Sorj Chalandon : le bégaiement, "c'est la solitude absolue"

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Mathilde Durand
Le 22 octobre est la Journée internationale de sensibilisation au bégaiement, un trouble de la parole très handicapant pour les personnes qui en sont atteintes. Le journaliste et écrivain Sorj Chalandon raconte sur Europe 1 sa propre expérience. Il y a consacré un roman, "Le petit Bonzi", sorti en 2005. 
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Plus de 70 millions de personnes vivent avec ce trouble. Le 22 octobre, c'est la Journée internationale de sensibilisation au bégaiement. Ce trouble de la parole affectant son débit peut parfois susciter les moqueries ou l'indifférence, or c'est un vrai handicap. Sorj Chalandon, journaliste au Canard Enchaîné et écrivain, lauréat du prix Albert-Londres, du prix Médicis ou encore du prix Goncourt des lycéens, a raconté dans son premier roman Le petit Bonzi, son expérience du bégaiement. "C'est la solitude absolue", assure-t-il sur Europe 1. 

"Le problème avec le bégaiement c'est que c'est le seul handicap qui fait rire", raconte-t-il, évoquant des difficultés en classe ou dans la cours de récréation pour communiquer avec ses camarades.

Des décoctions d'herbe pour guérir du bégaiement

Dans les années 1950, alors que Sorj Chalandon est enfant, il ne connaît pas l'existence d'orthophonistes, spécialisés dans l'accompagnement des personnes bègues. Il décide alors d'inventer ses propres remèdes. "Je me dis que s'il y  a de l'herbe pour guérir le mal de dos, je suis sûr qu'il y a quelque part une herbe à Lyon, en France ou dans le monde qui peut guérir le bégaiement. J'ai commencé effectivement à manger des herbes, des feuilles d'arbres, etc. Et je me faisais des décoction d'herbes pour voir si, par hasard, le lendemain, le bégaiement avait disparu."

Un matin, il se rend compte qu'il parle de façon fluide. Une expérience psychologique qu'il raconte sur Europe 1. "Je me rends compte que les gens autour de moi, ma mère, mon frère, n'ont rien remarqué. Je sens que je ne bégaye plus et je pense que c'est l'herbe qui est en bas de l'immeuble qui a fait ça. Et je le dis", raconte l'écrivain. "Et tout le monde s'est moqué de moi de façon tellement violente, en disant que c'était impossible, que je me suis remis à bégayer immédiatement."

"J'ai découvert une communauté de douleur"

Sorj Chalandon réussit aujourd'hui à mieux maîtriser son handicap, bien qu'on n'en "guérit pas", assure-t-il lui-même. Dans son parcours, l'écriture de son roman a été salvateur. "Je ne voulais pas écrire des romans, je voulais en écrire un. Je voulais écrire ce qu'est que la violence d'être bègue et surtout écrire ce roman de l'intérieur, du moment de la fabrication des mots", explique-t-il. "Ce livre m'a aidé. Il ne m'a pas guéri du tout, mais il m'a aidé". 

Du jour au lendemain, l'auteur reçoit des appels de personnes, bègues ou non, touchées par son histoire. Certains veulent même créer des pétitions pour que les bègues paient moins cher le téléphone, mettant plus de temps à communiquer. "J'ai découvert une communauté de douleur", se souvient Sorj Charandon. "Et ce qui a été fondamental pour moi, c'est d'abord de tomber amoureux de personnes qui n'ont pas essayé de finir mes mots, qui n'ont pas essayé de remplacer des mots par d'autres et des gens qui tous m'ont dit 'Prends ton temps, j'ai le temps'."