Mais où va le tennis féminin français ?

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TENNIS - N°1 isolée, équipe de Fed Cup aux abois, polémiques : le tennis féminin français va mal.

Ce week-end, l'équipe de France de Fed Cup a disputé  en Slovaquie son premier match dans le Groupe mondial II, soit la deuxième division du tennis mondial. Et elle l'a perdu (3-2). Les 21 et 22 avril prochains, elle tentera donc de ne pas descendre en troisième division. En plus de la contre-performance sportive (relative), les Bleues se sont également offert un nouveau psychodrame avec le départ anticipé d'Aravane Rezaï. Radioscopie d'un tennis féminin français pas loin d'être au plus mal...

Alizé Cornet, 930

Un déficit de résultats. "Aujourd'hui, au vu du tennis féminin français et du niveau des filles, quelque part on est à notre place." Le constat est sévère. Il est signé Nicolas Escudé, capitaine de l'équipe de France de Fed Cup, à l'issue de la défaite, dimanche, en Slovaquie. Malgré sa volonté, la n°1 française du week-end, Pauline Parmentier, 62e mondiale (et n°2 française), a perdu ses deux matches, face à Daniela Hantuchova, 20e mondiale, et Dominika Cibulkova, 16e. Logique. Et Alizé Cornet, utilisée en joker lors du dernier simple décisif, a une nouvelle fois échoué en Fed Cup, enregistrant sa huitième défaite en neuf matches de simple... En Grand Chelem, ce n'est guère plus brillant. Aucune Française n'était présente en huitièmes de finale du dernier Open d'Australie. Certes, il y a bien une Française dans le Top 10, Marion Bartoli, 7e, mais elle refuse de participer à la Fed Cup pour convenances personnelles.

Marion Bartoli à l'Open d'Australie (930x620)

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Bartoli, une n°1 en solo. Le tennis féminin hexagonal, c'est un petit peu Bartoli et le désert français. La native du Puy-en-Velay, qui n'a jamais été aussi bien classée (7e), est la seule Française du Top 50. Problème : depuis ses débuts professionnels, Bartoli n'a disputé que deux petits doubles sous les couleurs de la France. C'était en 2004. Depuis, elle refuse de se plier aux règles de la sélection qui excluent la présence de coaches personnels. Très proche de son père et entraîneur, Walter, la n°1 française n'a jamais changé sa raquette d'épaule. Et le spectre d'une relégation en troisième division ne l'a pas fait changer d'avis. "J'ai besoin d'avoir mon entraîneur qui m'accompagne pour produire le niveau de jeu que je suis capable de produire", a-t-elle encore déclaré lundi, en marge de l'Open GDF Suez. A la FFT, on regrette cet "équilibre de la terreur" (de l'erreur ?).  "C'est un problème effectivement. C'est toujours mieux de voir les meilleures joueuses françaises qui jouent pour leur pays", regrette Alexandra Fusai, responsable du haut niveau féminin à la Fédération française de tennis (FFT), interrogée par Europe1.fr. "Le tennis est un sport individuel mais il y a des rendez-vous dans l'année où on joue en équipe. Et, dans ces cas-là, il faut accepter de se mettre au service de l'équipe." Ce clivage FFT/Bartoli enlève même une chance de médaille aux prochains JO. En effet, seules les joueuses ayant disputé la Fed Cup sont éligibles pour Londres. Bartoli, finaliste de Wimbledon 2007, ne devrait donc pas être au rendez-vous du tournoi olympique, qui se déroulera sur le gazon londonien. Qui a parlé de beau gâchis ?

Aravane Rezaï, 930

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Rezaï, la polémique de plus. La rétrogradation, l'absence de Bartoli, et comment cela ne suffisait pas, le tennis féminin s'est offert une nouvelle polémique ce week-end avec le départ avec perte et fracas d'Aravane Rezaï. Déçue de ne pas être titulaire, la joueuse française, 123e à la WTA et remplaçante en Slovaquie, a quitté le groupe le samedi matin. "Hier soir (vendredi soir), on m'a demandé de partir dans des termes très durs, donc je pars car je n'ai pas le choix", a-t-elle expliqué à L'Equipe.fr. "Je respecte les joueuses. Mon objectif n'est pas de gêner les filles. Je ne cherche pas les problèmes et j'ai compris que c'était pour le bien de l'équipe de France." (Auto?)exclue du groupe France, Rezaï ne va même pas pouvoir se consoler avec une participation à l'Open GDF de Paris-Coubertin. D'abord invitée dans le grand tableau, elle a ensuite été placée dans les qualifications, auxquelles elle n'a finalement pas pu participer, décalant son retour anticipé (et annoncé) de Bratislava du vendredi au samedi. Une usine à gaz calendaire qui fait le bonheur d'... Alizé Cornet, qui bénéficie de la deuxième wild-card. La co-directrice du tournoi, Amélie Mauresmo (ex-n°1 mondiale, deux fois vainqueur d'un Grand Chelem, représentante du bon vieux temps s'il en est), a tenté d'étouffer toute polémique en expliquant que sa volonté était de placer le plus de Françaises possibles dans le tableau final.

Tatiana Golovin (930x620)

Un problème de génération. Alors que quatre Français prennent place dans le Top 20 mondial actuel, seulement six Français sont présentes dans le Top 100. "Pendant quinze ans, on a complètement diminué la formation chez les filles. On se retrouve donc aujourd'hui avec beaucoup moins de joueuses au top", explique Alexandra Fusai. Marion Bartoli, elle-même, reconnaît que le tennis féminin français connaît une période de creux. "On a eu une génération dorée avec Amélie (Mauresmo), Mary (Pierce) et Nathalie (Dechy), puis après, il y a eu Tatiana Golovin (photo), qui s'est malheureusement blessée et qui a arrêté, et moi", a reconnu Bartoli lundi. Une génération un peu délaissée, une locomotive blessée, le tennis féminin français a besoin de se relever. "Aujourd'hui, on est en train de reconstruire, en accompagnant des projets individuels et en reprenant notre rôle de formateur, qui est le rôle premier de la FFT", souligne Alexandra Fusai, relativement confiante en l'avenir.

Caroline Garcia, 930

Et maintenant ? "Cette équipe de France (de Fed Cup) ne redeviendra ce qu'elle a été qu'à partir du moment où ces filles seront plus fortes tout au long de l'année", a convenu Escudé. Pour Alexandra Fusai, les Bleues, sont sur la bonne voie. "Elles progressent, il y a eu beaucoup de travail fait pendant la période hivernale. Ce n'est pas passé ce week-end, mais il faut être persévérant. On a deux joueuses qui étaient dans les 20 premières mondiales il n'y a pas si longtemps (Cornet 11e en février 2009, Razzano 16e en septembre 2009 ndlr), Pauline, qui a déjà été dans les 50." Ça, c'est pour le court terme. Pour le moyen terme, il y a de nouveaux talents qui arrivent, comme Kristina Mladenovic, 18 ans et qui a fêté sa première sélection en Fed Cup ce week-end (en double), et Caroline Garcia (photo), qui s'était révélée au grand public l'an dernier en menant pendant un set et demi face à Maria Sharapova sur le central de Roland-Garros. "Ce sont deux jeunes joueuses à fort potentiel qui devraient arriver dans les meilleures mondiales dans les années à venir", espère Alexandra Fusai. "Et on est en train de former d'autres jeunes. On pense qu'il y aura de bonnes choses dans les années à venir." En tout état de cause, il semble difficile de faire moins bien qu'aujourd'hui...