Ryanair : les dessous du "low cost"

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Un commandant de bord de la compagnie critique anonymement sa direction dans un livre.

"Ryanair. Low cost mais à quel prix ?" Cette question barre la couverture d'un livre incendiaire d'un commandant de bord de la compagnie irlandaise (éditions Altipresse), qui narre le procédé jusqu’au-boutiste de Ryanair pour réduire les coûts. L'auteur, qui utilise le pseudonyme Christian Fletcher par crainte d'un licenciement, a sorti son réquisitoire le 24 mai, quelques jours avant le procès en France de la compagnie, poursuivie pour infraction au droit social français.

livre ryanair, pilote de bord

© Capture Editions Altipresse

La sécurité en question. "Seriez-vous rassuré en tant que passager de savoir que le commandant de bord n'a dormi que 3 ou 4 heures la nuit précédente?", interroge l'auteur en référence aux rythmes infernaux des équipages. Christian Fletcher, pilote expérimenté, souligne les "conditions de travail déplorables", agrémentées d'un stress permanent des équipages pressurisés par des escales de 25 minutes chrono. Dans son livre, il résume également une vingtaine d'incidents subis par la compagnie, dont plusieurs à cause d'un manque de fuel.

Radin sur le kérosène. Le récit du commandant de bord anonyme dépeint une compagnie motivée par la seule quête d'argent, quitte à surfer parfois avec les limites élémentaires de sécurité. C'est le cas notamment avec l'emport de kérosène, réduit à sa stricte nécessité... hors incidents imprévisibles. "La compagnie organise une compétition interne entre commandants de bord pour la consommation de carburant. Elle publie chaque mois (...) le classement du meilleur au moins bon 'gestionnaire' de fuel", explique l'auteur, qui rappelle les chiffres : sur une année, le kérosène coûte 1,6 milliard d'euros à l'entreprise, soit 43% de ses dépenses opérationnelles. Raison pour laquelle la climatisation par passager est rationnée. Christian Fletcher rappelle l'histoire de ce passager, qui, suffoquant dans l'appareil au sol à Séville, avait ouvert la porte de l'avion sans autorisation, et déclenchant le toboggan.

Op-ti-mi-sa-tion. Le fuel n'est pas le seul poste de dépenses lorgné de près par le patron de la compagnie. L'auteur du livre souligne également les difficiles conditions d'atterrissage, sur des pistes courtes. Le freinage est volontairement "fort" (brutal) pour "libérer la piste au plus vite et minimiser le temps de roulage". C'est aussi pour cette raison de gain de temps - qui permet à la compagnie d'être populaire - que Ryanair s'est implanté sur des aéroports de seconde zone.

bandeau ryanair, avion

Harcèlement du personnel au sol. Mieux, il rappelle cette mésaventure vécue lors d'un vol. En Italie, lors d'un déroutement de Pise vers Gênes en raison d'orages violents, l'équipage avait été véritablement harcelé par le personnel au sol qui souhaitait un déroutement vers Bologne, au mépris des conditions météorologiques et du manque de carburant. A l'issue de ce périple, "nous dormirons quelques heures habillés de nos uniformes Ryanair à même le sol dans l'agence de handling de Gênes. La compagnie ne fournira aucune compensation financière et bien entendu ni repas ni boissons", raconte-t-il.

michael o'leary, ryanair

O'Leary, un patron détonnant. L'excentrique Irlandais à la tête de Ryanair, on le savait, aime faire parler de lui et de sa compagnie avec ses coups médiatiques à répétition. Ainsi, il y a un an et demi, Michael O'Leary proposait rien de moins que de supprimer des toilettes à bord, pour faire rentrer six passagers de plus dans ses Boeing 737. Une mesure qui aurait permis, affirme-t-il, de faire baisser le prix du billet de 5%. Il avait également suggéré d'enlever les places assises, afin que les passagers voyagent debout, comme dans le bus ! Là encore, cela aurait permis de faire rentrer plus de monde dans les appareils, et donc de faire baisser le prix du billet. "Ces coups médiatiques ont un intérêt", rappelle Bernard Chabbert, le consultant aéronautique d'Europe 1 : "ça lui permet de faire de la communication sans dépenser un centime et en étant sûr d'être repris par tout le monde".

 

L'ouvrage de Christian Fletcher n'est cependant pas du goût de Ryanair. La compagnie explique qu'elle a déposé une plainte. "Nous ne commenterons pas davantage", a ajouté Robin Kiely, le directeur de la communication.