Aretha Franklin, de petite choriste gospel à "reine de la soul"

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L'icône de la chanson américaine, fille d'un pasteur baptiste, est morte jeudi à l'âge de 76 ans, laissant derrière elle une montagne de tubes.

"Personne n'aime la musique autant que moi". Dans l'une de ses dernières interviews, accordée en 2017 au Chicago Sun-Times, Aretha Franklin se disait "bénie", d'avoir "pu faire ce [qu'elle aimait] le plus au  monde tout en gagnant [sa] vie". Plus de cinquante ans après le début de son incroyable carrière, l'icône américaine de la soul est morte jeudi à Détroit, à l'âge de 76 ans. Elle avait été contrainte d'annuler plusieurs de ces concerts depuis le début des années 2010, sans jamais confirmer souffrir d'un cancer, comme l'avaient affirmé plusieurs de ses proches.

Premiers titres dans une église. Née en 1942 à Memphis, dans le Tennessee, Aretha Franklin passe son enfance à… chanter. À Detroit, dans le Michigan, où elle grandit, mais aussi sur les routes de dizaines de villes où se produit la chorale de son père, pasteur baptiste et ami de Martin Luther King. Sa mère, chanteuse de gospel, ne passe voir la famille que de temps en temps. Aretha, souvent accompagnée de ses sœurs Carolyn et Erma, effectue ses premiers enregistrements dans l'église de son père en 1956. C'est là que le producteur John Hammond repère l'adolescente, âgée de 14 ans. Cette année-là, Aretha Franklin signe chez Columbia Records. Elle donne aussi naissance à son premier enfant, de père inconnu.

Les "civil rights" chevillés au corps. C'est le début d'une carrière qui ne s'interrompra jamais, du gospel au jazz en passant, surtout, par la soul. À partir des années 1960, ses chansons cartonnent et accompagnent le mouvement des droits civiques aux États-Unis. Sa reprise de Respect, d'Otis Redding, à laquelle elle ajoute les chœurs et les lettres épelées (R.E.S.P.E.C.T), dépasse de loin la version originale dans les charts.

En 1968, la "reine de la soul" chante Precious Lord lors d'un hommage à Martin Luther King. D'autres titres évoquent la libération de la femme, comme Chain of Fools, Natural Woman ou Think.

En 2009, Aretha Franklin, 65 ans, interprète le chant patriotique My country Tis of Thee pour l'investiture de Barack Obama, premier président afro-américain élu aux États-Unis. Quatre ans plus tôt, George W. Bush l'a décorée de la médaille présidentielle de la Liberté, plus haute décoration civile du pays.

Recordwoman des ventes de disques. Au fil des années, le palmarès de la petite choriste de Detroit s'étoffe. En 1968, elle est classée seconde personnalité afro-américaine la plus connue au monde, derrière Martin Luther King. Tout au long de sa carrière, la chanteuse vendra plus de 75 millions de disques - elle reste recordwoman du nombre de vinyles écoulés. Aretha Franklin remportera pas moins de 18 Grammy Awards, l'équivalent américain des Victoires de la Musique, pour "meilleure prestation vocale", "meilleure prestation gospel" ou encore "meilleur album R&B".

Les larmes d'Obama et des footballeurs. Mais au-delà des chiffres, ce sont les moments de grâce qu'elle sait provoquer qui font d'Aretha Franklin une icône. En 1972, son album Amazing Grace est enregistré dans une église de Los Angeles, devant la caméra du réalisateur Sydney Pollack, et fera l'objet d'un documentaire achevé en… 2016. En décembre 2015, invitée surprise des Kennedy Center Honors à Washington, la diva n'a rien perdu de sa superbe et arrache des larmes à Barack Obama sur Natural Woman.

L'année suivante, elle chante avant un match de football américain à Detroit, le jour de Thanksgiving. "La durée moyenne d'interprétation de l'hymne national américain est d'une minute 57 secondes", rappelle le site Digital music. Mais ce jour-là, Aretha Franklin a "transformé l'hymne en expérience religieuse, et le stade de football en église gospel", quelques footballeurs ne parvenant pas à cacher leur émotion.

La magie avait opéré une dernière fois en août 2017, lors d'un concert à Philadelphie. La chanteuse combattait "l'épuisement et la déshydratation", selon le critique Roger Friedman, du site Showbiz411. "Mais c'était un spectacle miraculeux."