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Pour l’historien Benjamin Stora, spécialiste du Maghreb, la mobilisation contre un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika déborde largement des rangs de la jeunesse étudiante. Elle concerne désormais aussi les classes populaires et les professions libérales.
ON DÉCRYPTE

De l’autre côté de la Méditerranée, la mobilisation continue de prendre de l'ampleur. En Algérie, des dizaines de milliers de personnes sont descendues vendredi dans les rues d'Alger, d'Oran, de Tizi Ouzou ou encore d'Annaba pour dire non au cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika.

Si la majorité des rassemblements étaient plutôt pacifistes, ils ont toutefois donné lieu à quelques affrontements dans la capitale, à proximité du Palais de la Présidence. Selon le bilan officiel, 56 policiers et 7 manifestants ont été blessés, et 45 personnes arrêtées à Alger.

Une gronde qui s'élargit. C'est une démonstration de force réussie explique Benjamin Stora, historien spécialiste du Maghreb contemporain. "La mobilisation a été bien plus importante que la semaine dernière. Il y a eu beaucoup plus de monde et dans plus de villes d’Algérie, c’est-à-dire qu’elle s’est étendue dans l’espace urbain algérien", relève-t-il. "Il s’agit donc d’une mobilisation qui monte en puissance et qui ne faiblit pas."

"Ce qui est également remarquable et significatif, c’est qu’à la jeunesse qui avait déjà manifesté massivement la semaine dernière, ce sont ajoutés les familles et des quartiers entiers", pointe ce spécialiste. "On a par conséquent une manifestation regroupant différentes catégories de la société algérienne […], pas seulement des déclassés mais aussi des professions libérales, des avocats, des médecins, des journalistes, des étudiants, etc."

L'attentisme de la France. Jusqu'ici, la France est restée très silencieuse face à ces manifestations algériennes, se contentant d'observer la situation. Pour Benjamin Stora, l’histoire des relations franco-algériennes justifie en partie cette attitude. "Pour la France, qui est l’ancienne puissance coloniale, il y a la volonté de ne pas s’ingérer, de ne pas rentrer dans les affaires intérieures de l’Algérie, ce qui serait très mal vécu par les Algériens eux-mêmes", insiste-t-il.

"Il y a cet attentisme politique, classique, ce qui ne signifie pas que beaucoup d’organisations en France ne manifestent pas leur soutien ou leur solidarité avec les Algériens. Mais on ne voit pas non plus, du côté de la société civile, des manifestations de soutien à la jeunesse algérienne qui manifeste aujourd'hui", déplore-t-il.