Coupe du monde : Allemagne, Brésil, pourquoi les favoris démarrent-il si mal ?

Thomas Müller et Joshua Kimmich face au Mexique (1280x640) Mladen ANTONOV / AFP
Thomas Müller et Joshua Kimmich quittent la pelouse, tête basse, après leur défaite face au Mexique, dimanche. © Mladen ANTONOV / AFP
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De grandes nations, comme l'Allemagne ou le Brésil, ont été décevantes lors de leur entrée en lice de ce Mondial. Cela s'explique, pour notre consultant Raymond Domenech.

L'Allemagne battue par le Mexique, le Brésil tenu en échec par la Suisse et l'Argentine par l'Islande, l'Espagne qui ne gagne pas, la France qui gagne, mais dans la douleur… Les grands favoris de cette Coupe du monde 2018 n'ont guère brillé lors de leur premier match, que ce soit sur le plan des résultats ou du jeu. De quoi se poser la question : pourquoi les "gros" démarrent-ils si mal ? Europe 1 a demandé à notre consultant, Raymond Domenech, deux Coupes du monde disputées en tant que sélectionneur, de nous éclairer un peu.

  • Parce qu'il n'y a plus de "petites équipes"

C'est LA réponse qu'on sort instantanément, parfois avec ironie. Mais il n'y en avait pas dans le constat dressé par Blaise Matuidi en conférence de presse, lundi. "On voit que c'est compliqué pour tout le monde, que le niveau du Mondial a progressé, que même les petites équipes soi-disant ont leur mot à dire", a insisté le milieu de terrain des Bleus. Mais, comme le dit Matuidi, est-ce que les équipes qui se sont mises en évidence jusque-là peuvent vraiment être considérées comme de "petits équipes" ?

Le Mexique qui a battu l'Allemagne ? Quinzième au classement Fifa, cinq huitièmes de finale d'affilée en Coupe du monde et une sélection habituée aux "gros coups". La Suisse qui a obtenu le nul contre le Brésil ? Sixième à la Fifa, devant la France. Oui, devant la France. L'Islande qui a tenu en échec l'Argentine ? Vingt-deuxième à la Fifa et quart de finaliste du dernier Euro après avoir éliminé l'Angleterre en huitièmes. Petits Poucets dans l'esprit des gens, ces pays n'en sont pas moins des valeurs sûres du football mondial actuel. Et l'Australie, alors, qui a mené la vie dure aux Bleus ? Ah, pour l'Australie, la réponse est peut-être à aller chercher ailleurs…

  • Parce que les "gros" préparent une compétition et les "petits", un "match"

"L'Australie a joué ce match contre la France depuis le tirage au sort", confie Raymond Domenech, ancien sélectionneur des Bleus (2004-2010). "Le Mexique contre l'Allemagne, c'est pareil. Ce sont des équipes qui se disent 'On joue un monstre, on se prépare pour ce match-là'. Les Suisses n'ont aussi préparé dans leur tête que ce match face au Brésil". Pour Raymond Domenech, ce premier match n'a donc pas la même importance en fonction de l'équipe. "Les grosses nations ne se focalisent pas sur le premier match. L'Allemagne n'a pas fait de focalisation sur le Mexique. En revanche, le Mexique s'est dit : 'Le match qui compte, c'est l'Allemagne, idem pour la Suisse face au Brésil'. Et pour l'Australie, je demande à voir les matches qu'ils vont faire derrière (contre le Danemark, puis le Pérou), là, ils (les joueurs australiens) étaient tous exceptionnels. Il y a des équipes qui préparent la Coupe du monde et il y en a qui préparent un match."  

Peut-on dire dès lors faire un parallèle avec les champions cyclistes qui se préparent pour être encore en forme sur la troisième semaine des grands Tours ? Notre consultant préfère la métaphore tennistique. "Je fais toujours la comparaison avec les tennismen. Les têtes de série n'ont pas besoin de faire de matches de préparation avant car leurs matches de préparation sont les premiers tours de qualification, pour arriver en deuxième semaine en pleine forme, sans avoir de courbe descendante", insiste Raymond Domenech. "Les grosses équipes qui ont l'ambition d'aller au bout doivent se préparer sur la distance, donc la préparation athlétique est prévue dans ce sens-là. La France, l'Allemagne, ne jouaient pas leur Coupe du monde sur ce premier match. Il faut être performant sur la distance, et l'être toujours dans trois semaines."

Attention, tout de même, Raymond. C'est peut-être ce que s'est dit l'Italie après avoir fait match nul contre le Paraguay lors de son premier match lors de la Coupe du monde 2010, ou l'Espagne, après avoir été rossée 5-1 par les Pays-Bas lors de l'édition 2014. Les deux équipes avaient finalement été éliminées dès le premier tour avec respectivement 2 et 3 points…

  • Parce qu'au fond, ça n'a pas une si grande importance

Malgré tout, les contre-exemples d'équipes malmenées lors de leur premier match et qui ont brillé par la suite, lors de la phase à élimination directe, sont tout aussi nombreux. L'Espagne, en 2010, avait ainsi débuté la compétition par une défaite surprise contre… la Suisse, avant de décrocher son premier titre mondial. Et que dire de la France ? Avant de marquer l'histoire avec le "drame de Séville", face à l'Allemagne, en demi-finales, l'équipe de France version 1982 avait entamé sa compétition par une nette défaite contre l'Angleterre (3-1) et n'avait dû sa qualification pour le second tour qu'à un succès contre… le Koweït (4-1). Autre exemple bien connu de notre consultant : France 2006.

Car avant de "marcher" sur l'Espagne, le Brésil et le Portugal lors des matches à élimination directe, "Zizou" et consorts avaient connu toutes les peines du monde contre… la Suisse (0-0) et la Corée du Sud (1-1) au premier tour.

"Il n'y a pas d'explication rationnelle pour expliquer les difficultés rencontrées", relève Raymond Domenech. "C'est le moment, les circonstances, la motivation qui mettent ces équipes-là en péril. Après, sur la durée, il y a des chances pour que le Brésil, la France, l'Allemagne, l'Espagne, soient en quarts de finale cette année et on oubliera alors ce qui s'est passé au début." Ou pas.