Charles Aznavour, un "héros" arménien

Charles Aznavour sur les hauteurs d'Erevan, en octobre 2011.
Charles Aznavour sur les hauteurs d'Erevan, en octobre 2011. © ERIC FEFERBERG / POOL / AFP
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Hélène Terzian, avec Thibaud Le Meneec et AFP , modifié à
Né Charles Varenagh Aznavourian, le chanteur français a consacré sa vie à la défense de la cause de son pays d'origine, notamment pour la reconnaissance du génocide arménien, jusqu'à sa mort, lundi.

Aznavour, c'était l'Arménie et l'Arménie, c'était Aznavour. Comment évoquer la vie du chanteur français sans parler du lien extrêmement fort qu'il entretenait avec son pays d'origine, en deuil depuis la mort de ce dernier, lundi, à l'âge de 94 ans ?

Ambassadeur de renom. Dès l'annonce de sa disparition, les chaînes de télé arméniennes ont commencé à rendre hommage à un grand artiste français et au "héros" arménien. Le mot revient à chaque fois. Car Charles Aznavour n'était pas simplement un artiste de la diaspora arménienne en France, il incarnait les exilés français de ce petit pays d'Asie de trois millions d'habitants. Au point d'y être nommé ambassadeur permanent par l'Unesco.

Une chanson pour le séisme dévastateur de 1988. Pour les Arméniens, Charles Aznavour était donc un "héros". Celui qui leur est venu en aide, au moment du tragique séisme du Spitak, en décembre 1988. Vingt-cinq mille personnes y ont trouvé la mort, le nord du pays a été dévasté. Le chanteur fonde alors le comité "Aznavour pour l'Arménie" pour collecter des fonds.

" Après le choc, je me suis rendu compte que j'étais vraiment d'origine arménienne "

 

Avant de se rendre sur place, il écrit la chanson humanitaire Pour toi Arménie. Elle est enregistrée début 1989 avec 90 artistes (dont Gilbert Bécaud, Johnny Hallyday et Renaud) et se vendra à plus d'un million d'exemplaires. 

"Jusqu'ici, je disais toujours : 'Je suis français d'origine arménienne'. Après le choc, je me suis rendu compte que j'étais vraiment d'origine arménienne", confiait à Paris Match celui qui mit les pieds en Arménie seulement vers 1963-1964, dans le cadre d'une tournée mondiale, quarante ans après sa naissance dans le 6ème arrondissement de Paris.

Il ne voulait plus se rendre en Turquie. Quand les Arméniens d'Erevan ou de Gyumri, la deuxième ville du pays, se réuniront sur les "places Charles Aznavour", sans doute penseront-ils au rapport que l'artiste entretenait avec la question du génocide, qui mine encore les relations avec la Turquie voisine. Charles Aznavour n'en démordait pas : au micro d'Europe 1, le 14 septembre, il déclarait qu'il avait l'intention de ne plus se rendre dans ce pays. L'artiste dénonçait le fait que le gouvernement turc ne reconnaisse pas le génocide arménien, mais il n'en voulait pas à la population turque.

 

"Ils sont tombés", une chanson pour la reconnaissance du génocide. Son engagement pour la reconnaissance de ce moment-clé de l'histoire arménienne comme un génocide était profond. Pour le 60ème anniversaire du début des exécutions, Charles Aznavour avait interprété en 1975 à la salle Pleyel, à Paris, Ils sont tombés

"Moi je suis de ce peuple qui dort sans sépulture

Qu'a choisi de mourir sans abdiquer sa foi

Qui n'a jamais baissé la tête sous l'injure

Qui survit malgré tout et qui ne se plaint pas

Ils sont tombés pour entrer dans la nuit

Éternelle des temps au bout de leur courage 

La mort les a frappés sans demander leur âge 

Puisqu'ils étaient fautifs d'être enfants d'Arménie"

 

100% français, 100% arménien. Vingt-trois ans plus tard, Charles Aznavour s'était déclaré "soulagé" après le vote de l'Assemblée nationale reconnaissant "politiquement" au nom de la France "le génocide arménien de 1915", car "tout peuple a le droit d'écrire son histoire et les Arméniens ont été gommés de la face du monde".

Mort dans sa résidence des Alpilles, Charles Aznavour disait qu'il était 100% français et 100% arménien. Lundi, c'est bien deux pays qui rendent hommage à un artiste qui a fait le lien entre eux.