Justice : qui gagne 30.000 euros par mois ?

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Sophie Amsili et Laurent Guimier , modifié à
FACT-CHECKING - Les greffiers privés des tribunaux de commerce, pointés du doigt par Louis Gallois.

La déclaration. Louis Gallois s'est sciemment "mis" toute la profession des greffiers de tribunal de commerce "sur le dos" en dévoilant leur salaire particulièrement élevé dimanche lors du Grand rendez-vous Europe 1/i>Télé/Le Parisien-Aujourd'hui en France. "Vous savez combien gagne un greffier de tribunal de commerce dans un gros greffe ? 30.000 euros par mois", a-t-il déclaré alors qu'il présentait ses propositions pour faire des économies et relancer la compétitivité du pays.

Qui sont les greffiers des tribunaux de commerce ? Ils ont le monopole de nombreux actes de procédure comme la transcription des débats, la conservation des jugements et, chose spécifique aux tribunaux de commerce, la tenue du fameux registre du commerce, qui enregistre toutes les sociétés. Quant à leur statut, c'est une originalité française : ils ne sont pas fonctionnaires comme c’est le cas dans les autres tribunaux, mais professionnels libéraux. Des privés, donc, en situation de monopole.

>> Laurent Guimier l'a vérifié : le chiffre avancé par Louis Gallois est vrai :

 

Un chiffre officiel. La somme de 30.000 euros provient d'un rapport de la Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services, qui dépend du ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. En 2010, chacun des 224 greffiers des tribunaux de commerce a encaissé 82.000 euros par mois, qui sont l’addition des centaines d’actes réalisés à des tarifs réglementés par le greffier et son équipe. En soustrayant les salaires des employés, les loyers et les taxes, il reste au greffier un bénéfice de 31.700 euros par mois.

Contacté par Europe 1, le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce Frédéric Barbin ne conteste pas le chiffre. Il rappelle cependant que chaque greffier a acheté très cher sa charge en début de carrière, de même que les notaires.

Pourquoi pas des fonctionnaires ? Il existe une solution très simple pour faire faire des économies aux entreprises : remplacer ces greffiers privés par des fonctionnaires d’Etat. C'est ce que préconisait Jacques Attali dans son rapport "pour la libération de la croissance française" publié il y a cinq ans : les greffes privées dans les tribunaux de commerce y sont qualifiées d'"étrangeté héritée de la mise en place des juridictions consulaires il y a plusieurs siècles". "Ces monopoles sont devenus de véritables rentes au fil des ans, qui réalisent le plus souvent des marges considérables sans lien avec une activité concurrentielle normale", dénonce le rapport. "Il convient donc de [les] supprimer et de les remplacer, comme dans toutes les autres juridictions, par des services administratifs spécialisés." La proposition était restée sans suite.