Abdellatif Kechiche, dénicheur de talents

De gauche à droite : Adèle Exarchopoulos, Hafsia Herzi et Sara Forestier.
De gauche à droite : Adèle Exarchopoulos, Hafsia Herzi et Sara Forestier. © AFP
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Guillaume Perrodeau
En six films, le cinéaste a su faire passer des inconnus de l'ombre à la lumière, révélant essentiellement des actrices, au premier rang desquelles Sara Forestier, Hafsia Herzi ou encore Adèle Exarchopoulos.

En six films, trois de ses actrices ont remporté un César du meilleur espoir féminin. Seul Abdellatif Kechiche peut prétendre à un tel palmarès depuis la création de la cérémonie en 1976. Dans son nouveau film, Mektoub, my love : canto uno, en salles mercredi, le réalisateur fait encore appel à des acteurs non-professionnels, au talent évident. Une fois de plus, le cinéaste prouve qu'il est capable de dénicher la perle rare.

De Sara Forestier à Adèle Exarchopoulos. En 2005, une jeune femme monte sur la scène du Théâtre du Châtelet, pour la 30e nuit des César. Elle vient de remporter le César du meilleur espoir féminin pour son rôle de Lydia, dans L'esquive d'Abdellatif Kechiche. Son nom : Sara Forestier. "Abdel, tu es le plus grand génie que je connaisse. (...) C'est à toi que je le dois et je t'aime", s'enflamme alors celle qui n'a que 18 ans. Six ans plus tard, elle sera encore consacrée, avec le César de la meilleure actrice pour Le Nom des gens, de Michel Leclerc.

Sous la direction du cinéaste, deux autres actrices remonteront sur scène pour venir chercher un César du meilleur espoir féminin. Hafsia Herzi en 2008, pour La graine et le mulet, et Adèle Exarchopoulos en 2014, pour La vie d'Adèle. Deux comédiennes qui, tout comme Sara Forestier, enchaîneront les tournages par la suite, sous la direction de cinéastes aussi réputés et singuliers que Bertrand Blier, Alain Resnais, Alain Guiraudie, Bertrand Bonello, Arnaud des Pallières ou encore Michaël R. Roskam. À l'occasion de Mektoub, my love : canto uno, Hafsia Herzi retrouve même celui qu'il l'a révélée. Elle incarne la tante du héros, une jeune femme sur le point de se marier.

L'importance du groupe et de l'unité. Dans Les Inrocks en 2013, Adèle Exarchopoulos, fraîchement révélée par La vie d'Adèle, évoque sa rencontre avec le réalisateur, lors d'"un casting". Le cinéaste et la jeune femme se voient ensuite dans un café. Le réalisateur lui demande de parler d'elle. "Puis il m'a rappelée, on s'est vu plusieurs fois, il me testait, me demandait de faire du sport, de faire des essais avec plein de rôles différents (...). Tout ça pendant deux mois, mais je n'avais toujours pas de réponse. Et il m'a finalement libérée en me disant que j'allais jouer dans son film. Je n'étais pas la seule candidate, il a vu tout Paris pour ce film", confie l'actrice.

Quelques semaines avant que La vie d'Adèle ne sorte en salles, une polémique naît autour des conditions de tournage du film. Décrié pour son tempérament colérique et son exigence, le réalisateur est pointé du doigt par l'actrice Léa Seydoux, mais aussi par des techniciens. "Abdellatif Kechiche est un génie, mais il est torturé. (...) Mais c'était une bonne expérience pour moi en tant qu'actrice", concédera alors Adèle Exarchopoulos, dans une interview au Daily Beast.

Dans une interview à Télérama, en 2013, Abdellatif Kechiche se raconte un peu. Il évoque comment il choisit ses comédiens. "Je vois beaucoup de monde pour le casting et je ne tiens pas spécialement aux non-professionnels", affirme-t-il. "Ce qui compte le plus, c'est d'avoir un groupe uni. Il m'arrive de refuser des gens très bien parce que, selon moi, ils ne pourront pas s'accorder au groupe".

Au sujet de Sara Forestier et Hafsia Herzi, il parle même, en creux, d'une évidence. "Quand on rencontre Sara Forestier ou Hafsia Herzi, on sent tout de suite qu'elles ont 'le feu sacré', comme on dit dans le métier. Une capacité folle à donner, à s’investir. Je choisis des gens qui ont un don, qui sont habités par une foi", indique le réalisateur.

Nouvelles découvertes. La réputation d'Abdellatif Kechiche ne va certainement pas se défaire à l'occasion de la sortie de son nouveau film, Mektoub, my love : canto uno, en salles mercredi. Le sublime long-métrage du cinéaste raconte l'été d'un jeune homme, entouré de sa famille, d'amis et de vacanciers. Il met en scène une kyrielle de jeunes acteurs.

Cinq comédiens portent notamment l'ensemble : Shaïn Boumedine (Amin), Salim Kechiouche (Tony), Ophélie Bau (Ophélie), Lou Luttiau (Céline) et Alexia Chardard (Charlotte). Si Salim Kechiouche a déjà tourné avec le cinéaste (La vie d'Adèle en 2013), les quatre autres débutent leur carrière au cinéma. Quatre trouvailles éblouissantes. Parions qu'on les reverra bientôt sur grand écran et pourquoi pas, dans la liste des meilleurs espoirs lors des César 2019.

 

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De gauche à droite : Alexia Chardard (Charlotte), Salim Kechiouche (Tony), Shaïn Boumedine (Amin) et Lou Luttiau (Céline) / ©Pathé Distribution