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Chaque jour, la matinale d'Europe 1 revient sur l'un des événements sportifs qui fait l'actualité. Ce jeudi, Virginie Phulpin revient sur la courageuse décision de la WTA de suspendre tous ses tournois en Chine jusqu’à nouvel ordre, suite à l’affaire Peng Shuai.

La WTA a frappé fort hier soir. L’instance qui gère le circuit de tennis féminin suspend tous ses tournois en Chine jusqu’à nouvel ordre. Cette décision fait suite à l’affaire Peng Shuai. 

On se plaint suffisamment à longueur d’année des errements moraux des instances du sport international, parfois prêtes à sacrifier tous leurs principes sur l’autel du business, pour ne pas s’incliner devant la droiture de la WTA. C’est un geste fort que vient de faire son président, Steve Simon. Il n’y aura pas de tournoi de tennis féminin en Chine en 2022, et jusqu’à nouvel ordre. « Je ne vois pas comment demander à nos athlètes de participer à ces tournois alors que Peng Shuai n’est toujours pas autorisée à communiquer librement » explique-t-il. Je vais rappeler rapidement les faits, vu que l’histoire a un peu disparu des radars après avoir enflammé le monde entier. La joueuse a accusé de viol un ancien haut dignitaire chinois, puis elle a disparu pendant des jours, avant de réapparaître dans des opérations de communication savamment orchestrées par Pékin. Mais elle n’a jamais pu parler librement, sans surveillance rapprochée, et il n’y a toujours pas d’enquête sur ses accusations.

La WTA aurait pu s’indigner à bon compte, et continuer ses affaires avec la Chine après avoir montré patte blanche. On a l’habitude de ce genre de posture. Là, au contraire, Steve Simon va jusqu’au bout. Suspendre les tournois en Chine, ça n’est pas exactement rien. Il y en a une dizaine chaque année, et c’est à peu près la moitié des revenus de la WTA. Comme le souligne Andy Roddick, bien agir quand ça ne coûte rien, c’est facile. Là, ça coûte beaucoup d’argent, et le geste a encore plus de valeur. 

Est-ce que les autres instances du sport mondial vont suivre le mouvement ?

 

La digne décision de la WTA jette une lumière encore plus crue sur les turpitudes morales des autres. Je vous rappelle que le CIO, le comité olympique, a quand même joyeusement participé à l’opération de com de la Chine. Le président Thomas Bach a dialogué par visio avec une Peng Shuai absolument pas libre de dire ce qu’elle voulait, circulez il n’y a rien à voir, tout va bien je vous assure. A deux mois des jeux olympiques de Pékin, je ne m’avance pas beaucoup en disant que le CIO va continuer à regarder ailleurs.

En revanche, on attend maintenant une réaction de l’ATP, l’instance qui gère le tennis masculin. Parce que la WTA ne peut pas être seule à lutter quand même. Ca reviendrait à dire que l’affaire Peng Shuai est une affaire de femmes. Qu’elles règlent ça entre elles, en gros. Non. Messieurs de l’ATP, on vous regarde, ayez le courage de la WTA. Steve Simon a montré la voie, suivez-le. Oui, ça coûte de l’argent. Mais parfois il faut savoir payer le prix de la dignité. Et à moyen terme, pas sûr que vous soyez perdants.