The Boys
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Diffusée sur Amazon Prime, la série The Boys renverse les codes des histoires de super-héros pour en faire des êtres sans foi ni loi. Et en profite pour jeter une lumière crue sur la société américaine.

Si vous vous essayez au visionnage de The Boys, série diffusée depuis la fin juillet sur la plateforme Amazon Prime, vous retrouverez les indispensables des histoires de super-héros. Des combinaisons moulantes, des capes et des capacités extraordinaires comme celle de se rendre invisible ou de voler : sur le papier, tout y est. Inutile néanmoins de chercher plus avant le goût des Marvel ou autres DC Comics. Comme le laissent deviner les noms de ses producteurs, Evan Goldberg (SuperGrave, Sausage Party) et Seth Rogen (SuperGrave encore, 40 ans toujours puceau, Nos pires voisins), The Boys fait dans le parodique trash.

Deux nouveaux jetés dans le grand bain

L'histoire est celle, d'abord, de deux petits nouveaux naïfs et plein d'espoir. À ma droite, la jeune Starlight qui, sachant maîtriser l'électricité, tente d'intégrer le cercle très fermé des "Seven", les sept super-héros les plus respectés de l'Amérique. Après un entretien d'embauche, la voilà acceptée dans le cercle très fermé. Qui se révèle dès les premières minutes être un vrai panier de crabes.

À ma gauche, Hugh Campbell, dit Hughie, vendeur en informatique timide et maladroit, que son père nourrit encore de pizza rolls devant la télé et que sa copine, Robin, tente désespérément de bouger un peu. Un beau jour, elle lui propose qu'ils emménagent ensemble. Main dans la main dans la rue, ils s'embrassent... jusqu'à ce qu'un super-héros super rapide, justement l'un des "Seven", traverse littéralement Robin de part en part, laissant Hughie seul dans un bain de sang avec son traumatisme et un peu de rancœur. La rencontre du jeune homme emprunté avec le mystérieux Billy Butcher, fondateur du club des "Boys" et bien décidé à se venger des super-héros, lui offre une occasion d'obtenir justice.

Des super-héros à la sauce capitaliste

Suivant les trajectoires des deux jeunes gens, The Boys se livre à une consciencieuse entreprise de démolissage des idoles. Ici, les super-héros ne sont pas des chevaliers blancs mais les salariés d’une multinationale, Vought, vice-présidée d'une main de fer par l'implacable Madelyn Stillwell. Constamment entourés par des équipes marketing promptes à balancer les story-telling les mieux huilés, ces "Seven" sont beaucoup plus intéressés par leur bonus de fin d'année que par le sauvetage de la planète.

Sauvetage qui, lui aussi, a été phagocyté par les vicissitudes du monde moderne : qu'importe les interventions tant qu'elles sont diffusées en direct sur les réseaux sociaux, qu'importe les engagements tant qu'ils permettent à l'action de Vought de grimper en bourse. Cerise sur le gâteau, ces super-héros là sont loin d’être irréprochables : entre l'invisible qui en profite pour espionner les filles dans les toilettes, l'Homme-Poisson, sorte d'Aquaman discount, qui viole les femmes et le Protecteur, à mi-chemin entre Superman et Captain America, qui n'a pas réglé ses complexes œdipiens, il n'y a pas grand-chose à sauver chez les sauveurs de l'humanité.

Dark states of America

Mais la force de The Boys est précisément d'aller au-delà de l'inversion, finalement classique, entre les gentils et les méchants. Au-delà, aussi, de la parodie, bien souvent signe de l'essoufflement d'un genre plutôt que de son renouvellement, comme a pu le montrer Deadpool au cinéma. Toutes les histoires de super-héros servent à parler d'autre chose, à transmettre une vision de l'Amérique. Ce qui fonctionne à plein dans The Boys : plus que la face sombre des héros, ce sont les manquements d'une société toute entière qui alimentent la série. 

C'est ainsi que The Boys s'intéresse au complotisme, au puritanisme doublé d'hypocrisie qui fait fureur dans les campagnes américaines, ou encore aux obsessions sécuritaires d'une nation qui ne s'est jamais remise du 11 septembre 2001. Surtout, la série contient une réflexion poussée sur la célébrité. Il faut voir le Protecteur déambuler sur une scène de concert sous les hourras, mythe créé de toutes pièces par une multinationale et ses équipes de communication. À mi-chemin entre des personnalités politiques, des créatures divines et des rockstars, ces super-héros acclamés ne sont peut-être pas aussi dangereux que la foule en liesse à leurs pieds.