Crédit agricole: patrons vs. actionnaires

Le titre Crédit agricole SA est passé le 18 mai sous la barre de 3 euros. En 2007, l'action valait encore plus de 30 euros.
Le titre Crédit agricole SA est passé le 18 mai sous la barre de 3 euros. En 2007, l'action valait encore plus de 30 euros. © MAXPPP
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Les détenteurs des titres, en chute libre, accusent les dirigeants de s'octroyer des millions d'euros.

"Avec la Grèce, le cours est à 3 euros, avec l’Espagne et l’Italie, il va passer à 1 euro, et ne remontera jamais, c’est fini." C'est le message bien peu encourageant qu'ont reçu les actionnaires du Crédit agricole mardi, à l'issue de leur Assemblée générale, de la part d'un représentant du syndicat SUD cité par Challenges. Le titre est en effet passé le 18 mai sous la barre de 3 euros, et a perdu près de 30% de sa valeur depuis le début de cette année, après avoir plongé de 54% en 2011. En 2007, l'action Crédit agricole SA valait encore plus de 30 euros.

Résultat : les actionnaires de Crédit agricole SA, pour beaucoup des membres du petit personnel de la banque, ne recevront aucun dividende au titre de 2011. Une information qui a rendu l'assemblée  générale quelque peu houleuse, provoquant des tensions entre les actionnaires et le duo Jean-Marie Sander et Jean-Paul Chifflet, respectivement président et directeur général.

"C'était ma mère nourricière"

Les détenteurs de titres accusent les dirigeants d'avoir fait chuter le titre et ruiné les comptes en s'aventurant trop à l'étranger, notamment en Grèce. En 2006, la banque ouvre en effet Emporiki, la filiale grecque du groupe. À l'époque le pays a de belles perspectives de croissance. Mais depuis la crise de la dette, la filiale a fait perdre 6,5 milliards d'euros au Crédit agricole. "Je n'aurais jamais pensé que le Crédit agricole pouvait s'aventurer autant à l'étranger", lâche l'un des actionnaires durant la réunion, selon des propos rapportés par le Point. "On est tombés dans le piège et ça, c'est dur à avaler", assène un autre. "J'ai toute mon épargne, je dis bien toute mon épargne, en actions du Crédit agricole, parce que c'était ma mère nourricière", s'émeut un troisième.

"Vous étiez là en 2006 quand on a dit qu’on allait se développer dans le Sud, et on ne vous a pas entendu", leur répond Jean-Marie Sander cité par Challenges.

Les dirigeants se sont ensuite employés mardi à rassurer tout le monde. "La crise grecque coûte douloureusement au groupe Crédit agricole. Mais les caps seront passés. Nous faisons le ménage, nous préparons l'avenir. Cela ne se fera pas en un seul jour ", a assuré le président Jean-Paul Chifflet, cité par Les Échos. Et de rappeler que le Crédit agricole avait de nouveau demandé aux autorités grecques qu'Emporiki puisse bénéficier du dispositif public grec d'accès à la liquidité bancaire.

"J’ai perdu 45.000 euros"

Mais là où le bâtblesse encore pour les actionnaires, c'est que les dirigeants se sont octroyés un million d'euros de jetons de présence, une rémunération attribuée en fonction de l'assiduité aux conseils d'administration. "J’ai 3.500 actions et j’ai donc perdu 45.000 euros. C’est ce que va toucher chacun des administrateurs, ne pourrait-on pas supprimer les jetons de présence ?", a d'ailleurs réclamé un actionnaire sous les applaudissements, selon Challenges.

D'autres, enfin, fustigent le fait que les dirigeants n'aient pas voulu diminuer leurs salaires malgré les difficultés. Au titre de 2011, Jean-Paul Chifflet a par exemple touché 1,3 million d'euros, tout compris. La direction leur a rétorqué que la part variable des revenus des dirigeants était en baisse depuis 2011 et est en partie conditionnée au cours de bourse, et que leurs salaires sont gelés depuis trois ans. Gelés, mais pas diminués.