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avec AFP / Crédit photo : Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP (photo d'illustration) , modifié à
Le Parlement a définitivement adopté mardi soir le projet de loi sur l'immigration, 349 députés votant pour et 186 contre, après un vote favorable du Sénat, un épilogue victorieux pour la majorité, mais porteur de lourdes conséquences politiques. Les 32 départements de gauche ont affirmé ne pas vouloir l'appliquer. Suivez notre direct.

Le Parlement a approuvé définitivement mardi la loi sur l'immigration, une victoire parlementaire pour Emmanuel Macron qui ouvre en même temps une profonde fracture au sein de sa majorité, dont une partie s'est détournée d'un texte soutenu à la dernière minute par le Rassemblement national. Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a choisi de démissionner ce mercredi.

Les informations à retenir :

  • L'Assemblée a voté le projet de loi immigration avec 349 voix pour, 186 voix contre
  • Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a démissionné, remplacé par Agnès Firmin-Le Bodo
  • Les 32 départements de gauche n'appliqueront pas la loi immigration, notamment concernant l'allocation d'autonomie
  • La ministre de la Culture Rima Abdul Malak a démenti mercredi sur son compte Instagram des rumeurs de démission la concernant

Allocation d'autonomie : les 32 départements de gauche n'appliqueront pas la loi immigration

Les 32 départements de gauche n'appliqueront pas le durcissement des conditions de versement aux étrangers de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) prévu par la nouvelle loi immigration, qualifiée d'"injuste" et "inefficace", ont-ils annoncé mercredi à l'AFP.

"Nous, présidentes et présidents de départements de gauche, refusons l'application du volet concernant l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) de cette loi inspirée par l'extrême-droite, portée par un exécutif qui prétendait incarner la modération et qui n'est désormais plus que l'illustration de la compromission", ont-ils déclaré dans un communiqué.

Rima Abdul Malak dément des rumeurs de démission la concernant

La ministre de la Culture Rima Abdul Malak a démenti mercredi sur son compte Instagram des rumeurs de démission la concernant à la suite de l'adoption du projet de loi controversé sur l'immigration. "Contrairement aux rumeurs qui ont circulé, je n'ai pas envisagé de démissionner du gouvernement. Ma détermination à poursuivre mes combats est totale", écrit la ministre dans un long texte publié sur Instagram.

"Au nom des larmes de mes parents quittant leur Liban natal, au nom de cette France qu'ils ont choisie pour sa devise de Liberté, Egalité, Fraternité, que je ne cesserai jamais de défendre et de servir, vous me trouverez encore rue de Valois tant que le président de la République et la Première ministre m'accorderont leur confiance prête à poursuivre ces justes combats", ajoute-t-elle.

Des départements de gauche refusent de restreindre l'allocation autonomie

La fronde contre la loi immigration monte au niveau local : plusieurs départements dirigés par la gauche, dont la Seine-Saint-Denis, ont annoncé mercredi qu'ils n'appliqueraient pas le durcissement des conditions de versement aux étrangers de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). À la mi-journée, les départements de la Seine-Saint-Denis et du Lot ont publiquement annoncé qu'ils refusaient d'appliquer la "préférence nationale" prévue selon eux par la loi controversée adoptée mardi à l'Assemblée nationale avec les voix du Rassemblement national. Le département de la Gironde a également indiqué dans l'après-midi à l'AFP suivre la même ligne de conduite.

"Je mettrai tout en œuvre pour que le Département soit un bouclier républicain face à la préférence nationale. Tous les habitants de Seine-Saint-Denis méritent la solidarité et l'humanité. D'où qu'ils viennent. Nous continuerons de verser l'APA aux étrangers en situation régulière", a déclaré sur X le socialiste Stéphane Troussel, qui dirige le conseil départemental de ce territoire de banlieue parisienne qui compte une part importante de personnes issues de l'immigration.

La loi immigration transmise au Conseil constitutionnel dès ce mercredi par Emmanuel Macron

Le président Emmanuel Macron va transmettre dès ce mercredi au Conseil constitutionnel le projet de loi Immigration adoptée la veille à l'Assemblée nationale, conformément à son engagement, a annoncé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

Il s'agit de demander aux Sages de "statuer sur la conformité de tout ou partie de cette loi à notre Constitution", a précisé le ministre, alors que la crise politique est ouverte dans la majorité. La Première ministre Élisabeth Borne a reconnu dans la matinée que certaines mesures étaient inconstitutionnelles et que le texte "serait amené à évoluer".

Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau démissionne

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a confirmé mercredi la démission du ministre de la Santé Aurélien Rousseau, "absent ce matin au conseil des ministres", remplacé "en interim" par l'actuelle ministre déléguée chargée des professions de santé Agnès Firmin Le Bodo. "Il n'y a pas de mouvement de fronde ministérielle", a assuré Olivier Véran, lors du compte-rendu du conseil des ministres, au lendemain du vote au Parlement du projet de loi Immigration vivement critiqué par la gauche et applaudi par la droite et l'extrême droite.

Aurélien Rousseau, 47 ans, avait été nommé ministre de la Santé il y a tout juste cinq mois, le 20 juillet, succédant au médecin urgentiste François Braun. Il était auparavant directeur de cabinet d'Elisabeth Borne à Matignon. Agnès Firmin Le Bodo, 55 ans, pharmacienne et membre du parti Horizons d'Edouard Philippe, était jusqu'à présent ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé depuis juillet 2022.

349 voix pour, 186 voix contre

Après 18 mois de revirements et rebondissements autour de ce projet de loi inflammable, l'Assemblée l'a voté avec 349 voix pour et 186 voix contre, sur 573 votants, LR et RN joignant leurs voix à celle de la majorité. Cette dernière s'est divisée : 59 voix lui ont manqué, sur 251 députés, entre votes contre et abstentions. Le Sénat, dominé par la droite et le centre, avait adopté par 214 contre 114 le texte issu des longues et douloureuses tractations de la Commission mixte paritaire, conclave de sept sénateurs et sept députés dominé par la droite.

Sur X, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est félicité de l'adoption d'un texte "fort et ferme", "sans les voix des (88) députés RN". "La majorité a fait bloc, la manoeuvre du RN a échoué", a estimé de son côté la Première ministre Elisabeth Borne, semblant passer outre la défection de près du quart de ses députés. Elle doit s'exprimer mercredi matin sur France Inter, alors qu'Emmanuel Macron doit lui aussi parler dans la journée, possiblement à la télévision.

Borne dit avoir le "sentiment du devoir accompli" 

Élisabeth Borne a "le sentiment du devoir accompli" mercredi, au lendemain de l'adoption du projet de loi immigration "sans les voix du Rassemblement national". "On voulait faire voter un texte sur des mesures utiles, efficaces, attendues par nos concitoyens, avec deux objectifs : éloigner plus rapidement, plus efficacement ceux qui n'ont pas le droit d'être en France et mieux intégrer ceux que nous choisissons d'accueillir", a-t-elle déclaré sur France inter. "Je ne tiens pas compte des voix du Rassemblement national. Sans ces voix, ce texte a été adopté", a-t-elle insisté.

La Première ministre a aussi reconnu mercredi que des mesures de la loi sur l'immigration votée mardi soir étaient probablement inconstitutionnelles et a estimé que le texte "serait amené à évoluer" après l'examen du Conseil constitutionnel saisi par le président de la République. "Il peut y avoir des dispositions" sur lesquelles "on a fait part de nos doutes aux Républicains", a-t-elle souligné, n'excluant pas non plus de devoir "revenir" sur certaines mesures, comme les aides personnalisées au logement ou la caution pour les étudiants étrangers.

Une "écœurante victoire" pour Jean-Luc Mélenchon

Le chef de file de la France Insoumise (gauche radicale), Jean-Luc Mélenchon, a de son côté dénoncé une "écœurante victoire" acquise au contraire grâce aux voix de l'extrême droite. "Un nouvel axe politique s'est mis en place", a-t-il réagi sur X.

Le texte aurait en effet été tout de même adopté si les parlementaires d'extrême droite s'étaient abstenus. Le résultat aurait en revanche été différent s'ils avaient voté contre. 

Dans l'hémicycle, Gérald Darmanin a vanté un texte méritant d'être voté "pour la protection des Français", pour la "régularisation des travailleurs sans papiers", "pour la simplification de notre droit". Il s'en est pris avec virulence à la gauche, l'accusant d'avoir trahi la "morale" en "quémandant les voix du RN" - une manière de prendre sa revanche sur la Nupes, dont la motion de rejet, votée par la droite et le RN, avait brutalement mis fin aux débats sur ce texte la semaine dernière dans l'hémicycle de l'Assemblée. Plongeant la macronie dans des tractations de la dernière chance avec la droite.

Une "victoire idéologique" affirme le RN

Gérald Darmanin a aussi vivement attaqué le RN, qui a décidé en dernière minute de voter pour le projet de loi, l'accusant de faire un "petit coup" politique pour mettre dans l'embarras la majorité, alors qu'il l'avait jusqu'à présent rejeté.

La gauche elle n'a eu de cesse de pointer dans le texte "une loi directement inspirée du programme de Jean-Marie Le Pen", le fondateur du Front national : "préférence nationale dans les prestations sociales, déchéance de nationalité, remise en cause du droit du sol", a énuméré la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot. Le RN a applaudi ces prises de parole dans l'hémicycle, se réjouissant de sa "victoire idéologique", comme avait dit Marine Le Pen plus tôt dans la journée.

"Ce soir, si les députés du Rassemblement national votaient contre, ce texte ne passait pas contrairement aux mensonges proférés par M. Darmanin. C'est une victoire totale des idées défendues par Marine Le Pen", s'est félicité le député d'extrême droite Jean-Philippe Tanguy.

La cheffe des députés écologistes Cyrielle Chatelain a elle fustigé Emmanuel Macron qui "a enterré le dépassement". "Il a trahi ses électeurs. Le seul mandat donné au président était de faire barrage à l'extrême droite et il a permis d'inscrire ses idées dans la loi", s'est-elle insurgée.

Crise au sein de l'exécutif

Dans cette atmosphère pesante, les membres du gouvernement se retrouveront pour un Conseil des ministres à l'Élysée mercredi matin. Allié historique du chef de l'État, le président du MoDem, François Bayrou, avait en début de soirée fait savoir qu'il "n'acceptera(it) pas" un texte sur l'immigration "revendiqué" par le RN, selon des sources concordantes. Son groupe s'est finalement divisé lors du vote.

"Ca va laisser des traces. Et pas qu'au Parlement. Je pense qu'on ne se rend pas encore compte des répercussions. Des collègues ont craqué physiquement (...) Ne pas tirer les leçons de l'épisode qu'on vient de vivre ce serait difficile", glissait après le vote une cadre de la majorité.

Le président des LR, Eric Ciotti, se félicitant d'une "victoire historique pour la droite", a appelé la majorité "en crise", à "tenir compte" du fait que les Républicains avaient permis "sur le fond et la forme l'adoption de ce texte". "Qu'elle comprenne enfin que le en même temps est une impuissance". "On est dans la main du RN, on a perdu sur tous les tableaux" et Marine Le Pen "a tout gagné", s'exaspérait une députée Renaissance.