Affaire Benalla - Application de l'article 40 : un avocat explique pourquoi Gérard Collomb se trompe

Michel Delpuech et Gérard Collomb 1280
© BENOIT TESSIER / POOL / AFP
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Martin Feneau et Romain David , modifié à
Pour l'avocat Vincent Toledano, le Code de procédure pénale obligeait bel et bien Gérard Collomb à alerter la justice sur le cas d'Alexandre Benalla.

Le feuilleton des auditions continue dans l'affaire Benalla, qui secoue jusqu'aux plus hautes sphères de l'exécutif. Le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron va devoir s'expliquer mardi après-midi, devant la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale, avant d'être auditionné par les sénateurs. La veille, Gérard Collomb s'est défaussé d'une quelconque erreur dans la gestion du dossier, assurant avoir agi selon le strict cadre de ses fonctions. Dans la mesure où il lui est notamment reproché de s'être soustrait à l'article 40 du Code de procédure pénale, selon lequel il aurait dû signaler auprès de la justice les agissements commis par Alexandre Benalla en marge des manifestations du 1er-Mai, le locataire de la place Beauvau a estimé que cette responsabilité incombait à l'Elysée.

Une "autorité constituée" en vaut une autre. Pour se justifier, Gérard Colomb a tenu à rappeler que le conseiller d'Emmanuel Macron ne dépendait pas des services de l'Intérieur. "Je considère que c'est à ceux qui sont en responsabilité dans leurs administrations, au plus près du terrain, de recueillir les éléments permettant de justifier la transmission d'un signalement au titre de l'article 40 de le faire", a-t-il plaidé devant les députés. "Je m'étais assuré que tant le cabinet du président de la République que le préfet de police avaient été destinataires de l'information. […] C'était à eux de prendre les sanctions et éventuellement d'informer les autorités judiciaires", a encore indiqué Gérard Collomb. "La loi dit exactement le contraire, à savoir que 'toute autorité constituée' - c'est le cas du ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur -, est tenue d'aviser le procureur lorsqu'il a connaissance 'd'un crime ou d'un délit'", rappelle auprès d'Europe 1 l'avocat Vincent Toledano.

Un ministre qui s'improvise procureur ? Mais l'ancien socialiste a également invoqué lundi une forme de jurisprudence, selon laquelle l'article 40 n'est traditionnellement appliqué par un ministre de l'Intérieur que pour signaler une atteinte à la liberté d'expression. "Je n’ai d’ailleurs transmis depuis ma prise de fonction qu'un seul article 40 à la justice pour une infraction prévue par la loi de 1881 sur la liberté de la presse", a-t-il relevé. "Je m’inscris dans la lignée de mes prédécesseurs qui ne l’ont pour la plupart utilisé que pour des délits relatifs à la loi de 1881 sur la liberté de la presse". Sur ce point, le ministre se livre à une interprétation des textes qui n'est pas de son ressort, relève Vincent Toledano. "Ce n'est pas au ministre de l'Intérieur d'apprécier l'opportunité des poursuites, ce n'est pas à lui de décider si la justice doit être saisie par lui ou par un autre. Ce pouvoir n'appartient qu'au procureur", insiste l'avocat.

Jusqu'à cinq ans de prison. Pour ce juriste, Gérard Collomb s'est lui-même rendu coupable d'un délit et encourt une sanction. "Lorsque, dans l'exercice de ses fonctions, un dépositaire de l'autorité publique prend des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi, c'est cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende", souligne-t-il. En bottant vers la présidence et la préfecture de police, qui s'est elle-même défaussée sur l'Elysée par l'intermédiaire du préfet de police Michel Delpuech, Gérad Collomb a en tout cas orienté les projecteurs vers le directeur de cabinet du chef de l'Etat, Patrick Strzoda. Ce haut-fonctionnaire à quelques semaines de la retraite n'a l'intention d'éluder aucune des questions qui lui seront posées mardi par la commission d'enquête, assure l'Elysée de son côté.