Paris reprend la main dans le dossier du nucléaire iranien, au risque de fâcher ses alliés

En invitant un ministre iranien en marge du G7, Emmanuel Macron a tenté de reprendre la main dans ce dossier.
En invitant un ministre iranien en marge du G7, Emmanuel Macron a tenté de reprendre la main dans ce dossier. © Michel Spingler / POOL / AP / AFP
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Jean-Rémi Baudot, avec Margaux Baralon , modifié à
En marge du G7, le ministre des Affaires étrangères iranien s'est entretenu avec Jean-Yves Le Drian et Emmanuel Macron au sujet du nucléaire. Des échanges fructueux, à en croire les deux parties, mais qui pourraient laisser un goût amer aux autres délégations.
ON DÉCRYPTE

Sa venue a bousculé un G7 déjà soumis à toutes les turbulences. Dimanche après-midi, le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, a atterri à Biarritz, à l'invitation de Paris. Il en est reparti en début de soirée. Un coup de théâtre qui a surtout montré une chose : la France est bien décidée à reprendre le leadership dans ce dossier. Avec le risque de froisser les Etats-Unis bien sûr, mais aussi ses autres alliés, laissés sur la touche.

Trois heures d'entretien, dont 30 minutes avec Macron

Que s'est-il passé, ce dimanche après-midi, après l'atterrissage de Mohammad Javad Zarif ? Un entretien de trois heures, à la mairie de Biarritz, avec son homologue français, Jean-Yves Le Drian. Mais le ministre iranien a également pu voir Emmanuel Macron pendant une trentaine de minutes, selon l'Élysée, ainsi que le ministre des Finances, Bruno Le Maire, comme le montrent des photos postées sur Twitter.

Des deux côtés, on se dit très contents de cette entrevue. "Le chemin est difficile, mais ça vaut la peine d'essayer", a souligné Mohammad Javad Zarif, toujours sur le réseau social. L'Élysée a salué des discussions "positives" qui "vont se poursuivre". Très clairement, Paris espère prendre la main sur ce dossier, profitant des brèches laissées par les autres membres du G7. Les Etats-Unis sont hors-jeu de facto, puisque c'est entre Washington et Téhéran que le torchon brûle depuis que Donald Trump a décidé de réintroduire de nouvelles sanctions à l'encontre de l'Iran.

Paris veut prendre le dossier en main...

Mais les autres puissances du G7 auraient aussi du mal à jouer la médiation. Ni le Japon, ni le Canada n'ont le poids géopolitique pour. Du côté de l'Allemagne, la chancelière Angela Merkel apparaît d'ores et déjà sur le départ, même si son mandat se termine en 2021. Le Royaume-Uni est empêtré dans le Brexit, tandis que l'Italie s'enfonce également dans une crise politique à l'issue incertaine.

Dans ce contexte, Emmanuel Macron est le mieux placé, et il le sait. "Il est plutôt en position de force", analysait l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin dans le JDD ce dimanche. "Il apparaît comme ayant les moyens de son action. C'est l'homme qui n'est en guerre avec personne, donc celui avec lequel tout le monde peut parler." L'occasion rêvée, pour le président français, de pousser sa vision des relations internationales, fondée sur le multilatéralisme. L'Iran ne s'y est d'ailleurs pas trompé, Mohammad Javad Zarif dénonçant sur Twitter les "efforts des Etats-Unis pour détruire la diplomatie" et appelant à "préserver le multilatéralisme". 

...au risque de froisser ses alliés ?

La partie reste difficile à jouer. En conviant le ministre iranien des Affaires étrangères, le gouvernement français n'a-t-il pas court-circuité le G7 organisé sur ses terres ? Paris assure que ses partenaires européens ont été "informés". Des conseillers diplomatiques allemands et britanniques ont même été ponctuellement associés aux discussions avec l'Iran. L'Élysée affirme aussi que Donald Trump a bien été prévenu, en toute transparence. Et les diplomates français d'enfoncer le clou : le principe de l'invitation a, selon eux, été acté dès samedi soir, lors du dîner d'accueil du sommet.

Pourtant, beaucoup s'interrogent. En coulisses, Angela Merkel dit avoir été informée au dernier moment. Même tonalité du côté de Donald Trump, qui s'est contenté d'un "no comment" lorsqu'il a été interrogé sur la venue de l'émissaire iranien. 

Sur le fond, un dossier toujours explosif

Sur le fond du dossier iranien, le flou demeure. Et la perspective d'arriver à convaincre les Etats-Unis de relâcher la pression sur Téhéran reste lointaine. Si, dimanche, Emmanuel Macron a cru pouvoir annoncer l'accord des sept partenaires, Washington compris, pour parler à Téhéran d'une même voix, Donald Trump l'a rapidement contredit. "Je n'ai pas discuté de cela", a-t-il répliqué dans les deux heures, obligeant le président français à préciser qu'il n'avait pas de "mandat officiel" du G7 pour discuter avec l'Iran. 

Finalement, seuls deux points ont fait l'unanimité parmi les Sept : "Nous ne souhaitons pas que l'Iran se dote de l'arme nucléaire" d'une part, selon une source diplomatique citée par l'AFP. Et enfin, "personne ne souhaite la déstabilisation de la région ni l'escalade, afin d'éviter un conflit militaire".