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Algérie : "Ces manifestations expriment les frustrations économiques et sociales causées par des décennies de mauvaise gouvernance"

Algérie : "Ces manifestations expriment les frustrations économiques et sociales causées par des décennies de mauvaise gouvernance"

La Carte blanche de Catherine Nay
02 mars 2019 Épisode · Politique
Description de l'épisode

Ce samedi, Catherine Nay décrypte le mouvement de manifestations algériennes contre un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika.


Bonjour Catherine,

Bonjour Bernard, bonjour à tous.

Des dizaines de milliers d'Algériens ont manifesté hier dans tout le pays. A Alger, la manifestation était bien supérieure à celle de la semaine passée. C'est l'annonce, le 10 février, d'une nouvelle candidature du Président Bouteflika qui a déclenché cette contestation d'une ampleur inédite. Du jamais vu !

Oui, cette perspective a fait jaillir l'étincelle. Et la mobilisation s'est faite, en dehors des partis, sans leader, dans un pays où la moitié de la population a moins de 30 ans. Pour eux, c'est une humiliation terrible. Tout de même, il faut oser demander au pays de réélire un Président qui n'a plus été vu en public depuis trois ans. Victime d'un AVC en 2013, c'est un handicapé muet, cloué sur un fauteuil roulant. Ces derniers jours, il était en Suisse pour des examens médicaux. Est-il revenu ? Est-il même maître de cette décision ou le jouet d'un système et d'un clan corrompu, avec des oligarques qui se sont enrichis grâce à la commande publique ?

Ces manifestations, baptisées "journée de la dignité retrouvée", expriment les frustrations économiques et sociales. En cause, des décennies de mauvaise gouvernance. Ces dernières années, avec la chute du prix du pétrole, le gouvernement a fait marcher la planche à billets. 20% du PIB comme axe salvateur du pays. Résultat : une inflation qui grimpe : 10%. Le dinar qui n'en finit pas de chuter et le pouvoir d'achat baisse.

Le clan Bouteflika a demain jusqu'à minuit pour déposer le dossier de candidature devant le Conseil Constitutionnel.

Oui, et l'article 139 du Code électoral exige que le candidat présente un certificat médical délivré par des médecins assermentés. Qui va faire ce certificat ? Et les Sages, tous nommés par le pouvoir, vont-ils valider cette candidature ? Si le clan au pouvoir passe en force, les manifestations risquent de repartir. Jusqu'ici, il n'y a pas eu de violences. Mais demain ? Est-ce que l'armée pourrait tirer sur les jeunes, comme en 1988, où il y avait eu plus de 500 morts ?

En 2014 déjà, pour faire passer la pilule du 4ème mandat, le pouvoir avait, outre la fraude électorale, grassement payé ses relais : logements gratuits, on offrait aussi aux jeunes chômeurs une prime de création d'entreprise de 30.000 euros, sans aucun contrôle. Mais à l'époque, les fonds de réserve de change, issus du pétrole - plus de 200 milliards - autorisaient ces largesses. Aujourd'hui, elles ont fondu : 85 milliards. Ce pays n'existe que par ses exportations de pétrole et de gaz. Ses dirigeants ont été incapables de créer une économie sociale de marché, alors que ce pays bouillonne d'envies.

Quelques entreprises privées créent des emplois et personne ne les aide à exporter. La production agricole ne suit pas l'explosion démographique. 800.000 naissances par an. Il y a 40 millions d'Algériens, ils étaient 9 millions au moment de l'indépendance. Dans ce pays, il faut tout rebâtir. Mais avec qui ?

Ce mouvement pourrait-il bénéficier aux Islamistes.

Ce ne sont pas eux qui sont derrière. Pourraient-ils le récupérer ? Ils n'ont pas de leader. Le traumatisme de la guerre civile et ses 200.000 morts au début des années 1990 a marqué au fer rouge toutes les familles. En organisant La Concorde, Bouteflika interdisait par la loi aux victimes de dénoncer leurs assassins et de réclamer réparation. Les Islamistes, on leur a donné du boulot, dans l'enseignement. Ce qui fait des ravages. Ce qu'ils ont perdu par les armes, ils l'ont gagné dans les cerveaux. On lit le Coran tous les jours à l'école primaire. Bouteflika a fait construire à Alger, par les Chinois, la plus grande mosquée du monde arable après l'Arabie Saoudite. Coût : 4 milliards de dollars, l'équivalent de plusieurs hôpitaux modernes et de logements qui manquent tant à la population.

Et la France, dans tout ça ? Il y a un lien particulier entre nos deux pays.

"Ni ingérence, ni indifférence", dit-on au Quai d'Orsay. Bien sûr, le dossier est une priorité absolue pour l'Elysée. On marche sur des œufs, car ne rien dire est-ce soutenir en douce le régime, ou une prise de position est-elle une ingérence de l'ex-colonisateur ? Quand Benjamin Griveaux dit : "C'est au peuple algérien, et à lui seul, qu'il convient de choisir", le pouvoir peut comprendre que Paris soutient la rue. Surtout, ne pas jeter de l'huile sur le feu à un moment où le mouvement n'en est qu'à ces débuts. Sauf retournement : si Bouteflika renonçait. Mais là, on rêve.

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