Cinéma : pourquoi le prix des places a-t-il augmenté ?

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Plusieurs éléments sont à l'origine de l'augmentation du prix des places de cinéma. © AFP
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Julia Solans / Crédit photo : AFP
A l’occasion de la Fête du cinéma du 2 au 5 juillet, les Français pourront bénéficier d’un prix unique pour profiter du septième art. Pourtant, le sujet du prix des places de cinéma revient régulièrement ces dernières années. Inflation, stratégie, coût énergétique ou encore nouvelles technologies, pourquoi les tarifs semblent-ils avoir augmenté ?

Malgré la hausse de fréquentation des salles en 2022 avec 152 millions d’entrées selon le rapport du Centre national du cinéma, l’industrie du cinéma a encore du mal à se relever de la sombre période liée au Covid-19. Ces dernières années, les Français ont remarqué une hausse du prix des places. En 2021, dernier chiffre recensé par le CNC, le prix moyen dans l’Hexagone était de 7,04 euros contre 5,18 euros en 1992. Mais où va l’argent d’une place ? Quels sont les éléments déclencheurs de cette augmentation ? La réponse est bien plus compliquée qu’elle n’y paraît. 

Où va l’argent d’une place de cinéma ?

Tout d’abord, il est important de comprendre le cheminement de l’argent pour chaque ticket acheté. En réalité, la salle en elle-même ne touche qu’une partie du bénéfice. Au-delà de la TVA de 5,5% obligatoire, une taxe spéciale additionnelle (TSA) de 10,72% est appliquée. Cette dernière permet de soutenir le cinéma français puisque l’argent est reversé au CNC qui, lui-même, aide financièrement les filières de la production, de la distribution et de l'exploitation. Pour faire simple, "la consommation des spectateurs et spectatrices génère ce soutien", explique Laurent Callonnec, directeur et programmateur du cinéma L'Écran de Saint-Denis. 

La somme qui reste est ensuite partagée entre l’exploitant et le distributeur. A savoir que ce dernier peut demander jusqu’à 50% de la part. Sans oublier qu’environ 1,51% revient aux droits musicaux. Une fois la redistribution complète terminée, l’exploitant, c’est-à-dire la salle de cinéma en question, peut toucher la somme restante. 

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© Europe 1

Qui choisit le tarif ?

En réalité, il n’y a pas de règles précises concernant le prix d’une place. Ce dernier est fixé par la salle. Néanmoins, quelques contraintes l’empêchent d’être complètement libre. "On essaie d’avoir des tarifs qui soient économiquement viables pour le client mais aussi le distributeur. Comme il touche 50% du billet, il ne faut pas oublier que dans une zone concurrentielle, il pourrait préférer donner son film à une salle qui a un tarif plus élevé qu’une autre", raconte le directeur de L'Écran. 

Une notion d’équilibre entre alors en jeu pour trouver le prix parfait. Le but étant d’éviter le risque de perdre des clients à cause d’un prix trop élevé, mais aussi le risque de perdre des films si les places ne sont pas assez chères. 

Au-delà de tout cela, un élément est primordial pour définir le prix : l’emplacement géographique de la salle. "L’aménagement urbain provoque des coûts qui se répercutent sur les cinémas et qui se répercutent sur le prix des places", assure Erwan Escoubet, directeur des affaires réglementaires et institutionnelles à la FNCF (Fédération nationale des cinémas français). Effectivement, si l’on observe le prix moyen d’une place de cinéma selon les rapports du CNC, la Lozère est le département le moins cher de France avec un prix moyen de 5,11 euros. A l’inverse, les Bouches-du-Rhône possèdent le prix le plus élevé, devant la capitale parisienne. Ce qui explique parfois les grandes différences de prix selon les villes, l’emplacement ainsi que la concurrence présente aux alentours. 

Quels éléments causent une augmentation du prix ?

Les salles de cinéma font partie des nombreuses victimes de la pandémie mondiale survenue en 2020. Depuis, elles tentent tant bien que mal de sortir la tête de l’eau mais beaucoup ont puisé dans leurs réserves. L’inflation qui touche actuellement le pays est un véritable fléau et la hausse de fréquentation des salles observée par le CNC en 2022 avec un total de 152 millions d’entrées n’est pas suffisante. "Le prix moyen des places recensé en 2021 est forcément le reflet des 300 jours de fermeture et de la programmation complètement hors-norme que les cinémas ont pu connaître dans ces années de crise sanitaire", confie Erwan Escoubet. 

Les salles de cinéma doivent également faire face à un autre problème de taille : le coût énergétique. "Une salle est énergivore à plusieurs niveaux. Ce sont de grands bâtiments climatisés. Pour le son, nous sommes obligés de passer par des amplificateurs qui sont aussi énergivores. Il y a les projecteurs aussi qui consomment énormément", témoigne de son côté Laurent Callonnec.

Ce que confirme le directeur des affaires réglementaires et institutionnelles à la FNCF : "Avant la crise énergétique, la consommation d’un cinéma en moyenne par rapport au chiffre d’affaires représentait à peu près 5 à 7%. Avec l’augmentation des coûts de l’énergie, on atteint maintenant les 10 à 20% du chiffre d’affaires dans les cas extrêmes". Pour palier à cela, la FNCF a mis en place un plan de sobriété énergétique en proposant des gestes simples comme "arrêter tous les automatismes qui fonctionnent parfois la nuit, ne pas déclencher une séance quand il n’y a personne dans la salle, éteindre les lumières, ajuster le chauffage et la climatisation,..." Des gestes qui permettent aux salles de réduire leur consommation d’énergie.

Les avancées technologiques permettent également de faire quelques économies. De plus en plus de salles sont équipées d’un projecteur laser qui consomme moins d’énergie mais coûte plus cher au départ. "C’est un peu actuellement l’Eldorado des salles de cinéma", confie le directeur de L'Écran. Mais les plus petites salles n'ont pas forcément encore les moyens. Il s’agit pour le moment d’un projet à long terme. Concernant le prix moyen du ticket de sa salle, Laurent Callonnec a précisé que ce dernier a connu une augmentation de 10%, sur une période de janvier 2022 à juin 2023.

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L’arrivée des nouvelles technologies et d’une montée en gamme

Ces dernières années, l’arrivée de la 3D n’a pas été la seule innovation technologique. En mars 2017 est par exemple apparue la première salle 4DX de France, au Pathé La Villette, où l’art du cinéma y est complètement revisité. Fauteuils en mouvement, vent, eau, odeurs,… Les limites du 7e art ont été modifiées. Et le prix avec. Pour une séance répondant à ces prestations, le spectateur doit payer en moyenne 20 euros dans l’enseigne Pathé. À l’image du Dolby Atmos ou de l’IMAX, la clientèle et le service demandé ne sont plus les mêmes. Avec l’ouverture notamment de son cinéma Premium à Montparnasse, le groupe Pathé vise davantage un public plus aisé à la recherche d’une expérience sensorielle et visuelle plus attractive. Bien évidemment, ces nouvelles salles à la pointe de la technologie demandent un plus grand coût et cela explique l’augmentation des tarifs. 

D’après Erwan Escoubet, cette stratégie n’empêche pas les Français d’aller au cinéma, bien au contraire : "Les gens préfèrent payer plus cher pour être dans un cinéma qui va leur offrir un très grand écran, un son de très bonne qualité, de la place pour les jambes et un grand fauteuil." D’ailleurs la hausse de la fréquentation des salles au dernier semestre de 2022 confirme bien que le prix des places de cinéma n’est finalement pas un frein. "On s'aperçoit que ce qui a eu le plus de succès ces deux dernières années, ce sont les projections 4DX, Dolby Atmos,... Qui coûtent logiquement plus cher".

Plus cher ? Pas tant que ça 

Finalement, cette augmentation du prix concerne surtout les villes où le coût de la vie y est le plus cher. Erwan Escoubet a d’ailleurs rappelé qu’en 2021, 60,7% des billets étaient en dessous du prix moyen à 7,04 euros. "Les tarifs entre 5 et 8 euros concernent 52,6% des billets et 22% des billets sont entre 7 et moins de 10 euros". Ce sont surtout les 17% de billets les plus élevés (plus de 10 euros) qui ont plus augmenté que les années précédentes. 

Face à l’inflation, le septième art a su garder un certain équilibre. “Tous les cinémas proposent une diversité de tarifs et un prix moyen très modéré, dont l’évolution est même légèrement en dessous de l’inflation. C’est une réalité française que l’on ne retrouve pas ailleurs en Europe”, conclut le directeur des affaires réglementaires et institutionnelles à la FNCF.