Le collectif Romeurope appelle les candidats à la présidentielle à résorber les bidonvilles

Rom enfant
Un tiers de la population vivant dans des bidonvilles en France serait mineure. © MARTIN BUREAU / AFP
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Mathilde Belin , modifié à
Le collectif Romeurope donne vingt propositions pour résorber les bidonvilles de France et appelle les candidats à la présidentielle à s'en saisir.

Elles vivent sans eau ni électricité, en présence des rats et dans l’insécurité, en marge du reste de la société : tel est le constat rapporté par le collectif national des droits de l’Homme Romeurope sur la situation des personnes vivant dans les bidonvilles français. Le collectif, qui regroupe 41 associations, publie jeudi son rapport annuel et en a envoyé un exemplaire à chaque candidat à la présidentielle pour les sommer de mettre fin à la "mise au ban" des Roms vivant en bidonvilles. "On leur demande de s’exprimer sur ces questions du mal-logement et des bidonvilles, et notamment sur les expulsions et la scolarisation des enfants", explique à Europe1.fr Manon Fillonneau, déléguée générale de Romeurope.

15.000 à 20.000 personnes vivent dans un bidonville. Dans ce rapport, le collectif fait vingt propositions aux candidats, sur l’accès au logement, l’éducation, l’emploi, la santé ou encore le racisme, pour amener à une résorption des bidonvilles dans l’hexagone. Selon le dernier recensement établi par le ministère du Logement, en octobre dernier, 15.639 personnes vivent dans l’un des 539 squats ou bidonvilles que compte la France. Cependant, le recensement "n’a pas pris en compte ceux qui vivaient alors dans la ‘Jungle’ de Calais", souligne Manon Fillonneau - ce qui représentent quelque 6.000 personnes de plus.

Le collectif pointe notamment du doigt les conditions de vie dans lesquelles vit cette population marginalisée : 66% des bidonvilles ou squats sont infestés par les rats, 74% ne bénéficient pas du ramassage des ordures, 77% n’ont pas accès à l’eau, et 88% n’ont pas l’électricité.

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" Les expulsions pérennisent les bidonvilles "

Les expulsions sont encore la règle. Selon Romeurope, les expulsions des "camps de Roms" ont connu une forte augmentation en 2012 et 2013, alors que François Hollande s’était pourtant engagé au début du quinquennat à mettre fin aux expulsions sans solution de relogement. Et elles sont encore la règle aujourd’hui : 60% de la population vivant en bidonvilles en a été chassée en 2015, soit 11.000 personnes. "Il apparaît de plus en plus clairement qu'il existe une politique nationale systématique d'expulsions de force des Roms" en France, s’était d’ailleurs inquiété l’ONU cette année-là.

"Les expulsions ne font que pérenniser les bidonvilles puisqu’on ne fait que déplacer le problème, et cela génère un coût en plus dans les dépenses publiques (1.300 euros en moyenne par personne, ndlr)", explique Manon Fillonneau. Le collectif a notamment suivi une famille de six personnes qui a déménagé huit fois en quatre ans dans le nord de la France : chassée d’un terrain, elle a trouvé refuge sur un autre emplacement. Dans ces conditions, il est difficile de s’insérer, de trouver un emploi ou encore de scolariser ses enfants.

" On est en train de créer une génération d’illettrés "

Les maires refusent d’inscrire les enfants roms. Le collectif souhaite également dénoncer le défaut de scolarisation des enfants vivant dans les bidonvilles. "Il y a des cas de refus flagrants de maires, qui demandent par exemple une facture d’électricité pour s’inscrire à l’école alors que seule une pièce d’identité est nécessaire. Ce sont des pratiques illégales et discriminatoires", accuse Manon Fillonneau. "On est en train de créer une génération d’illettrés, et qui a un vrai traumatisme psychologique du fait des expulsions et des conditions de vie en bidonvilles", s’alarme-t-elle encore.

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Selon le dernier recensement ministériel du mois d’octobre, plus de 3.000 enfants mineurs vivent dans des campements, soit 20% de sa population totale. Mais ce chiffre a été calculé sur la base de 317 sites seulement. "Les enfants représentent plutôt un tiers de la population totale vivant dans les bidonville"», estime pour sa part la déléguée générale de Romeurope.

" On ne peut plus dire que cette question est sans solution "

L’exemple strasbourgeois. Des progrès ont toutefois été réalisés ces dernières années. La loi Égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 étend le principe de la trêve hivernale aux bidonvilles et aux abris de fortune, ce qui permet donc de suspendre les expulsions l’hiver. Le collectif Romeurope se réjouit également des politiques "de stabilisation", mettant fin à l’errance, mises en place par certaines collectivités, comme à Strasbourg. La ville a instauré à partir de 2008 une action sociale, appuyée par diverses associations, pour reloger les personnes présentes sur les terrains municipaux, et ainsi ne plus procéder aux expulsions.

En 2014, sur les 471 personnes vivant en bidonvilles à Strasbourg, 175 ont ainsi accédé à un logement, 125 ont obtenu un emploi, et 61 enfants ont été scolarisés. Et sur les 14 bidonvilles recensés dans la ville, il n’en restait plus qu’un à la fin de l’année 2016. Celui-ci a par ailleurs obtenu un accès à l’eau, aux toilettes et au ramassage des ordures, se réjouit Manon Fillonneau, qui conclut : "Il y a des projets qui marchent bien, donc on ne peut plus dire que cette question est sans solution."

La position des candidats à la présidentielle
Certains candidats à la présidentielle se sont déjà exprimés brièvement sur la question des Roms. Fin janvier, Yannick Jadot, candidat EELV, a évoqué le devoir d’accueil des réfugiés et des Roms, rapporte Le Monde : "Reloger 20.000 Roms ne doit pas être si difficile que ça pour un pays de 66 millions d’habitants", a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse organisée par la fondation Abbé Pierre. À cette même occasion, le prétendant socialiste à la présidentielle Benoît Hamon s’est pour sa part engagé sur l’objectif "zéro bidonville" : "Loger les 16.000 personnes des 500 bidonvilles recensés en France est à la portée de notre pays", a-t-il assuré. Les autres candidats n’ont pas dit mot de cette question de société.