années de comportement sexuel déviant d'Harvey Weinstein et nous l'avons récemment assigné en justice pour des abus sur ses employés au sein de la Weinstein Company", a déclaré le procureur, Eric Schneiderman, dans un tweet. "Nous sommes déterminés à mener une enquête complète juste et indépendante sur cette affaire", a-t-il ajouté.

Dans un communiqué, Time's Up avait indiqué avoir demandé au gouverneur Andrew Cuomo "une enquête indépendante sur le processus de décision dans ce dossier", y compris un "examen complet" des échanges entre les avocats d’Harvey Weinstein et le bureau du procureur de Manhattan, Cyrus Vance, pour s'assurer de l'"intégrité" du procureur local et "rétablir la confiance" dans son bureau. Le mouvement pointait du doigt le cas de la mannequine italienne Ambra Battilana Gutierrez, qui n'a donné lieu à aucune poursuite du procureur de Manhattan en 2015, alors que la police, en possession d'un enregistrement compromettant, pensait avoir un dossier solide.

Quelles conséquences pour les victimes potentielles ?

C’est l’autre conséquence du dépôt de bilan de TWC : la direction a annoncé mettre fin "immédiatement" aux clauses de confidentialité signées à l'initiative de Harvey Weinstein, "dans la mesure où elles empêchaient de parler des individus ayant subi ou été témoin des abus sexuels". "Personne ne doit avoir peur de s'exprimer ou être contraint de rester silencieux", a-t-elle assuré. "La société remercie les individus courageux qui ont déjà pris la parole. Vos voix ont inspiré un mouvement porteur de changement pour le pays et le monde entier".

La TWC, prudente, ne dit pas combien d'accords de confidentialité ont ainsi pu être signés. Si une centaine de femmes ont déjà accusé Harvey Weinstein d'abus sexuels allant du harcèlement au viol, cette annonce rend d'autres révélations possibles. Le procureur de l'État de New York, Eric Schneiderman, qui avait assigné la TWC en justice en février et empêché un accord de reprise faute de dispositions suffisantes pour les victimes d'Harvey Weinstein, s'est réjoui de cette annonce. Cela "permettra à des voix qui ont été trop longtemps bâillonnées de pouvoir enfin être entendues", a-t-il réagi.

Et les films dans tout ça ?

Au fil des ans, Harvey Weinstein s’était imposé comme l’un des producteurs-rois d’Hollywood. Avec des films comme Django Unchained, Le Discours d’un roi, Happiness Therapy ou encore Paddington, The Weinstein Company s’est octroyé de jolis succès publics et critiques, ainsi qu’un paquet de récompenses. Le catalogue du studio est donc très convoité. Jusqu’à nouvel ordre, les droits des films font partie des actifs transférés au fond d’investissement Lantern Capital qui décidera de ce qu’il souhaite en faire.

Mais confronté à ses difficultés financières, le studio a déjà été contraint de céder les droits de deux films : Paddington 2 et le projet d’adaptation de la série L’Homme qui valait trois milliards, tous deux vendus à Warner Bros. En plus des films déjà sortis, se pose la question de ceux à venir. Les problèmes pour les longs-métrages en production se règlent au cas par cas : Quentin Tarantino a ainsi fait passer son prochain film sur le tueur en série Charles Manson dans les mains de Sony Pictures.

Le problème est plus épineux pour les films dont TWC avait acquis les droits de distribution, des contrats signés longtemps à l’avance. La sortie de plusieurs films a d’ores et déjà dû être décalée : The War with Grandpa (comédie avec Robert de Niro), The Upside (remake d’Intouchables) et The Current War (biopic de Thomas Edison avec Benedict Cumberbatch) ont ainsi été repoussés à une date inconnue en 2018. Là encore le règlement se fait au cas par cas : Marie Madeleine, film sur la vie de Jésus produit et initialement distribué par TWC a été un temps décalé mais sortira bien finalement le 28 mars en France grâce à Universal Pictures.