Budget 2014 : après le "combat", place à la "pause fiscale"

Le gouvernement a vanté mercredi les réductions de dépenses "sans précédent" inscrites au budget 2014 pour tenir l'objectif d'un déficit sous les 3% fin 2015, ce qui n'allègera pas pour autant la fiscalité des ménages.
Le gouvernement a vanté mercredi les réductions de dépenses "sans précédent" inscrites au budget 2014 pour tenir l'objectif d'un déficit sous les 3% fin 2015, ce qui n'allègera pas pour autant la fiscalité des ménages. © Reuters
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Le message véhiculé par le nouveau Budget change radicalement de celui de l'an dernier. A raison ?

L'INFO. Le "Budget de combat", qualificatif donné par Jean-Marc Ayrault au projet de loi des Finances 2013, est enterré. Le Budget 2014, détaillé mercredi en Conseil des ministres, met lui "le cap sur la croissance et l'emploi", pour reprendre l'intitulé même du Projet de loi de Finances (PLF). En un an, le message a radicalement changé. En 2013, la réduction des déficits était suffisamment présentée comme prioritaire pour justifier 24 milliards de hausse d'impôts, sur un total de 37 milliards d'effort budgétaire. En 2014, l'accent est mis sur les réductions de dépenses publiques, la "pause fiscale" ainsi que les soutiens à la croissance et l'emploi.

>>> Comment s'est opéré ce (radical) tournant ? La situation a-t-elle tant changé depuis un an ? Le Budget 2014 est-il vraiment celui de la "pause fiscale" ? Décryptage.

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Il y a un an, seule la rigueur était de rigueur. Le 28 septembre 2012, Jean-Marc Ayrault présentait en grande pompe son "budget de combat", un "budget courageux et responsable". Le Premier ministre appelait alors à "la mobilisation générale" des Français pour "réussir la bataille du redressement" de la France et de ses finances publiques. Il demandait ainsi un "effort inédit" pour ramener le déficit public à 3% du PIB en 2013. À l'époque, le PLF prévoyait que plus de 60% des efforts soit financé par les hausses d'impôts. Et les ministres en faisaient le service après-vente sans rechigner, au nom de la promesse des 3% faîte à Bruxelles. "La France a donné sa parole et, quand on est un grand pays, on respecte sa parole", argumentait sans faillir le ministre du Budget d'alors, Jérôme Cahuzac.

C'est désormais l'année de la "pause fiscale"... Cette année, la donne est sensiblement différente. Pour tenir ses objectifs de réduction de déficit, le gouvernement mise à 80% sur des réductions de dépenses (soit un effort de 15 milliards). Et le vocabulaire aussi est différent. Fini le "Budget de combat", place à "la pause fiscale", concept que l'exécutif défend depuis plusieurs semaines. "Le temps est venu de faire - plus tôt qu'il n'avait été prévu - une pause fiscale", a ainsi commencé François Hollande fin août, dans une interview au Monde. Et le chef de l'Etat d'en remettre une couche, il y a dix jours sur TF1 : "il faut atténuer la pression et réduire l'imposition de ceux qui travaillent ou qui sont en retraite". "Nous préférons faire des économies plutôt que d'augmenter les impôts", ont réaffirmé le ministre de l'Economie Pierre Moscovici et son collègue délégué au Budget Bernard Cazeneuve, en préambule du texte.

Mosco Cazeneuve bandeau

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… et du retour à la prospérité. Outre la fiscalité, le gouvernement veut montrer qu'il a à cœur de ne pas tuer dans l'œuf une reprise qui commence tout juste à pointer le bout de son nez. "On passe à un budget construit avec la volonté d'accompagner le retour de la croissance et l'infléchissement attendu du chômage", écrivent les ministres. Côté croissance, le Budget nouveau se veut ainsi plutôt favorable aux entreprises qui, outre 10 milliards d'euros redistribués via le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), voient leurs prélèvements stabilisés. Côté emploi également, le ministère du Travail se voit doter d'une enveloppe supplémentaire de 900 millions, pour financer les contrats d'avenir et autres contrats de génération.

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Qu'est ce qui a changé en un an ? "Nous avons retrouvé notre souveraineté budgétaire, c'est-à-dire la liberté de faire des choix qui préparent l'avenir", assurent les ministres, pour expliquer ce changement de "cap". Pourtant, en y regardant de plus près, la situation n'est pas sensiblement différente que l'an dernier : le déficit est tout juste passé de 4,5% en 2012 à (probablement) 4,1% cette année, contre 3% prévu initialement.

Mais la situation s'améliore tout de même. Après de nombreux mois au point mort, l'Insee a en effet annoncé une hausse du PIB au deuxième trimestre de 0,5 %. Et le gouvernement s'attend à une embellie durable, que les experts jugent envisageable. En outre, l'exécutif a pris conscience du "ras le bol" fiscal des Français, qui se ressent dans les sondages et provoque la contestation jusque dans les rangs du PS. Enfin, il y a Bruxelles. L'Union européenne a donné deux ans supplémentaires à la France pour arriver à 3% de déficit. Ce qui avait fait dire à Pierre Moscovici, en mai dernier sur Europe1 : "l'austérité, c'est fini".

Moscovici : "Arrêtons l'austérité"par Europe1fr

Il y a-t-il vraiment "pause fiscale" en 2014 ? Le Budget 2014 prévoit certes moins de hausse d'impôts que le précédent. Mais la pause fiscale ne se fera toutefois pas ressentir pour tout le monde. Baisse du plafond du quotient familial, suppression de la réduction d'impôt pour frais de scolarité, fiscalisation des pensions de retraites pour les familles nombreuses, augmentation des frais de notaire, du malus automobile ou encore création d'un nouvel impôt sur les entreprises, les nouvelles taxes sont légion. Mais l'exécutif doit s'en servir pour compenser des impôts qui prennent fin cette année, ou pour financer d'autres mesures comme le crédit d'impôt compétitivité emploi, la revalorisation de la "décote" ou la baisse de la TVA sur les tickets restaurants.

Au final, seul un milliard de ces impôts nouveaux devra servir à la réduction du déficit. Pas sûr, toutefois, que le contribuable y voit clair. Comme le soulignait, en regrettant un débat "embrouillé", Claude Bartolone mardi : "ce qu'il y a de pire, c'est le sentiment de zigzag que nous donnons en cette rentrée et qui accrédite la thèse du matraquage fiscal énoncée par la droite."

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