Le mouvement Nuit Debout
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C.P. , modifié à
Ils ont passé une quatrième nuit, de dimanche à lundi, place de la République à Paris. Etudiants ou travailleurs qui rêvent de réinventer un monde, que veulent-ils dire ? 

"Un mouvement très vaste". Tout a commencé par une banale manifestation jeudi contre la loi El Khomri mais depuis, des manifestants sont restés sur place, principalement à Paris, place de la République. Voilà comment est né le mouvement Nuit Debout. Gaël Brustier, docteur en sciences politiques, fait partie de ceux qui ont passé la nuit de samedi à dimanche dernier place de la République. "C’est un mouvement qui vient d’une contestation contre la loi Travail mais il s’inscrit dans un mouvement plus vaste et notamment la situation qui frappe actuellement les plus jeunes qui doivent faire face au déclassement, à la montée des inégalités et par le fait que les diplômes ne sont plus protecteurs aujourd’hui", a-t-il expliqué lundi matin sur Europe 1.

Qui organise ? Le mouvement s’organise "autour d’un comité d’organisation avec des personnes qui sont déjà investies dans des luttes sociales mais ce mouvement dépasse maintenant ses propres organisateurs car il y a maintenant plusieurs milliers de personnes qui s’assoient et qui débattent des règles démocratiques", détaille Gaël Brustier.

Que veulent-ils ? "Ce sont des gens qui mettent la démocratie au cœur de tout et ensuite contestent notre modèle productif. L’idée est 'peut-on changer sans le monde sans prendre le pouvoir ?'", raconte le docteur en sciences politiques avant d'ajouter, "ils ont rapport au pouvoir tellement dégradé qu’ils ne souhaitent pas prendre le pouvoir. Les autres sont dans une contestation économique, démocratique et sociale et tentent de trouver des solutions pour changer les choses".

Est-ce un mouvement spontané ? "Je pense que la spontanéité n’existe pas pour ce genre de mouvement", affirme Gaël Brustier. "Il faut reconnaître qu’on retrouve, dans ce mouvement, des intellectuels, des personnes impliquées dans des combats sociaux donc ce sont des gens qui ont un savoir-faire. Après, les personnes qu’ils attirent sont, elles, très jeunes et n’ont pas forcément de technique militante antérieure", explique Gaël Brustier. Quant à un éventuel risque de récupération politique, Gaël Brustier n’y croit pas. Il raconte en effet que "ce sont des mouvements qui sont, pour certains, antipolitiques, et pour d’autres, très défiants à l’égard de toutes les personnes politiques qu’ils soient du Parti Socialiste ou de la gauche radicale".

Alors que Jean-Luc Mélenchon, qui s’est rendu à République, a affirmé qu’il ne souhaitait pas récupérer le mouvement mais qu’il serait très fier que le mouvement le récupère, pour le docteur en sciences politiques, "les politiques gravitent autour du mouvement sans pour autant le récupérer. Ce mouvement pose un certains nombres de questions mais nous ne sommes pas dans le temps d’une réponse politique à ces questions." Gaël Brustier explique en revanche que "les politiques essaieront de donner des réponses en rapport avec ce mouvement s’il continue de progresser et de se développer".

Le mouvement va-t-il continuer ? "C’est un mouvement dont les organisateurs disent, en off, qu’ils ont déjà réussi un premier coup qui était d’occuper cette place. Et pour eux, c’est déjà beaucoup. Maintenant l’objectif est de s’adresser à une France plus périphérique avec des mouvements à Toulouse et Strasbourg notamment. Il y a en tout cas un certains nombres de luttes sociales à intégrer s’ils veulent prendre l’ampleur des Indignados en Espagne", explique Gaël Brustier.