Pour Fillon, les changements, c’est maintenant

François Fillon ne procède pas à des inflexions de son programme, mais à des "enrichissements", selon le terme choisi par ses stratèges.
François Fillon ne procède pas à des inflexions de son programme, mais à des "enrichissements", selon le terme choisi par ses stratèges. © MARTIN BUREAU / AFP
  • Copié
, avec David Doukhan , modifié à
L’ancien Premier ministre assure qu’il appliquera son programme et qu’il ne changera rien. Sauf qu’il y aura bien, selon l’expression de son équipe, des "enrichissements". 

François Fillon a intérêt à avoir un sacré sens de l’équilibre. Car c’est sur un fil ténu que le candidat Les Républicains va évoluer jusqu’à la présidentielle. Le problème du vainqueur de la primaire de la droite est connu depuis plusieurs semaines : il doit rester droit dans ses bottes et assumer un programme radical qui lui a permis de l’emporter en novembre, tout en y amenant de nécessaires inflexions, indispensables pour l’emporter lors du scrutin d’avril et de mai. Le tout sous le feu nourri de ses adversaires et les amicales pressions de ses alliés. Discret pendant plusieurs semaines, l’ancien Premier ministre a fait son retour mardi soir sur TF1, dans une parfaite illustration de cette double posture qu’il doit adopter.

Le discours : "personne ne me détournera"
Dans son discours, François Fillon se veut très ferme. "Je vais mettre en œuvre le programme sur lequel je me suis engagé. Et personne ne m’en détournera", a affirmé le député de Paris sur TF1. Tout en se défendant des accusations de brutalité des mesures qu’il soutient, accusations proférées notamment par Marine Le Pen ou Manuel Valls. "Il n’y rien de brutal dans ce programme, qui est le seul qui peut permettre le redressement national, le plein emploi et la sécurité de notre pays." Le candidat veut rassurer, toujours, quand il clame ensuite : "je suis gaulliste et chrétien, je ne prendrai jamais de décisions contraires au respect de la dignité humaine, de la personne et de la solidarité". Ferme d’un côté, rassurant de l’autre. Il va falloir s’y habituer.

Deux exemples de recul : la santé et les fonctionnaires
François Fillon se dit volontiers inflexible donc. Mais de recul, il en a d’ores et déjà été question. D’abord sur la question très médiatisée de la santé. Après avoir un temps envisagé un large déremboursement, pour transférer aux seules mutuelles et assurances privées les soins non urgents ou à moindre risque, le candidat, malgré ses déclarations, a tout bonnement retiré de son projet en ligne les mesures les plus sensibles en matière de sécurité sociale. Un recul en bonne et due forme qui en appelle au moins un autre, sur un autre pan très critiqué de son programme concernant les fonctionnaires.

L’exemple illustre parfaitement ces "enrichissements", le terme choisi par les stratèges de François Fillon pour évoquer des inflexions. Dans son programme, l’ex-Premier ministre prévoit de faire travailler les fonctionnaires 39 heures en les payant 37. Travailler plus pour gagner moins, impossible de faire campagne là-dessus. Alors, selon les informations d’Europe 1, on s’oriente vers une solution qui passe par… la négociation. Les fonctionnaires pourront être payés 39 heures, mais sous conditions. En acceptant notamment de se calquer sur le privé et ses trois jours de carence en cas de maladie. L’équipe de François Fillon pense pouvoir ainsi diviser par deux l’absentéisme, ce qui permettrait de financer le paiement de 39 heures. Un tour de passe-passe qui permet de garder le programme intact, mais en le soumettant à la négociation, beaucoup plus acceptable sur le plan électoral.

Les amicales pressions de ses alliés
Ces deux exemples sont emblématiques, mais ils préfigurent bien ce que pourrait être la campagne de François Fillon. D’autant que le candidat de la droite, fort de son statut de favori, est la cible privilégiée de la gauche et du Front national. Et qu’en outre, ses alliés ne se privent pas de faire passer quelques messages. Ainsi, Jean-Christophe Lagarde, le président de l’UDI, a estimé mardi sur France Info, que la suppression de 500.000 fonctionnaires n’était pas "faisable en 5 ans. Je peux concevoir que ça se fasse en dix ans. Ça fait partie de discussions ou de clarification", a ajouté le député de Seine-Saint-Denis.

Les sarkozystes, qui sont un peu les oubliés du rassemblement opéré par François Fillon après sa victoire, ne sont pas en reste. "Il faut adresser un message d’espoir aux personnes qui ne sont pas les plus favorisés dans notre société", a enjoint Brice Hortefeux mercredi matin sur Europe 1. "Il y a une panoplie d’initiatives. Il appartiendra à François Fillon de trancher, et nous serons rassemblés derrière lui, mais il faut adresser des signaux d’espoir à ceux qui sont les plus fragiles". Et de conclure, taquin, en reprenant les éléments de langage du camp Fillon : "Notre ambition, c’est d’enrichir le projet pour permettre de gagner".