La fiction politique est en train de devenir "une véritable passion française"

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Romain David
Invités de Wendy Bouchard dans "Le Tour de la question" sur Europe 1, le politologue Pascal Perrineau et le documentariste Karl Zéro décryptent l'attrait des Français pour les séries et les films politiques.
LE TOUR DE LA QUESTION

Carcassonne inaugure mardi son tout premier festival international du film politique, qui se tiendra jusqu'au 8 décembre. Onze films et documentaires sont en compétition pour cet événement, qui témoigne de l'engouement grandissant du public pour un genre cinématographique qu'a longtemps boudé le cinéma français. "On ne va plus aux urnes mais on va peut-être de plus en plus dans les salles obscures pour regarder ça", réagit le politologue Pascal Perrineau, invité mardi de Wendy Bouchard dans Le Tour de la question sur Europe 1.

"Une véritable passion française".  Ce professeur des universités à Sciences-Po en veut pour preuve le succès rencontré ces dernières années par de nombreuses séries politiques, qu'elles soient produites en France ou simplement diffusées sur nos chaînes. Ils cite notamment Baron noir, Marseille ou Borgen, "un véritable chef d'œuvre sur la manière dont fonctionne une démocratie parlementaire". Une liste à laquelle on pourrait encore ajouter la très plébiscitée House of Cards. "Il y là le signe d'une véritable passion française".

>> De 9h à 11h, on fait le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l'émission ici

Le cinéma américain, un modèle. Une passion qui est en train de déteindre sur les écrans blancs des salles obscures. "Le cinéma français ne s'est mis à faire de puissantes fictions politiques que très récemment", relève Pascal Perrineau. "On reste en deçà de ce qui se fait ailleurs, en particulier du cinéma américain. Pensez aux Hommes du président d'Alan Jay Paluka, ou au documentaire The War Room de Donn Alan Pennebaker. Ce sont de véritables chefs-d'œuvre !", estime-t-il. "On avait en France des films qui faisaient dans la satire, presque excessive - je pense aux films de Jean-Pierre Mocky - ou alors des films très révérencieux."

La fiction au delà du réel... Pour Karl Zéro, réalisateur de Dans la peau de Jacques Chirac, qui a décroché en 2007 le César du meilleur documentaire, le réalisme des récentes fictions politiques répond au désir du public d'aller au-delà du discours policé de ses dirigeants, et de voir de ses propres yeux ce qui peut bien se tramer dans l'ombre. "C'est l'envie de voir l'envers du décor, de comprendre les coulisses de la politique. À la télé ou à la radio on décrypte, mais on n'est pas derrière. Là, on nous montre ce que l'on rêve de voir", relève, également au micro de Wendy Bouchard, celui qui a créé en 2017 à Porto-Vecchio le premier festival français de cinéma autour du thème de la politique.

... et bientôt rattrapée. Cette capacité de la fiction à saisir le réel lui donne aussi le pouvoir de le résumer. Un ou deux films forts peuvent parfois suffire à illustrer une époque dans l'inconscient collectif, avec souvent bien plus de force que la foule des documentaires qui lui sont consacrés. "Que reste-t-il des grands événements ? Des fictions", poursuit Karl Zéro. "Qu'est-ce qui parle mieux de l'ère Sarkozy que le film de Xavier Durringer, La Conquête ?," interroge-t-il. "Au moment où ils sortent, souvent, on ne s'en rend pas compte". En 2011, La Conquête avait en effet reçu des critiques moyennes, et le nombre d'entrées – moins de 720.000 – a pu être jugé décevant pour un budget de 5 millions d'euros. Il faut dire que la même semaine, l'affaire DSK impliquant l'un des grands favoris de la présidentielle à venir, avec sa couverture médiatique inédite, dépassait de très loin la fiction politique.