5 choses étonnantes que vous ne savez pas sur les danseurs étoiles

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Léonore Baulac est devenue étoile après une représentation du Lac des Cygnes en décembre 2016. © HANDOUT / L'OPÉRA DE PARIS / AFP
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Samedi, la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot va faire ses adieux à la scène. L'occasion pour Europe 1 de vous en apprendre plus sur ces artistes hors-du-commun.

Samedi soir, la danseuse étoile du ballet de l'opéra de Paris Marie-Agnès Gillot fera ses adieux à la scène. Une mise à la retraite forcée car elle a atteint l'âge limite de 42 ans. Comme elle, chaque année, des étoiles tirent leur révérence mais d'autres aussi naissent dans la capitale française. Le 6 janvier dernier, c'est Valentine Colasante qui était nommée étoile après avoir dansé le rôle de Kitri dans le Don Quichote de Rudolf Noureev. Aujourd'hui, le ballet de l'opéra de Paris compte 19 étoiles, onze femmes et huit hommes. Europe 1 vous en dit plus sur ce statut exceptionnel de danseur, unique au monde.

Ils sont (presque) tous issus de la même école de formation

L'immense majorité des étoiles dans l'histoire du ballet parisien sont français et pour cause, ils sont quasiment tous issus d'une seule et même école : celle de l'Ecole de danse de l'Opéra de Paris. Cette institution a été créée en 1713 par Louis XIV mais d'abord pour les professionnels. Ce n'est qu'à partir de 1780 que les enfants y sont accueillis gratuitement et après sélection. Ces deux principes sont toujours à l'ordre du jour aujourd'hui dans la structure installée à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. L'école, qui répond aussi aux exigences de l'Education nationale, forme des danseurs de 8 à 17 ans. Ils en sortent avec le baccalauréat bien sûr mais aussi le diplôme national supérieur professionnel de danseur. Les 19 étoiles actuelles ont suivi cette formation à une exception : Ludmila Pagliero, première non-européenne à devenir étoile en 2012, a été formée en Argentine.

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Ils deviennent étoiles après avoir passé plusieurs échelons

Quand un danseur parvient au statut d'étoile, c'est le résultat d'un long cheminement. Le ballet de l'Opéra de Paris est en effet fortement hiérarchisé et la sélection se fait dès l'entrée. Chaque année en juillet, a lieu un double concours destiné à ceux souhaitant intégrer le corps de ballet. Le premier s'adresse aux élèves de la Première division de l'Ecole de danse, le deuxième est ouvert aux danseurs venus de l'extérieur mais aussi à ceux qui dansent déjà dans le ballet mais en CDD.

Une fois ce Graal décroché, le danseur devient stagiaire pour une durée d'un an. S'il donne satisfaction, il entre dans le corps des quadrilles, le premier rang de la hiérarchie interne du ballet. Pour grimper les échelons, il peut se présenter chaque année au concours interne qui a lieu en novembre et qui distribue les promotions. En cas de réussite, le quadrille devient coryphée, puis sujet, enfin Premier danseur. Le ballet de l'opéra de Paris compte aujourd'hui onze Premiers danseurs, 42 sujets, 31 coryphées et 43 quadrilles. Seule exception à cette règle d'avancement : le dernier échelon, le plus prestigieux. On ne devient pas étoile sur concours mais sur décision du directeur de l'Opéra de Paris après proposition du directeur de la danse - aujourd'hui Aurélie Dupont, elle-même ancienne étoile. Dans l'histoire du ballet de Paris, il existe cependant des exceptions comme la Russe Nina Vyroubova, entrée dans la  compagnie en 1949 directement avec le rang d'étoile.

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Si la majorité des étoiles accèdent à ce stade suprême jeune, certaines ont dû patienter longtemps, ainsi l'Italienne Eleonora Abbagnato, nommée en 2013 à l'âge de 35 ans après avoir été pendant 11 ans et demi Première danseuse. Pour Marie-Agnès Gillot, qui quittera la scène de Garnier samedi, le temps aussi a été "long" jusqu'à cette nomination au rang d'étoile. Alors qu'elle a gravi rapidement les premiers échelons, elle n'est devenue étoile qu'à 29 ans. Mais cela lui a permis aussi de "mûrir", une nécessité selon elle car elle n'aurait "pas été prête à affronter le mode libre de l'étoile" qu'elle compare à une forme de "solitude", explique-t-elle sur Culturebox.

Il y a eu une première étoile officielle… et une première étoile officieuse

Officiellement, le titre d'étoile a été attribué en 1940 pour la première fois. C'est Serge Lifar, alors maître de ballet et chorégraphe, qui crée ce titre afin de tirer la compagnie vers le haut. Il organise même une cérémonie publique lors de laquelle Solange Schwarz et Lycette Darsonval sont distinguées. Cette dernière connaît d'ailleurs là un destin exceptionnel puisque avant de fouler la scène de Garnier, elle était danseuse de rue sur la butte Montmartre. L'année d'après, c'est un homme, Serge Peretti, qui reçoit le prestigieux titre.

Mais officieusement, une autre danseuse avait reçu le titre d'étoile et ce, dès 1931. Suzanne Lorcia, parisienne d'origine italienne, formée à l'Ecole de danse, avait intégré le ballet de l'Opéra de Paris dès l'âge de 14 ans. Son titre, bien que non officiel, figurait à côté de son nom dans les registres du ballet.

Regardez Suzanne Lorcia danser dans "Les Sylphides" et "The sleeping Beauty"

Ils doivent prendre leur retraite à 42 ans maximum

"Je ne me sens pas usée et je vais vous dire, je ne me sens même pas vieille", assurait Aurélie Dupont sur Europe 1 en avril 2015 alors qu'elle se préparait à raccrocher les pointes. Pourtant, c'est la règle pour tous les danseurs de la compagnie : la retraite est fixée à 42 ans. Et le statut d'étoile ne protège pas de cette fatalité. C'est ainsi qu'après Marie-Agnès Gillot samedi, c'est l'étoile Karl Paquette qui fera à son tour ses adieux durant la prochaine saison après avoir dansé dans Cendrillon. Ce retrait forcé a surtout pour but de renouveler régulièrement la compagnie en faisant de la place aux jeunes danseurs.

Sur ce dossier, l'Opéra de Paris a évolué. En instaurant une parité d'abord puisqu'avant, les femmes s'arrêtaient à 40 ans et les hommes à 45 ans. En outre, il a modernisé son management en accompagnant désormais les retraités dans leur reconversion. Payés 8.000 euros brut par mois en plus de 10.000 euros par représentation, les danseurs étoiles ne sont pas à la tête d'une grande fortune comme peuvent l'être à leur retraite des sportifs de renom. Actuellement, la majorité de ces danseurs restent dans le domaine de la danse en devenant notamment maître de ballet au sein de la compagnie ou bien professeur sous d'autres cieux. 

Ils choisissent le ballet à la fin duquel il feront leurs adieux

Le spectacle à la fin duquel ils font leurs adieux n'est pas imposé par les choix artistiques de la saison ni les desiderata de la direction. Les danseurs étoiles ont en effet la liberté de choisir leur dernier ballet au sein de la compagnie. Et ce plusieurs années à l'avance. Pour se préparer psychologiquement au grand départ mais aussi pour des raisons pratiques, le contenu de chaque saison se définissant longtemps à l'avance. La soirée d'adieux est toujours bien scénarisée comme l'a expliqué Brigitte Lefèvre, directrice du ballet de 1994 à 2014 : "les adieux, c'est une fête pour les artistes, le public et tout le plateau. Je me souviens particulièrement de Coco, accessoiriste avec qui nous choisissions les confettis selon le décor et la personnalité de l'artiste".

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Le choix du ballet, lui, n'est jamais anodin. Ainsi, Marie-Agnès Gillot fera ses adieux après Orphée et Eurydice, chorégraphié par Pina Bausch. "Ce qui me plaît c'est l'histoire, le mouvement, cet art du buste et du bras que Pina avait, toute cette technique et cette beauté, j'aime la danse de Pina", a-t-elle ainsi expliqué à Culturebox. Pour Aurélie Dupont, le choix s'était porté sur Manon Lescaut, là aussi une décision porteuse de sens. En 1998, elle s'était blessée gravement au genou six mois seulement après avoir été nommée étoile. Et c'est en dansant le rôle de la séductrice Manon qu'elle avait finalement fait son grand retour sur scène. Et la liberté du choix va si loin que le danseur étoile Jérémie Bélingard a même pu en 2017 faire ses adieux après… une improvisation en solo.