Maïmouna Doucouré était l'invité d'Europe 1 2:23
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Ariel Guez
Invitée de "Culture Médias" sur Europe 1, la réalisatrice Maïmouna Doucouré, dont le film "Mignonnes" sort en salles mercredi 19 août, est revenue sur son parcours. "Petite, je n’avais pas beaucoup de modèles et je pense qu’inconsciemment, je me suis auto-inhibée", raconte-t-elle, déplorant un manque de diversité à l'écran. 
INTERVIEW

Un prix à Berlin, après une première distinction pour sa réalisation à Sundance et le César du meilleur court-métrage en France. Si on avait dit à Maïmouna Doucouré, lorsqu'elle avait une dizaine d'années, que le premier film qu'elle allait réaliser, Maman(s), aurait un tel succès, sans doute ne l'aurait-elle pas cru. Au micro d'Europe 1 jeudi, la réalisatrice est revenue sur son parcours. Si elle ne sait pas dater le moment où elle a su qu'elle voulait en faire son métier, "j'ai très tôt senti que j’avais un amour fou pour le cinéma", raconte Maïmouna Doucouré.

"Je n’avais pas beaucoup de modèles"

"Je trouvais que c’était une manière très poignante de raconter des histoires. J’aime l’idée d’avoir des images en tète et de les retranscrire", explique-t-elle. Sauf que, née en 1985, Maïmouna Doucouré grandit devant une télévision et un cinéma où peu de personnes lui ressemblent. "Je n’avais pas beaucoup de modèles, je pense qu’inconsciemment, je me suis auto-inhibée", confie-t-elle.

"Ma mère me voyait aller au théâtre et écrire des histoires et un jour elle m’a dit 'il faut que tu saches que ce n'est pas pour nous'", raconte la réalisatrice, détaillant ce "nous". "Pas pour nous les noirs, pas pour nous les banlieusards, pas pour nous les pauvres. Je pense que c'est ce qu'elle a voulu dire, parce que les histoires sont en général très stéréotypées avec très peu de vérité finalement, et on ne s’y reconnaissait pas", continue Maïmouna Doucouré. 

"Se dire que c’est possible"

"je n’avais pas de reflet dans ce miroir que je regardais", résume-t-elle, jugeant ça "terrible" pour se construire aujourd'hui. "Je trouve ça important qu’il y ait la pluralité des histoires et que les petits enfants puissent ouvrir leur imaginaire", ajoute-t-elle. "Voir une femme présidente de la République, ça peut permettre à une jeune fille de se projeter et de se dire que c’est possible".

Parler du vécu, Maïmouna Doucouré le fait dans Mignonnesdont la sortie a été reportée à cause de la crise sanitaire. Le film dresse le portrait profond et sensible d'une petite Parisienne de onze ans, tiraillée entre les règles d'une famille sénégalaise polygame et la tyrannie des réseaux sociaux et des selfies. Sur ce dernier point, Maïmouna Doucouré alerte sur la sexualisation de l'image de la femme. "Ce sont des jeunes filles qui ont été biberonnées par l'image la femme objetisée avec la pornographie présente partout tout le temps", explique la réalisatrice, disant par exemple que le corps de la femme nue peut être utilisé "dans une publicité pour vendre une bouteille d’eau".

"Ce sont des jeunes filles qui ont été biberonnées par l'image la femme objetisée"

Une situation qui se dépeint sur les réseaux sociaux. "Quand on voit que plus on est sexy en tant que femme, plus on montre de la chair, plus on a des likes, à 11 ans on ne comprend pas tous les mécanismes. Mais on imite pour avoir le même résultat et c’est dangereux", rappelle Maïmouna Doucouré.