Jean-Jacques Annaud : "Je ne voulais pas" Sean Connery dans "Le nom de la rose"

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Aurélie Dupuy
Le cinéaste qui vient d'adapter "La vérité sur l'affaire Harry Québert" pour TF1 révèle pourquoi réaliser "Le nom de la rose" a été un chemin semé d'embuches.
INTERVIEW

L’Ours, Stalingrad, La guerre du feu, L’amant... La filmographie de Jean-Jacques Annaud recèle des films singuliers, qui lui ont valu un Oscar et quatre César. Le cinéaste s'est lancé un nouveau défi en réalisant pour TF1 l'adaptation télévisuelle du best-seller La vérité sur l'affaire Harry Québert.

Invité dimanche dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, il est revenu sur la difficulté de monter des films, en racontant notamment toutes les embûches rencontrées quand il a voulu adapter un autre best-seller devenu film culte, Le nom de la rose.

"Obligé de m’expatrier". Ce film, qui prend pour cadre les mystères d'une abbaye bénédictine en plein Moyen-Âge, sorti en 1986, a connu moult péripéties. A tel point qu'il a même failli ne pas voir le jour. La première raison, c'est parce que "personne aux États-Unis ne savait ce qu’était un monastère. C’était tellement loin que d’ailleurs le film n’a pas marché au départ aux États-Unis", raconte Jean-Jacques Annaud. "En France, je n’ai pas pu le monter. J’ai été obligé de m‘expatrier, comme d’habitude. J’ai envie de dire que c’est l’histoire de ma vie. J’ai été obligé de vivre en Allemagne. Je l’ai préparé et terminé à Munich et tourné à Rome", ajoute le réalisateur.

"J'ai eu la chair de poule". Pire, le casting du rôle principal, celui de Guillaume de Baskerville, a été un véritable casse-tête. Hollywood ne voulait pas de Sean Connery. L'acteur était alors plutôt en période de disgrâce, n'ayant pas encore été porté par le nouveau souffle que lui a apporté Indiana Jones dans sa carrière. "Moi-même, je ne voulais pas" de l'acteur avoue le cinéaste. Mais c'était sans compter sur la détermination du comédien écossais. "J'ai vu Sean arriver. Il a poussé la porte, je me suis dit 'Mais qu’est-ce qu’il est beau et quel charisme. Ce mec dégage.' Il avait le scénario sous le bras, il tire la chaise en face de moi et il me dit 'Listen, boy' (Écoute, mon petit, ndlr.) Il ouvre le scénario et il commence à le lire. J’ai eu la chair de poule. J’ai couru au rez-de-chaussée voir mon producteur et je lui ai dit 'Ça y est, on l’a'."

Entendu sur europe1 :
Il m’a dit 'ce que tu as réussi le mieux, c’est ce que je craignais le plus. Sean Connery est formidable

"C'est un vieux ringard". Sauf que, quelques jours après, l'agent de Jean-Jacques Annaud l’appelle en lui disant qu’il a une bonne et une mauvaise nouvelles. La mauvaise, c'est qu’il ne peut plus être son agent, pour la bonne raison qu’il devient directeur chez Columbia, la société de production alors intéressée par le film. Mais l'ami devient livide à l’évocation du nom de Sean Connery. "Il m’a dit 'Tu es complètement fou, tu vas bousiller ta carrière, c’est un vieux ringard. Je t’interdis de le faire'."

Pendant seize mois, le film a ainsi commencé sans financement : "c’est le producteur allemand, Bernd Eichinger qui, sans rien me dire, a vendu tous ses biens, y compris sa maison personnelle, pour pouvoir faire le film", explique le cinéaste.

L'avis d'Umberto Eco. En Italie, où se situe l'abbaye dans le roman, le film a connu une étrange destinée. Démoli par la critique, le nombre de salles qui diffusaient le film était réduit. Mais le public en a décidé autrement. "Les spectateurs se sont tellement bousculés que, dans la salle de Rome et la salle de Milan, ils ont cassé les vitres des cinémas. Du coup, il a fallu tirer en panique 300 copies", se remémore encore le réalisateur.

Umberto Eco, qui avait laissé champ libre à Jean-Jacques Annaud pour adapter son roman, lui a néanmoins donné son avis sur le film. "Il était lui aussi inquiet du choix de Sean Connery. Il m’a dit 'ce que tu as réussi le mieux, c’est ce que je craignais le plus. Sean Connery est formidable.'" Le rôle de Guillaume de Baskerville a d’ailleurs valu un Bafta du meilleur acteur à l’Écossais.