Le journaliste David Castello-Lopes, dans l'émission Historiquement vôtre sur Europe 1, revient tous les jours sur les origines d'un concept. Ce jeudi, il s'intéresse à un objet que nous avons tous déjà utilisé, usé, et parfois même gardé : le stylo bille. En rebondissant sur un texte d'Amélie Nothomb, invitée de l'émission de Stéphane Bern et Matthieu Noël, le chroniqueur revient sur cette invention qui nous vient du 20ème siècle, et d'un Français nommé... Marcel Bich.
"Des funérailles de vieux soldats"
"J’ai vu une petite vidéo Amélie Nothomb, tirée d’une interview où vous expliquez votre rapport aux stylos billes. Et plus exactement aux stylos billes jetables. Vous dites qu’on considère qu’ils sont tous pareils mais qu’en fait ils sont différents. Il y en a qui ont des hémorragies, par exemple. Il y a ceux qui arrêtent de marcher puis qui remarchent et puis surtout il y a ceux qui durent incroyablement longtemps. Et ceux-là, que vous appelez les vieux soldats, et bien vous leur réservez des honneurs particuliers :
'Il y a les infatigables, les vieux soldats. Ceux-là je les aime tellement que quand je les jette je leur fais des funérailles de vieux soldats. C’est à dire que je leur fais des funérailles militaires et que je les regarde au fond de la poubelle en leur disant toi tu t’es bien battue.'
Et j’ai envie de vous dire qu'à part le fait que vous êtes une grande écrivaine et moi pas, et bien on est pareils. Je me souviens que quand j’avais dix ans, on m’a offert un stylo bille à motifs tribaux comme c’était la mode dans les années 1990. Et je l’aimais de toutes mes forces. Je l’utilisais tellement qu’il a fini par être tout cassé de partout. Alors j’ai arrêté de l’utiliser.
Mais un jour, peut-être un an plus tard, je suis parti aux Etats-Unis et je me suis dis 'Tu sais quoi, je vais l’emmener, parce qu’il le mérite'. Oui, peut-être que le Pelikan que j’ai acheté la semaine dernière est plus plus fiable et plus brillant, mais il a la vie devant lui. Alors que ce vieillard rafistolé a besoin de ce dernier voyage.
Et je me trouvais juste, bon, et vertueux. J’étais aussi très fier de voir le niveau d’encre diminuer dans mes bics, parce que ça voulait dire que j’écrivais beaucoup, comme un grand. Comme un vrai CM2 et pas comme ces CP nuls dont les niveaux d’encre restaient toujours au même niveau tellement ils écrivaient pas beaucoup et tellement ils étaient nuls.
Réinventé par Marcel Bich
Alors en France, on appelle ça un stylo à bille. Mais il y a plein de pays dans le monde où on appelle ça un biro. Pourquoi ? Parce que le monsieur qui a inventé le stylo à bille moderne il s’appelait Laszlo Biro. Comme à peu près 100% des gens qui s’appellent Laszlo, il était Hongrois. Et ce qu’il cherchait à faire au début, c’était de faire un stylo dont l’encre puisse sécher plus rapidement que celle qu’on mettait dans les stylos plume.
Alors il a essayé de mettre de l’encre plus visqueuse dans un stylo à plume, mais l’encre ne coulait pas. Il a donc adapté le système du stylo à bille qui existait mais à peine depuis 1888, l’a perfectionné et a réussi à faire un stylo qui marchait à peu près correctement. Il a ensuite commercialisé son invention aux Etats-Unis où elle a été utilisée notamment par les aviateurs pendant la seconde guerre mondiale.
Mais c’était pas encore tout à fait au point et surtout, ça bavait beaucoup. Puis là, il y a un monsieur français, qui s’appelle Marcel Bich, qui a racheté le brevet de Biro. Il a mis au point une version à la fois beaucoup mieux et beaucoup moins chère du stylo de Laszlo, et il lui a donné son nom en enlevant le H.
Véritablement commercialisé en 1950
En 1950, le premier bic Crystal du monde est donc commercialisé. Il s’en est quand même vendu plus de 100 milliards depuis. Entre autres parce que je pense que ça fait partie de ces designs parfaits. Le côté transparent, qui permet de voir le niveau d’encre qui descend. Le côté hexagonal, qui fait non seulement qu’on peut bien le prendre en main mais aussi qu’il ne roule pas quand on le pose sur une table.
A LIRE AUSSI >> Pourquoi les motocrottes parisiennes ont-elles disparu ?
Et personnellement, j’ajoute que le petit bouchon bleu qui ferme le tube au bout est délicieux à manger. Même s’il y a toujours ce moment triste où, à force d’avoir été mâchouillé, le bout du stylo se casse en plusieurs petits morceaux et on se retrouve avec des stalactites baveuses qui tombent sur sa feuille et on passe un mauvais moment. On a honte.
J’aimerais dire un mot quand même du bic rétractable, qui date de 1956. Et qui a quand même des qualités que le Bic Crystal n’a pas, notamment celle de pouvoir être armé et désarmé avec une main ce qui est pratique notamment pour les policiers et les garçons de café. Mais petit inconvénient, une grande partie du réservoir d’encre n’est pas visible. Ce qui fait qu’on doit attendre et attendre et attendre pour voir se déplacer le niveau de l’encre. Mais je dois dire qu’aujourd’hui encore, quand je finis par la voir apparaître, je suis tout de même encore un peu fier."