"Assumer, c'est le supporter" : bégayer, le handicap qui a bouleversé la vie de William Chiflet

William Chiflet, producteur de télévision, auteur de "Sois bègue et tais-toi", était l'invité jeudi de Christophe Hondelatte.
William Chiflet, producteur de télévision, auteur de "Sois bègue et tais-toi", était l'invité jeudi de Christophe Hondelatte. © Europe 1
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Clémence Olivier , modifié à
William Chiflet, producteur de télévision, auteur de "Sois bègue et tais-toi", revient jeudi au micro de Christophe Hondelatte sur un handicap qui changé sa vie : le bégaiement.

Sa bouche se tord, ses yeux s'écarquillent, sa tête s'agite comme s'il cherchait de l'oxygène. Longtemps lorsqu'il voulait parler, William Chiflet bégayait. Surtout, son blocage s'accompagnait d'une façon de bouger qui le couvrait de honte. Au micro de Christophe Hondelatte, jeudi, sur Europe 1, le producteur de télévision et auteur de Sois bègue et tais-toi raconte comment ce handicap a bouleversé sa vie mais surtout comment il a appris à s'en accommoder.

Il butte sur la lettre L. Les premiers signes apparaissent alors qu'il est en maternelle. On lui demande de décrire une image sur laquelle est représenté un lapin. Il butte sur la lettre L. Rapidement son père, éditeur et sa mère, professeur d'anglais, décident de l'envoyer chez un thérapeute, puis chez un orthophoniste sans que cela ne change grand chose. A cette époque, William Chiflet ne souffre pas de ses blocages. Et jusqu'à ses 12 ans, il vit même relativement bien avec.

"C'est un vrai traumatisme". Mais un événement va bouleverser sa vie : la messe de sa profession de foi. Le jour de la cérémonie, alors que les enfants s'avancent vers l'autel, le prêtre leur tend un micro. Il souhaite que chacun s'exprime. William Chiflet se bloque. Il lui est impossible de sortir un mot. La honte l'envahit. Ce jour là, il comprend que le bégaiement va faire basculer son existence. Il perd son innocence. "Je ne savais pas qu'il fallait parler. J'aurais sans doute dit au prêtre que je ne pouvais pas", confie-t-il à Christophe Hondelatte. "Dans cette immense église, avec ce monde devant moi j'ai compris qu'il y avait un truc qui n'allait pas. C'est un vrai traumatisme".

"Il y a une vraie expression physique des blocages". A partir de cet instant, il pratique la fuite en avant, s'isole, se cache pour éviter le plus possible d'avoir à parler aux autres. "Quand on est bègue, on est diminué. Il y a une vraie expression physique des blocages et les gens vous regardent en se disant 'ce mec est fou'", explique William Chiflet. "Quand ça se produit dix fois par jour, ça tape sur le système". Lorsqu'il entre au lycée, le malaise s'accentue. Et même s'il a la chance de trouver le soutien de Joachim, un élève aussi sympathique que branché, il peine à se faire des amis en dehors de l'école et vit très mal son bégaiement.

Entendu sur europe1 :
Je crois que j'ai réussi à vivre à peu près normalement car je l'ai assumé

Un moment de fluidité. Mais tout n'est pas que tristesse et renfermement. Ses parents font naître en lui un espoir le jour où ils lui font part d'une interview entendue sur Europe 1. Un ancien bègue, Ivan Impoco, y raconte comment il a réussi à surmonter son handicap grâce à une technique particulière basée sur les impulsions musculaires. William Chiflet suit alors un stage à l'institut d'élimination du bégaiement à Lille. Un enseignement qui a été depuis contesté. "Je n'ai pas réussi à appliquer sa méthode mais je ne la critique pas", explique le producteur. "Un jour, lors du stage, j'ai vécu un moment de fluidité. Vous ne vous rendez pas compte ce que cela peut signifier pour nous qui sommes constamment bloqués".

"Assumer, c'est le supporter". Finalement, William Chiflet, jeune adulte porté par la bienveillance de certains de ses proches, choisit d'assumer totalement son bégaiement. Lorsqu'on lui demande de se présenter en classe ou lors d'entretiens d'embauche, il fait part d'emblée de son handicap. "Je crois que j'ai réussi à vivre à peu près normalement car je l'ai assumé. L'assumer, c'est le supporter, c'est se dire que les autres peuvent être bienveillants", soutient le producteur. Après des études de droit et administration de l'audiovisuel, il est recruté à France 2. Aujourd'hui, il est producteur de télévision. Il est aussi père de famille. Son objectif, celui de vivre une vie normale a été atteint. Son bégaiement est simplement une gêne, ce n'est plus un combat.