Électricité : trois questions pour comprendre une hausse record

À partir de ce samedi, des millions de foyers vont payer 5,9% plus cher leur électricité.
À partir de ce samedi, des millions de foyers vont payer 5,9% plus cher leur électricité. © SEBASTIEN BOZON / AFP
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À partir de ce samedi, les tarifs réglementés de l'électricité vont augmenter de près de 6%, soit une hausse annuelle de 85 euros en moyenne pour les ménages. Un record en 20 ans.
ON DÉCRYPTE

Il s'agit tout simplement de la plus forte hausse des prix depuis 20 ans. À partir de ce samedi, les tarifs réglementés de l'électricité vont augmenter de 5,9%. Le gouvernement avait validé en début d'année cette augmentation proposée par la Commission de régulation de l'énergie, tout en repoussant son entrée en vigueur, initialement prévue pour cet hiver, au 1er juin.

De combien sera la hausse précisément ?

À partir de ce samedi, les clients du "tarif bleu" EDF, soit environ 25 millions de foyers, vont payer 5,9% plus cher. Pour ces foyers, cela représente en moyenne une hausse de 85 euros sur un an, soit 7 euros par mois environ. Si vous n'êtes pas client d'EDF, vous pouvez également être impacté car certains fournisseurs alternatifs (Engie, Total, Direct Energie d'ENI…) fixent leurs prix sur les tarifs EDF. Il faut donc vérifier sur votre contrat si le prix est fixe ou non.

Et cela ne va probablement pas s’arrêter là. En temps normal, les hausses d'électricité interviennent deux fois par an : le 1er janvier et le 1er août. Comme le gouvernement a gelé les tarifs pendant six mois pour éviter une facture trop élevée en plein hiver (et en pleine crise des "gilets jaunes"), la hausse de janvier n'intervient qu'aujourd'hui. Mais il devrait donc y avoir une deuxième hausse dans les prochains mois. Elle pourrait même intervenir dès le 1er aout. Selon les experts, elle pourrait être comprise entre 1 et 2% hors taxe; ce qui veut dire que sur l'année 2019 la hausse des tarifs de l'électricité sur l'année pourra atteindre 9% toutes taxes comprises !

Comment expliquer une telle hausse ?

Le Conseil supérieur de l'énergie, chargé de conseiller le gouvernement en la matière, a évoqué la nécessité d’entretenir "la qualité de notre système électrique" pour justifier la hausse. Mais la hausse est surtout due à la hausse des prix de gros d’autres énergies au niveau mondiale. Un élément qui est à lui seul la cause de 3,3% des 5,8% d'augmentation, comme l'explique sur Europe 1 Jean-François Carenco, président de la commission de régulation de l’énergie (CRE).

En effet, la loi française autorise l’indexation des prix de l’électricité sur l’évolution des prix de gros de l’essence ou du charbon, afin de ne pas pénaliser les producteurs d’électricité face à leurs concurrents. "Partout en Europe les prix de l'essence et du charbon, qui conduisent à calculer le prix de l'électricité, ont augmenté et partout en Europe les prix de l'électricité sont en hausse de 8 à 10 %. En France, c'est 6 %. C'est beaucoup je le reconnais, mais c'est un peu moins qu’ailleurs grâce au nucléaire qui est un facteur de stabilisation car il ne dépend pas des prix du charbon", explique ainsi Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, sur Europe 1.

Entendu sur europe1 :
Il nous faut préparer l'avenir, il nous faut payer la transition énergétique

Un autre volet concerne "la sécurité des approvisionnements. Il y a un mécanisme qui aujourd'hui se met en place, les certificats de capacité, qui vise à ce que la France voit ses approvisionnements en électricité sécurisés", avance Jean-François Carenco, en soulignant que "les coupures en France sont extrêmement rares", par rapport au reste du monde. "La sécurité a un prix, c'est ce que nous essayons de traduire."

"Les coûts de production de l'électricité ont dérivé depuis des années", a également rappelé sur notre antenne François de Rugy, ministre de la Transition écologique. Or, "le tarif de l'électricité a pour but de payer les coûts de production".  D'abord, "les coûts salariaux d'EDF qui sont plus élevés que ceux des autres entreprises de l'énergie". Ensuite "les questions des dérives sur le parc électro-nucléaire français". "L'endettement d'EDF est là pour le démontrer", a asséné le ministre. "Plus de 35 milliards d'euros de dette." Dettes notamment liées au retard pris par le projet d'EPR à Flamanville, dont le coût total pourrait dépasser les 11 milliards d'euros. "C'est une dérive de coût colossale, jamais vue."

Comment réagissent les associations de consommateurs ?

La plupart des associations de consommateurs monte au créneau pour dénoncer cette hausse. L'association de défense des consommateurs (CLCV) et l'UFC-Que Choisir vont même saisir le Conseil d'Etat pour tenter de la faire annuler.  "L'exécutif ne doit pas se défausser, se dédouaner. Il faut quand même rappeler que la crise des ‘gilets jaunes’ est une crise de pouvoir d'achat, qui est née des prix de l'énergie. Et quelques mois après le début de cette crise, qu'est-ce qu'on a, une hausse des prix de 6% de l'électricité. Et cette hausse est d'autant plus insupportable qu'elle est juridiquement contestable", déplore au micro d’Europe 1 Cédric Musso, de l’UFC Que choisir. Et de citer l’Autorité de la concurrence, qui s’est étonnée, en mars dernier, d’une telle hausse, dont le seul but serait selon elle de permettre aux concurrents d’EDF d’augmenter leurs tarifs.

Un avis partagé par notre éditorialiste éco, Axel de Tarlé, pour qui cette hausse est "totalement injustifiée". "Elle est le résultat d'une formule mathématique qui tient compte du prix du pétrole, du prix des droits à polluer. Or, en France l'électricité est nucléaire ! Pas de pétrole, pas de CO2. C'est exactement comme si on liait le prix de l'essence au prix du lait. Ça n'a rien à voir ! Ce sont deux choses complètement différentes !", dénonce-t-il. Et d’enchaîner : "Pourquoi ce "mic-mac" ? Pour permettre aux petits concurrents d'EDF d'être plus agressifs. On a créé la seule concurrence qui fait monter les prix !"

"Je ne crois pas que ce soit si politique. Je ne suis pas d'accord du tout. On dit partout qu'en électricité, la concurrence doit faire baisser les prix. Ma conviction, c'est que ce n'est pas exact", rétorque, pour sa part, Jean-François Carenco, président de la commission de régulation de l’énergie (CRE), invité d'Europe 1. Et de conclure : "La concurrence est là pour donner des produits nouveaux, faire de l'innovation. Et globalement, à l'arrivée, elle a des prix comme EDF. Il nous faut préparer l'avenir, il nous faut payer la transition énergétique".

L’UFC-Que choisir lance un achat groupé

Pour limiter l’impact pour les consommateurs, l’UFC Que choisir lance une opération de commande de gaz et d’électricité groupée, révélait Europe 1 mardi matin. Il s’agit de réunir un maximum de consommateurs pour aller négocier les meilleurs tarifs avec les fournisseurs d’électricité et de gaz. Pour cela, il suffit de s’inscrire sur le site Choisir ensemble.fr. L’association de consommateurs UFC Que choisir s’occupe ensuite de négocier les prix avec les fournisseurs.

"En moyenne, au vu des expériences passées, c’était 200 euros d'économies par souscripteur. Mais c’est une moyenne et plus la consommation est importante, plus les économies seront significatives. On a ainsi des consommateurs qui ont économisé plusieurs centaines d’euros sur leur facture d’énergie", explique Cédric Musso, de l’UFC Que choisir. Chaque inscrit recevra début septembre une offre personnalisée, avec des tarifs garantis pendant deux ans. Offre à laquelle il pourra choisir de souscrire ou non.