Sur OCS, la série "3615 Monique" raconte la start-up au temps du Minitel rose

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Série comique française, "3615 Monique" sort ce jeudi sur la plateforme OCS. En dix épisodes savoureux et enlevés, cette fiction raconte l'invention, par trois étudiants, d'une messagerie érotique sur Minitel au début des années 1980. L'histoire d'une aventure entrepreneuriale sur fond d'époque révolue, mais qui résonne curieusement avec le monde contemporain.

La rencontre du Péril jeune et du Social Network de David Fincher. Voilà comment son réalisateur, Simon Bouisson, décrirait la série 3615 Monique, pépite française dont les dix petits épisodes (20 minutes) sortent ce jeudi sur la plateforme OCS (les deux premiers sont d'ailleurs disponibles gratuitement). L'histoire de trois étudiants de la fac de Jouy (cela ne s'invente pas) qui se lancent dans l'aventure d'une messagerie érotique sur Minitel au début des années 1980. L'histoire, aussi, d'une France giscardienne qui disparaît, percutée par la génération Mitterrand et la libération sexuelle dont Mai-68 a planté les fruits mais qui a mis quelques années à germer. Assez paradoxalement pourtant, l'aventure entrepreneuriale de ces geeks eighties n'est pas sans rappeler celle, bien plus récente, des start-uppers de la Silicon Valley et d'ailleurs.

 

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Quiproquos et dialogues enlevés

Tout commence, donc, avec trois stéréotypes : Stéphanie, sans argent mais pas sans idée ; Simon, le geek couvé par sa mère sans ami au premier rang de l'amphi ; et Toni, le dragueur invétéré. Malgré leur inimitié initiale, ces trois-là associent leurs compétences pour tirer parti d'un petit cube marron qui commence à coloniser les foyers, le Minitel. Et créent de toute pièce un service de messagerie érotique au succès grandissant. Il devient peu à peu de plus en plus difficile de se cacher de leurs parents et des réseaux de proxénétisme locaux qui voient d'un fort mauvais œil, quoi que pour des raisons radicalement différentes, cette nouvelle technologie.

3615 Monique reprend tous les ingrédients d'une (bonne) comédie, des quiproquos aux dialogues enlevés. Certaines scènes sont d'ailleurs particulièrement savoureuses, comme celle où Stéphanie expose son étude de marché rigoureuse. Ou celle, extraordinaire, des entretiens d'embauche pour recruter de nouvelles "hôtesses". "Armand Robin et Emmanuel Poulain-Arnaud, les créateurs de la série, sont friands de comédie, ils avaient un vrai désir de comique de situation", explique le réalisateur Simon Bouisson. "Moi, j'étais assez attaché à l'idée d'être très proche de l'histoire, de raconter une révolution technologique française qu'on a peut-être un peu oubliée."

Récit initiatique

Car la série raconte en réalité un triple "coming-of-age". Celui des personnages bien sûr, qui sortent peu à peu de l'enfance pour embrasser les joies (sexuelles) ou les affres (administratifs) de l'âge adulte. La découverte du désir des clients mène également à celle de leurs propres inclinations. Celui d'une technologie également, qui s'est révélée être un échec mais a posé toutes les bases de la société contemporaine. Comme le souligne Simon Bouisson, "le minitel est finalement comme un iPhone en un peu plus gros, un peu plus basique. Il permet aussi de parler à des inconnus et, pour la première fois, d'imaginer à quoi ressemble une personne à laquelle on parle. C'est le début des fantasmes liés à la technologie." Qui ont, aussi, leur part de tragédie.

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Enfin, c'est le "coming-of-age" d'une société toute entière qui se joue dans 3615 Monique. La France de Giscard (le père de Simon en est un fervent partisan) vit ses dernières heures, éteinte par une génération Mitterrand qui remet en cause les traditions et les carcans. Il est d'ailleurs intéressant de constater qu'en dépit de la nostalgie qui semble s'emparer de la fiction à la pensée des années 1980 (l'exemple parfait étant la série Stranger Things), la réalisation de Simon Bouisson n'enjolive rien. Les papiers peints sont aussi maronnasses que le Minitel et la photographie de la série embrasse cette laideur avec plaisir. "Aujourd'hui, on imagine que dans les années 80 tout était flashy et les mecs avaient tous des mulets. Ce n'est pas si vrai, c'était très terne. J'avais à cœur que ce soit très naturaliste, qu'on croit à tout", explique Simon Bouisson. "C'est une imagerie agréable à filmer, on a eu beaucoup de plaisir à faire des clairs-obscurs dans ces décors."

Mark Zuckerberg version eighties

In fine, la série ne fera pas sourire uniquement les nostalgiques de la belle époque de la télématique, lorsqu'il fallait choisir entre l'usage de son téléphone ou du Minitel. Les jeunes générations ne bouderont pas non plus leur plaisir devant 3615 Monique et n'y perdront aucun repère. Et pour cause : le parcours entrepreneurial de Stéphanie, Simon et Toni n'a rien à envier à celui de Mark Zuckerberg. En les écoutant vendre leur innovation, on croirait entendre n'importe quel start-upper venu vanter sa dernière appli. "Ce qui m'intéressait, ce n'était pas tant de filmer l'empire du sexe qu'ils sont en train de construire que la naissance du premier réseau social", confirme le réalisateur. "Il y a un véritable écho avec notre époque."

Si souvent moqué pour son échec cinglant, le Minitel est ici réhabilité comme le terreau des technologies modernes. Celles qui ont toujours suscité l'appréhension, voire le rejet. Mais ont également contribué à ouvrir les champs des possibles, à décloisonner le monde.