Les mots de Fillon pour raconter son ascension

Pendant quatre ans, François Fillon n'a cessé de croire en sa victoire. Même quand il était au plus bas dans les sondages.
Pendant quatre ans, François Fillon n'a cessé de croire en sa victoire. Même quand il était au plus bas dans les sondages. © AFP
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Depuis la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012, l’ancien Premier ministre, candidat officiel de la droite depuis dimanche, a toujours fait savoir ses ambitions. Et même au creux de la vague, il y a toujours cru.

S’il y a bien quelque chose que l’on peut reconnaître à François Fillon, proclamé vainqueur de la primaire de la droite dimanche soir, c’est sa persévérance, et ce depuis plus de quatre ans. Alors qu’il venait de quitter Matignon après un bail record de cinq ans, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le député de Paris pensait déjà à 2017. Et on peut aussi lui reconnaître de n’avoir jamais louvoyé. Depuis 2012, il affiche clairement ses ambitions présidentielles. Et alors que jusqu’au bout, les sondages l’annonçaient vaincu, il n’a jamais lâché l’affaire, affirmant, réaffirmant, qu’il allait l’emporter. Petites phrases d’un grand vainqueur.

11 août 2012 : "Si j’ai l’honneur de présider l’UMP, il y aura des primaires ouvertes. Bien sûr, le président de l’UMP en sera un des candidats"

En cet été 2012, la première étape vers le pouvoir suprême passe, dans l’esprit de François Fillon, par la présidence de l’UMP. Dès le 30 juin, un gros mois après la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, il se déclare candidat. Puis le 11 août 2012, il va plus loin, dans une interview à Ouest France. "Si j’ai l’honneur de présider l’UMP, il y aura des primaires ouvertes. Bien sûr, le président de l’UMP en sera un des candidats", déclare-t-il. Et pour être sûr que le message passe bien, il tweete sur son compte officiel le passage.

Cela dit, la déclaration a peu d’écho, ni dans la presse, ni dans l’opinion. 2017 est encore très loin, et François Fillon n’est pas encore un candidat crédible. Mais cela en dit long sur la force de son ambition.

9 mai 2013 : "Je serai candidat quoi qu’il arrive"

Pendant plusieurs mois, de mai 2012 à janvier 2013, François Fillon se consacre à la désormais légendaire "guerre des chefs" à l’UMP, qui l’oppose à Jean-François Copé et marqué par des anomalies dans le vote et des tensions extrêmes entre les deux camps. Le député-maire de Meaux étant finalement désigné vainqueur, François Fillon prouve qu’il existe encore en créant de manière éphémère un groupe dissident parlementaire, l’R-UMP, qui n’existera qu’entre le 27 novembre 2012 et le 16 janvier 2013. Le député de Paris sort de la bataille battu, éreinté, mais ses ambitions sont intactes. La preuve, en mai 2013, lors d’un déplacement au Japon, il réaffirme devant quelques journalistes qu’il sera candidat à la présidentielle" quoi qu’il arrive".

(Attention, il faut tendre l’oreille) :

Cette fois, alors que le souvenir de la délétère élection de l’UMP est encore dans toutes les têtes, la petite phrase fait grand bruit. Au point que François Fillon précise qu’il pensait bien à la future primaire de la droite :

11 juillet 2013 :"L’UMP ne peut pas vivre au garde-à-vous dans l’attente d’un homme providentiel"

La machine Fillon est lancée, donc, mais ne déclenche pas d’enthousiasme, ni parmi les Français, ni même parmi les militants de l’UMP. Car l’ombre de Nicolas Sarkozy plane toujours. L’ancien président de la République s’est théoriquement retiré de la politique, mais il ne cesse de se rappeler au bon souvenir de l’opinion, via ses fameuses "cartes postales". Et ça, François Fillon, ça l’agace prodigieusement.

Le 11 juillet 2013, trois jours après une visite à l’UMP de l’ancien président, au cours duquel ce dernier avait vivement critiqué les ambitions des uns et des autres, l’ancien Premier ministre réplique, lors d’une réunion publique à la Grande-Motte : "Je ne lie pas l’avenir de l’UMP à un homme. L’UMP ne peut pas vivre immobile, congelée, au garde-à-vous,, dans l'attente d'un homme providentiel, chacun a le droit de vouloir servir son pays et chacun aura le droit d'être candidat aux primaires, mais personne ne peut dire ''circulez! il n'y a rien à voir, le recours c'est moi!’". Nul ne le sait encore, mais un combat acharné entre les deux anciens collaborateurs débute. Et au finish, et à la surprise générale, c’est ben l’ancien Premier ministre qui l’emportera face à son ancien collaborateur.


Fillon : "l'UMP ne peut vivre au garde-à-vous"

27 août 2014 : "Sans dévier, je vais suivre ma route. Vous pouvez croire en ma détermination"

A la fin août 2014, tout n’est pas rose pour François Fillon. Certes, il a réussi à avoir la tête de Jean-François Copé, contraint en mai, à l’issue d’un bureau politique très violent pour lui, de quitter la présidence de l’UMP après la déflagration de l’affaire Bygmalion. Le député de Paris est alors, avec Jean-Pierre Raffarin et Alain Juppé, anciens Premiers ministres comme lui, membres d’un triumvirat dirigeant le parti. Mais le retour de Nicolas Sarkozy, effectif moins d’un mois plus tard, ne fait plus guère de doutes. Et pour beaucoup, le candidat naturel de la droite, c’est l’ancien président de la République.

Qu’importe. Lors de sa rentrée politique, dans la Sarthe, son fief, il redit sa volonté d’aller au bout. "Sans dévier, je vais suivre ma route. Vous pouvez croire en ma détermination", lance-t-il à ses fidèles, selon Le Monde. Fidèles parmi lesquels figurent Eric Ciotti, futur soutien de Nicolas Sarkozy, et Valérie Pécresse, qui choisira - in extremis - Alain Juppé.  

Plus tôt, c’est à l’ancien président de la République qu’il avait réservé ses plus belles piques lors de son discours. Sans jamais nommer son meilleur ennemi, il souligne notamment qu’"être de droite", c’est "être droit, respecter la loi, estimer que l'éthique a un sens". Deux ans plus tard, quasiment jour pour jour, le 28 août 2016, il lancera, à quelques kilomètres de là, son désormais célèbre : "Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?", toujours à adresse de Nicolas Sarkozy.

Mais au-delà de l’antisarkozysme, il développe déjà ce qui le mènera à la victoire : le travail et le sérieux. "Nous ne gagnerons pas sur de la tactique, nous ne gagnerons pas sur de l'image, nous ne gagnerons pas sur l'idée de revanche, nous gagnerons sur un projet de vérité, de rupture et de rassemblement", lance-t-il. Son calendrier est déjà tout tracé. Après l’école et l’économie les mois précédents, il dévoilera dans les mois qui viennent ses projets en matière de logement, de numérique, d’emploi, puis de société, sur une période allant jusqu’en février 2015. Une stratégie du marathon gagnante, puisqu’ elle le mènera à la victoire finale.

16 avril 2015 : "Absolument rien, et surtout personne ne me fera changer d'avis. Aucune intimidation ne me fera reculer"

Le 16 avril 2015, François Fillon est dans le creux de la vague. Au mois de novembre 2014, Le Monde affirme que l’ancien Premier ministre a demandé lors d’un déjeuner avec Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Elysée, au pouvoir d’accélérer le cours des affaires judiciaires de Nicolas Sarkozy. Le député de Paris dément avec virulence et dénonce une manipulation de François Hollande, mais son image en pâtit. Un sondage publié au début du mois d’avril le crédite de 6% d’intentions de vote à la primaire de la droite, loin, très loin, des favoris Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Sa victoire est alors si inenvisageable que jamais, au cours de l’année 2015, il ne sera "testé" par les instituts de sondage en vue de l’élection présidentielle.

Mais François Fillon n’en a cure. D’abord parce que le principe de la primaire, un temps remis en cause par le camp sarkozyste, a été définitivement entériné une semaine plus tôt. Ensuite parce que son projet est bouclé et qu’il peut se lancer corps et biens dans la campagne. "Absolument rien, et surtout personne ne me fera changer d'avis. Aucune intimidation ne me fera reculer", explique-t-il à BFMTV.

28 août 2016 : "On ne change pas. Si on change, c'est qu'on est un clown ou un comédien"

Besogneux, François Fillon bat la campagne pendant plus d’un an. Et même s’il est à la traîne dans les sondages, il ne se dépare jamais de cette constance qui, au final, lui confèrera une image de sérieux et de crédibilité. Et qui le mènera à la victoire finale. Le 28 août 2016, à Sablé-sur-Sarthe, il lâche devant des journalistes : "On ne change pas. Si on change, c'est qu'on est un clown ou un comédien". Quelques heures plus tôt, il avait lancé sa petite phrase sur "De Gaulle mis en examen". Ce sera son attaque la plus violente de la campagne, celle qui aura marqué les esprits. Mais l’une des rares aussi.

Car la stratégie de François Fillon, c’est de laisser les querelles de personnes aux autres. De rester au-dessus de la mêlée, de ne se cantonner qu’à la défense de son programme. C’est particulièrement vrai lors de son passage à L’Emission politique, sur France 2, le 27 octobre, et surtout lors des trois débats télévisés d'avant le premier tour. Quand les autres se chamaillent, voire s’écharpent, il avance ses solutions. Quand les manœuvres politiques sont abordées, notamment avec le cas Bayrou, il s’agace. C’est probablement lors de ces trois rendez-vous qu’il construit définitivement sa victoire.

24 novembre 2016 : "Je sens une vague qui se lève"

Sa victoire, François Fillon l’avait acquise en fait dès le premier tour. Avec plus de 44% des voix, il ne pouvait plus être rejoint par Alain Juppé. Et c’est très serein qu’il a abordé l’entre-deux-tours et son rendez-vous le plus attendu, le face-à-face télévisé. "Je sens une vague qui se lève, qui peut être une force magnifique pour donner à la France le progrès et la fierté qu'elle mérite", lance-t-il au moment de conclure la soirée. Un peu plus tôt , au moment d’évoquer son regret majeur de la campagne, il avait lâché sourire aux lèvres : "d'avoir mis autant de temps à convaincre". Il est vrai que le chemin fût long. Sa victoire n’en est que plus belle.