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Marion Gauthier et Isabelle Ory, édité par Gauthier Delomez avec AFP
La tension continue de monter entre la Pologne et la Biélorussie, qui pousse des milliers de migrants à traverser la frontière entre les deux pays. Sur place, on redoute la découverte de nombreux cadavres dans une forêt piégeuse, au milieu de la zone de conflit. L'Union européenne soupçonne des pays tiers, comme la Russie, d'être impliqués.
REPORTAGE

La situation n'est toujours pas résolue. La Biélorussie pousse des milliers de migrants à entrer en Pologne depuis lundi. Varsovie continue de développer son dispositif militaire à la frontière, alors qu'entre 3.000 et 4.000 migrants se trouveraient dans la zone. Ces derniers sont forcés d'avancer par les gardes-frontière biélorusses, puis stoppés quelques mètres plus loin par les barbelés et les soldats polonais. Une crise migratoire que l'Union européenne attribue au président biélorusse Alexandre Loukatchenko, mais aussi à d'autres pays, dont la Russie. Sur place, l'envoyée spéciale d'Europe 1 a recueilli plusieurs témoignages sur une situation qui semble intenable.

"Je ne sais pas combien de cadavres on va découvrir"

Entre les gardes-frontière et les barbelés, une forêt qui est devenue un piège de verdure. "On a peur d'y rentrer et de voir ce qu'on va trouver !", affirme Anna Blumstain, une enseignante, au micro d'Europe 1. Le regard grave, cherchant ses mots, elle se rappelle son dernier aller-retour à la frontière, fin octobre, pour prêter main forte à des associations.

"Dans cette forêt, qui est la deuxième forêt primaire d'Europe, j'avais à 2 heures du matin un sentiment d'absurdité", explique l'enseignante. "Le plus grand problème, c'est l'eau. Les gens sont souvent blessés, malades, affaiblis... Je ne sais pas combien de cadavres on va découvrir dans cette forêt, mais c'est dramatique", assure-t-elle. Les températures chutent d'ailleurs de jour en jour, laissant craindre une hécatombe. Un groupe d'ONG demande de laisser accéder à la "zone d’état d’urgence", interdite depuis des semaines, une aide médicale et humanitaire.

Des pays tiers soupçonnés d'orchestrer la crise migratoire

L'Union européenne voit dans cette tension entre les deux pays une guerre hybride, avec des hommes et des femmes instrumentalisés par le régime de Minsk. Pour la Commission européenne, d'autres pays sont aussi impliqués. Elle a dégainé une liste d'une trentaine d'États sous surveillance, dans laquelle figurent notamment la Russie, la Syrie, la Turquie et le Venezuela. Des vols vers la Biélorussie partent de ces pays, explique Bruxelles. La Pologne accuse d'ailleurs Vladimir Poutine d'orchestrer cette crise migratoire.

Dans certains cas, les autorités locales sont impliquées. Dans d'autres, les départs de migrants s'organisent, sans doute à leur insu. Les Biélorusses agissent de manière "très sophistiquée", raconte un diplomate à Europe 1. Ils ont des relations dans le monde entier, et se réorganisent sans cesse. La commissaire européenne chargée de ce dossier, Ylva Johansson, a précisé que les candidats à la migration étaient attirés sur place de toute bonne foi, via des agences de voyage. "Ce que nous voyons, c'est un régime illégitime et désespéré qui invite des gens en leur faisant miroiter un accès facile et sûr à l'Union européenne", affirme-t-elle sur Europe 1.

"Ces gens doivent payer beaucoup d'argent. On les aide à arriver à la frontière. Et là, l'attitude des hommes en tenue militaire change. Ils les poussent sans leur laisser la possibilité de revenir en arrière", précise la commissaire européenne. L'UE cherche la parade pour trouver une issue à ce conflit. La Commission va envoyer des émissaires dans certains pays de transit. Les Vingt-Sept vont également durcir leurs sanctions contre la Biélorussie, comme le demande notamment l'Allemagne, et ils vont, dans les prochains jours, cibler les compagnies aériennes et les agences de voyage soupçonnées de participer à l'opération du président biélorusse Alexandre Loukachenko.