Macron travaille à la "structuration de l'islam de France"

L'islam de France doit être restructuré, selon Emmanuel Macron.
L'islam de France doit être restructuré, selon Emmanuel Macron. © JOEL SAGET / AFP
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M.Be , modifié à
Emmanuel Macron veut "poser les jalons de toute l'organisation de l'islam de France" au "premier semestre 2018", pour mieux intégrer le culte à la République et lutter contre le fondamentalisme.

Alors que son discours tant attendu sur la laïcité n’est pas encore venu, Emmanuel Macron planche en coulisses sur une réorganisation de l’islam de France. "Nous travaillons à la structuration de l’islam de France et aussi à la manière de l’expliquer, ce qui est extrêmement important", a déclaré le chef de l’État au Journal du Dimanche. Le journal dévoile cette semaine les pistes à l’étude pour réorganiser le culte musulman, l’inscrire dans une relation plus apaisée avec l’État et l’associer à la lutte contre le fondamentalisme.

"Quelle que soit l’option retenue, mon objectif est en tout cas de retrouver ce qui est le cœur de la laïcité, la possibilité de pouvoir croire comme de ne pas croire, afin de préserver la cohésion nationale et la possibilité d’avoir des consciences libres", explique Emmanuel Macron, qui s’entoure et consulte de nombreux chercheurs, intellectuels et hommes politiques pour mener cette réforme.

Quelle représentation pour les musulmans ?

Création de nouvelles instances représentatives, financement des lieux de culte, formation des imams : un plan d’ensemble est actuellement à l’étude à l’Élysée, avec la coopération du ministère de l’Intérieur. L’objectif est de "réduire l’influence des pays arabes, qui empêchent l’islam français de rentrer dans la modernité", dit-on dans l’entourage du président au JDD. Parmi les priorités affichées : réformer le Conseil français du culte musulman (CFCM).

Réformer le CFCM. D’après tous les experts consultés par l’Élysée, le mode de désignation des membres de cette instance - créée en 2003 - est un facteur d’immobilisme et l’influence de pays étrangers musulmans y est jugée trop forte. "Il y a une prise de conscience au sein du CFCM qu’une ouverture est nécessaire", admet auprès du JDD son vice-président, Anouar Kbibech. Un groupe de travail a déjà été créé en son sein et doit livrer au gouvernement ses propositions en juin prochain.

Un "grand imam de France" ? Pour sortir de cet "islam consulaire", le ministère de l’Intérieur entend ouvrir le CFCM aux "musulmans les plus intégrés". "Le moment est venu de confier l’organisation à la nouvelle génération des Français de confession musulmane", plaide Hakim El Karoui, un des analystes de l’islam français les plus reconnus, et inspirateur d’Emmanuel Macron pour sa réforme. Il propose notamment dans un de ses livres l’institution d’un "grand imam de France", sur le modèle du grand rabbin, qui disposerait d’une autorité morale sur le culte et d’une représentation face au pouvoir politique. Il propose également la création d’une association "affranchie de l’influence du CFCM et de la tutelle de l’État" chargée de financer les lieux de culte, la formation et les salaries des imams.

Comment financer l’islam de France ?

Le financement des lieux de culte musulmans et la formation des imams constituent les deux points les plus délicats aujourd’hui pour l’exécutif, alors que la construction des mosquées dans l’Hexagone bénéficie de la contribution de pays du Golfe et du Maghreb ; alors que quelque 300 imams exerçant en France sont des fonctionnaires rémunérés par des pays étrangers et alors que la collecte des dons des fidèles se fait dans une relative opacité.  

"Taxe halal". Ainsi, l’exécutif voudrait obliger les lieux de culte à se soumettre au statut de la loi de 1905 (associations culturelles), alors qu’ils privilégient plutôt aujourd'hui le statut de la loi 1901 (associations à but non lucratif), afin de mieux contrôler leurs comptes. Par ailleurs, l’idée d’une taxe sur les produits halal a été évoquée mais les réticences sont nombreuses en raison de son caractère communautariste. "On peut être musulman sans manger halal, non ?", s’est interrogé le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, auteur d’un rapport en 2016 sur l’islam français et autre conseiller du président. D’ailleurs, 70% des Français se disent opposés à la création d’une taxe halal pour financer le culte musulman en France, d’après un sondage Ifop pour le JDD* dévoilé dimanche.

"Des jalons" posés à la fin du semestre. Si le contenu de la réforme doit encore être précisé, Emmanuel Macron s’est déjà fixé un calendrier : "c’est durant ce premier semestre 2018 que je souhaite poser les jalons de toute l’organisation de l’islam de France", affirme-t-il au JDD. Mais le président assure prendre son temps, le temps de consulter et de peaufiner, pour ne pas prendre le risque "de faire des raccourcis en plongent tout le monde dans un même sac". 

*Enquête réalisée par téléphone les 2 et 3 février auprès de 1.002 personnes de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas. Marge d'erreur de 1,4 à 3,1.