Paradis fiscaux : "des effets d'annonce"

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Sophie Amsili , modifié à
LE POINT DE VUE DE - Le spécialiste Eric Vernier juge inefficaces les propositions du président.

Conséquence de l'affaire Cahuzac, François Hollande a présenté mercredi ses solutions pour "éradiquer" les paradis fiscaux "en Europe et dans le monde". Les banques françaises devront ainsi donner plus d'informations sur leurs filiales à l'étranger et Paris établira une nouvelle liste des paradis fiscaux. Pas très convaincant pour Eric Vernier, chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et spécialiste de l'évasion fiscale et du blanchiment de capitaux.

> Europe1.fr : les propositions de François Hollande vous paraissent-elles efficaces ?

Eric Vernier : Non, ce n'est pas avec ces propositions, qui ont déjà été faites, qu'on luttera contre la fraude fiscale. On a reproché à Nicolas Sarkozy des mesures à l'emporte-pièce, à chaud. Et c'est ce qu'a aussi fait François Hollande. Globalement, ce sont plus des effets d'annonce qui cherchent surtout à faire plaisir à une opinion publique échaudée. En lui donnant en pâture des listes,  on alimente un climat de suspicion, notamment vis-à-vis des banques dont la confiance est déjà fragilisée, ce qui est toujours dangereux.

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> A-t-on aujourd'hui des listes fiables de paradis fiscaux ?

Oui, on a déjà des listes très bien faites par des ONG, par exemple Transparency International et Anticor. La France pourrait s'appuyer dessus au lieu d'en créer une nouvelle. Cela me paraît superflu.

> Quelles mesures préconisez-vous alors ?

On ne règle pas un problème d'une telle ampleur d'un coup et ce n'est pas la France seule qui pourra agir. C'est au niveau européen qu'il faut réfléchir. Il faut de nouvelles directives sur la fraude fiscale et le blanchiment d'argent qui s'imposeront à 27 pays. Déjà, on commencera à avancer.

Ces directives devront, au minimum, imposer un échange automatique d'informations entre les pays. Mais même là, il faut bien que quelqu'un appuie sur le bouton pour envoyer les informations et qui nous dit que celles-ci ne seront pas partielles ? Dans un deuxième temps, il faut aller vers une harmonisation fiscale. Car tant qu'il y aura des pays à la fiscalité réduite, comme l'Irlande, Chypre, la Hongrie ou Malte, on ne pourra pas combattre efficacement la fraude. Quant à l'éradiquer complètement, je n'y crois pas.

> Aux Etats-Unis, la loi FATCA entrera en vigueur à partir de 2014. Elle prévoit que les banques étrangères devront fournir des informations aux Etats-Unis sur tous leurs clients américains. Ce dispositif pourrait-il servir de modèle aux Européens ?

C'est une piste à creuser. Mais le FATCA en l'état est hypocrite [car l'échange d'informations n'est pas réciproque, NDLR] : les Américains ne peuvent plus aller placer leur argent à l'étranger mais on peut toujours aller en cacher chez eux sans problème.