Renault : Thierry Bolloré, un dauphin jeté dans le grand bain

Thierry Bolloré, Renault (1280x640) STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Thierry Bolloré, ici en février dernier, a pris mardi la direction exécutive de Renault "à titre provisoire". © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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avec AFP , modifié à
Cet industriel discret de 55 ans, adoubé par Carlos Ghosn, a été nommé mardi à la direction par intérim du constructeur français.

Son nom est très connu. Son prénom beaucoup moins. Mais cela ne devrait pas durer. Âgé de 55 ans, Thierry Bolloré, lointain cousin seulement de Vincent Bolloré, PDG du groupe de logistique et de communication du même nom, s’est vu confier mardi la direction exécutive de Renault après l'arrestation au Japon de son PDG, Carlos Ghosn, soupçonné de malversations et actuellement toujours en garde à vue. La mission qui attend Thierry Bolloré, alors que la marque au losange traverse l'une des plus grosses crises de son histoire, est immense. Mais celui que Carlos Ghosn s'était choisi en février dernier comme dauphin ne manque ni de références ni d'expérience.

Une longue carrière dans l’industrie automobile

Originaire de Quimper, dans le Finistère, Thierry Bolloré, titulaire d'un MBA de l'université Paris Dauphine, a commencé sa carrière en 1990 à Poitiers comme chef d'atelier dans une usine de pneus pour poids lourds du groupe Michelin. Repéré comme un fort potentiel, il gravit rapidement les échelons. Après trois ans, il devient responsable procédés et qualité pour l'ensemble des usines poids lourds du monde, un poste qui le fait voyager régulièrement. "Ce passé chez Michelin a dû taper dans l'œil de Carlos Ghosn", estime un expert du secteur. À sa sortie de l'École nationale supérieure des mines, Carlos Ghosn avait été embauché par Michelin, où il passa 18 ans.

Thierry Bolloré, au parcours professionnel moins "classique" dans ce monde des capitaines d'industrie - il n'a pas fait de grande école comme Ghosn ou son prédécesseur, Louis Schweitzer - y resta à peine moins longtemps. Alors vice-président monde en charge de l'industrie pour la branche Michelin Avion, il quitte le manufacturier de Clermont-Ferrand après quinze ans pour rejoindre Faurecia, groupe français d'ingénierie et de production d'équipements automobiles, qui fait partie du giron de PSA. Il en devient en 2010 vice-président monde, en charge de l'industrie, de la qualité et des achats.

Deux ans plus tard, après la crise des "faux espions chinois" qui touche Renault, il rejoint la marque au losange en tant que directeur des fabrications de la chaîne logistique, un poste qu'il n'occupe qu'un an, devenant en 2013 directeur délégué à la compétitivité.Enfin, en février dernier, il est nommé directeur général adjoint - un poste alors vacant depuis… 2013 -, ce qui ressemble fort à un adoubement, au moment où l'État français, actionnaire influent de Renault (l'État français dispose de 15% du capital), souhaitait voir Carlos Ghosn, de neuf ans son aîné, préparer sa succession. Chez Renault, Thierry Bolloré s'est rapidement imposé dans le costume du n°2, appliquant la politique incarnée par Carlos Ghosn, autour de la réduction des coûts (délocalisations notamment) et de la synergie industrielle entre les marques.

Plusieurs expériences en Asie

Tout au long de cette longue carrière, réalisée exclusivement dans le monde de l'automobile, Thierry Bolloré a passé plusieurs années en Asie, ce qui n'est évidemment pas un détail quand on dirige - nommé "à titre provisoire", il dispose des "mêmes pouvoirs" que Carlos Ghosn - une entreprise qui dispose de 43,4% des parts dans Nissan (lui-même actionnaire de Mitsubishi), constructeur japonais au cœur de l'enquête ouverte au Japon. "Je pense que sa connaissance de l'Asie et ses aptitudes dans les relations avec les Japonais lui donnent un avantage dans la succession", estime un ancien collègue qui l'a côtoyé à l'époque de Faurecia.

Chez le groupe français, Thierry Bolloré a été vice-président pour l'Asie de la branche pots d'échappement, fonction basée en Chine, dans laquelle il a unifié des activités jusque-là éclatées. Plus tôt dans sa carrière, chez Michelin, il a été en 1997 assistant industriel à l'usine pneus tourisme d'Ohta, au nord-ouest de Tokyo, puis, l'année suivante, il avait rejoint la Thaïlande comme responsable de l'activité poids lourds.

 

Un CV "asiatique" bienvenu, évidemment, au moment de prendre en mains, ne serait-ce que temporairement pour le moment, le groupe Renault, pour qui la relation avec ses partenaires japonais au sein de l'Alliance tripartite est cruciale et dont le développement commercial en Chine est une priorité.

"Chaleureux", "ouvert", "posé", "à l'écoute"

Et l'homme, me direz-vous ? "Très rigoureux, très sérieux, mais en même temps chaleureux, il a des qualités de calme, d'analyse et il est pondéré", dit de lui son ancien collègue chez Faurecia. "C'est quelqu'un d'ouvert, de posé, à l'écoute et en même temps, il sait prendre des positions" et "il accepte la critique", expliquait en début d'année Franck Daoût, délégué central CFDT chez Renault. Ces qualités ne seront pas de trop pour ce père de cinq enfants et passionné de voile, en ces temps de forte tempête…