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Anne-Laure Jumet et Lionel Gougelot, édité par Grégoire Duhourcau , modifié à
Bercy ne ménage pas ses efforts pour tenter de préserver les emplois des salariés d'Ascoval, dont le tribunal étudie le cas mercredi. Mais ce n'est pas le seul dossier qui préoccupe actuellement le ministère de l'Économie.

Au regard des dossiers qui s'accumulent actuellement à Bercy, que ce soit Ascoval, la cristallerie d'Arc ou encore Arjowiggins, il y a de quoi s'interroger : la France est-elle en train de perdre son industrie ? Mercredi, le sort d'Ascoval est examiné par le tribunal. Il y a des chances pour que site de Saint-Saulve dans le Nord soit repris. Pourtant, ce n'était pas gagné après l'échec surprise, il y a un mois, de l'offre de reprise du groupe Altifort.

A l'époque, Bercy estimait qu'il n'y avait qu'une chance sur dix de retrouver un repreneur mais depuis, l'État, la région se sont mobilisés et ont rappelé tous les acteurs susceptibles d'être intéressés par le dossier. Aujourd'hui, trois offres sérieuses sont sur la table et le tribunal a accordé mercredi un sursis jusqu'au 24 avril. Il faut aller vite car, selon les informations d'Europe 1, Ascoval n'a de quoi tenir financièrement que jusqu'à la mi-mai.

Chez Ascoval, des salariés lessivés. Sur place, c'est donc l'attente. Les salariés sont fatigués et exaspérés. Condamnés, puis sauvés de justesse avant de se retrouver à nouveau au bord du précipice, leur stress est palpable. "Nous, on veut maintenant un projet qui soit solide parce qu'on en a marre. Il faut que ça cesse. Il faut que l'on puisse trouver une situation stable pour l'avenir. Il y a une fatigue psychologique. C'est insupportable", confie Nacim, délégué CGT. Son usure psychologique est partagée par son collègue Nicolas : "Même au niveau des familles, ce sont nos familles qui subissent. Quand on est dans le stress, dans l'incertitude, ne pas savoir de quoi demain est fait, on arrive chez nous énervé. Tous les salariés vous le diront. On ne peut plus tenir comme ça."

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Ils peuvent toutefois se réconforter avec la mobilisation des pouvoirs publics en leur faveur. Mais ils demandent que cet investissement soit pertinent, et non seulement un enjeu politique. "Si on n'est pas capable de nous donner de quoi vivre pour alimenter notre usine, ça ne sert à rien de venir se présenter. C'est ça que les gens doivent comprendre au niveau des politiques. Peut-être qu'ils ne veulent pas avoir d'échec politiquement parce que Ascoval a été très médiatisé, mais il faut qu'ils comprennent que nous souffrons. J'ai un message pour le futur repreneur. Qu'il ne joue pas avec la santé des salariés, qu'il ne vienne pas pour faire plaisir à Bercy, tenir un an ou deux, et derrière revenir dans les mêmes circonstances. Ça, il ne faut pas le faire", estime Lacène.

Comme lui, tous disent que cette fatigue et ce stress qu'ils ressentent peuvent leur faire perdre leur concentration dans leur travail au contact de l'acier en fusion, et donc les mettre en danger, même si, ces jours-ci, l'aciérie tourne un peu au ralenti.

D'autres dossiers en cours. Voilà où en est Ascoval à l'heure actuelle, mais il ne s'agit pas du seul dossier qui préoccupe Bercy. La cristallerie d'Arc, huitième site industriel français en termes d'emplois, vient d'obtenir une enveloppe de 120 millions d'euros pour éviter le dépôt de bilan. Un quart de la somme est apporté par l'État et les collectivités locales.

La papeterie Arjowiggins est également au centre des attentions. Elle fait l'objet en ce moment d'une offre de dernière minute pour son principal site dans la Sarthe, qui emploie 580 personnes. L'offre, portée par la direction avec les équipes de Bercy, ne reprend que 200 salariés. Il manque encore entre six et huit millions d'euros pour boucler le dossier. C'est donc une course contre la montre qui s'engage avant la décision du tribunal attendue vendredi. Les probabilités d'y parvenir sont faibles mais le maximum est fait, promet le ministère de l'Économie.

L'État ne peut pourtant pas tout faire. Cela a été vu encore récemment dans le dossier Ford. Le site de Blanquefort va fermer ses portes. La seule action encore possible de la part du gouvernement est de mettre tout son poids dans la balance pour que le plan social proposé soit le meilleur possible pour les 850 salariés.

Comment Bercy travaille sur ce genre de cas. Pour plancher sur ces dossiers, il existe plusieurs échelons à Bercy. La délégation interministérielle en charge des restructurations, dirigée par un homme venu du privé, suit les dossiers les plus politiques. Pour les entreprises de plus de 400 salariés, c'est une autre organisation de Bercy qui pilote le CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle) composé de six hauts fonctionnaires.

Enfin, pour les entreprises de moins de 400 salariés en difficulté, une équipe est localement dédiée. Les commissaires au redressement productif lancés par Arnaud Montebourg existent toujours même s'ils ont été rebaptisés en commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises. En 2017, ils ont ainsi accompagné 3.900 entreprises.

Par ailleurs, depuis des années, les gouvernements successifs lancent des plans pour redresser notre industrie. Le dernier en date, baptisé Territoires d'industrie, est doté d'un budget de plus d'1,3 milliard d'euros. Il a pour objectif de développer l'innovation et attirer les projets d'investissement dans 124 territoires.

À la vue de cette pile de dossiers, on aurait tendance à dire que l'industrie française est en crise. Il est indéniable que certains secteurs sont en souffrance mais globalement, la tendance est plutôt meilleure qu'hier. L'an dernier, l'industrie a créé plus d'emplois qu'elle n'en a détruit avec un solde positif de 9.500 postes. Cela n'était pas arrivé depuis 18 ans.