Au Venezuela, "les gens viennent à l'hôpital pour mourir"

Venezuela, Caracas, hôpital, Sébastien Krebs/Europe 1, 1280
"Là, j'ai trois ou quatre patients qui ont besoin d'antibiotiques très forts. Ils sont en train de mourir. Les gens viennent à l'hôpital pour mourir", témoigne un interne de l'hôpital de Caracas. © Sébastien Krebs/Europe 1
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Sébastien Krebs à Caracas, avec G.D. , modifié à
La crise politique et humanitaire au Venezuela a de graves conséquences pour la population, qui n'a plus les moyens de se soigner, car il n'y a plus de médicaments.
REPORTAGE

L'hôpital de Caracas est à terre. Il est aux trois quarts vide, les couloirs sont déserts, les blocs opératoires presque à l'abandon, les laboratoires d'analyses fermés, la radiologie à l'arrêt… L'aide soignante qui a fait visiter les lieux à Europe 1 a ouvert les portes de la réserve, dans laquelle les étagères sont dépourvues du moindre médicament.

"Il n'y a plus rien." En cardiologie, Martha est au chevet de son mari, malade du cœur et diabétique, sans traitement. "Ça fait six mois qu'il n'a pas eu d'insuline. On n'en trouve plus nulle part dans le pays. Il n'y a plus rien, plus de médicaments, plus de nourriture. Ce grand hôpital qui s'effondre comme ça… Non, ça ne peut pas aller bien", se lamente-t-elle, les larmes aux yeux, folle d'inquiétude pour son mari. C'est elle, comme toutes les familles de patients, qui doit batailler pour tenter de trouver elle-même les médicaments et le matériel nécessaire aux soins (seringues, alcool, gants). L'hôpital ne fournit plus rien, plus d'antibiotiques, plus d'antidouleurs, rien contre l'hypertension… Et au marché noir, tout s'arrache à des prix exorbitants. Et certains s'enrichissent de la crise.

Nous n'avons même plus le plus basique pour traiter une simple diarrhée.

S'il n'y a plus de médicaments dans cet hôpital, il y a toujours des médecins qui donnent tout ce qu'ils peuvent pour leurs patients mais partagent le même désarroi. "Je n'ai pas grand-chose à offrir", témoigne cet interne. "Juste un lit, et toute mon attention." "Nous n'avons même plus le plus basique pour traiter, par exemple, une simple diarrhée. À chaque fois qu'un patient arrive ici, je lui dis 'Ça, nous n'en avons pas, ça non plus…' Là, j'ai trois ou quatre patients qui ont besoin d'antibiotiques très forts. Ils sont en train de mourir. Les gens viennent à l'hôpital pour mourir, c'est ça la réalité." Il n'y a même plus de quoi nettoyer l'hôpital, les infections se multiplient.

"On pense que quatre millions de personnes ont besoin de traitements." Le Venezuela est entièrement dépendant des importations mais l'État n'a plus les moyens d'acheter les médicaments venus de l'étranger. Il y a des ONG, qui tentent de prendre le relais, de rassembler quelques dons pour les redistribuer. Mais impossible de répondre à la demande. "On arrive à aider environ 1.000 personnes par mois, mais on reçoit le double d'appels à qui on ne peut pas répondre", explique Feliciano Reyna, l'un de ces responsables. "C'est incessant. On pense que quatre millions de personnes ont besoin de traitements. Imaginez l'ampleur du problème… Et l'État en est le responsable."

Ce que pointent les associations, c'est le fait que le gouvernement refuse toujours l'entrée de toute aide humanitaire étrangère, que ce soit en médicaments ou en nourriture. Le camp Maduro considère que ce serait de l'ingérence. Ce serait surtout reconnaître l'existence d'une crise, qu'il continue de nier.