Échappée terminée pour les vélos en libre-service

Vélos libre service Paris 1280
Sans bornes, les vélos "flottants" sont garés parfois n'importe où sur les trottoirs. © GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
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Débarqués en masse dans plusieurs grandes villes de France en fin d’année dernière, les vélos "flottants", en libre-service mais sans borne, sont rattrapés par la réalité économique.

Vert, jaune, orange… Impossible de les louper. Depuis octobre 2017, des flottes de vélos colorés ont débarqué en masse dans les rues de certaines villes de France, à commencer par Paris. Gobee.bike, Ofo, oBike : voilà les noms des start-up derrière ces vélos "flottants", des bicyclettes en libre-service mais sans bornes fixes comme les Vélib’ ou les Vélo’v. Reposant sur leur facilité d’utilisation, ils ont séduit les cyclistes. Mais après seulement quelques mois, le modèle montre déjà des signes d’essoufflement. Gobee.bike a ainsi été contrainte de se retirer de trois grandes villes à cause des vols et des dégradations.

Facile à utiliser et pas cher. Pourtant, le concept avait tout pour fonctionner puisqu’il reposait sur deux piliers forts : facile et pas cher. Contrairement aux vélos en libre-service classique – type Vélib’ – il n’y a pas de borne. Les vélos "flottants" sont disposés dans la rue. On prend le sien là où l’utilisateur d’avant l’a laissé (grâce à une application qui géolocalise les vélos) et on le laisse où on veut. Côté tarif, il faut compter seulement 50 centimes par demi-heure. Pas d’abonnement, on débloque le vélo en flashant un QR Code sur le cadenas. Quand on le réactive à la fin, le paiement est arrêté.

Dégradations à répétition. Pendant quelques mois, tout a semblé aller comme sur des roulettes pour les vélos "flottants". Après ses débuts à Lille en octobre, la start-up hongkongaise Gobee.bike s’est installée successivement à Bruxelles, Paris, Reims et Lyon. Ofo et oBike ont pris sa roue en s’implantant dans la capitale, espérant séduire les jeunes urbains avec des vélos légers et colorés, tout l’inverse du Vélib’. Des avantages qui se sont transformés en défauts très rapidement. Les vélos mis en place étant de piètre qualité, ils cassent facilement. Des personnes mal intentionnées s’en sont rendu compte et ont désossé les bicyclettes pour leurs pièces détachées.

Résultat, les vélos "flottants" réclament une attention permanente des gestionnaires, à condition de repérer ceux qu’il faut réparer. Mais ces petites entreprises n’ont pas les reins assez solides pour gérer les réparations de leur flotte. C’est ce qui a poussé finalement Gobee.bike a quitté Lille, Reims et Bruxelles le 10 janvier. "Nous ne pouvons plus supporter ni le coût financier, ni le coût moral des réparations", a déploré l’entreprise dans un communiqué. "A Lille (500 vélos) et Reims (400), 80 à 90 % de la flotte était détériorée. Impossible de continuer dans ces conditions", se désole Malone Gampel, vice-président Europe de Gobee.bike, dans les colonnes du Parisien. Gobee.bike reste encore à Lyon et surtout à Paris, profitant du remplacement des Vélib’ qui tourne au cauchemar.

Des cyclistes guère partageurs. Mais les dégradations ne sont pas le seul frein au développement des vélos "flottants". L’absence de borne offre aux usagers une totale liberté dans les déplacements. Mais certains ont complètement détourné cette liberté à leur profit en "privatisant" les vélos. Ainsi, plusieurs cas ont été rapportés de personnes qui gardaient les bicyclettes désactivées à leur domicile ou sur leur lieu de travail. Ofo et oBike subissent aussi ces désagréments mais continuent leur activité pour l'instant.

Un système "anarchique". Mais il y a aussi les villes elles-mêmes, parfois mécontentes du déploiement des vélos "flottants". A Paris, le maire PS du troisième arrondissement Pierre Aidenbaum a dénoncé un "développement anarchique de vélos géolocalisables sans bornes d'accrochage", évoquant des vélos "abandonnés un peu partout, entassés, qui envahissent l'espace public". Le système, vu d'un bon œil par la mairie qui veut favoriser l'usage du vélo, entraîne néanmoins des encombrements qui sont une "préoccupation légitime", a indiqué Christophe Najdovski, adjoint en charge des transports et de l'espace public de la maire Anne Hidalgo. A Lille, pour éviter les débordements, la mairie réclame désormais une redevance annuelle de 11 euros par vélo à chaque opérateur, un coût financier censé les encourager à surveiller leur flotte d’un peu plus près.

Des difficultés partout. Les mauvais esprits diront que le manque de respect pour les vélos en libre-service est un mal français (JCDecaux a également souffert du coût des réparations à la chaîne de ses Vélib’). Mais en réalité, les opérateurs de vélos "flottants" rencontrent des difficultés partout où ils passent. En Chine, terre de nombreuses start-up du secteur, Bluegogo a cessé son activité en novembre 2017. En un an d’existence, elle avait brûlé plus de 100 millions de dollars à cause du vandalisme.

Même en Suisse, où les habitants ne sont guère réputés pour leur emportement, les vélos "flottants" n’ont pas fait l’unanimité, loin de là. En octobre, oBike avait déployé 1.000 bicyclettes dans les rues de Zurich. Mais les habitants, agacés par l’invasion massive des vélos jaune et gris encombrant la voie publique ont vivement réagi puisqu’il a fallu les repêcher dans la Limmat, la rivière qui traverse la ville, raconte Le Temps. Même les vélos "flottants" peuvent couler.