3:22
  • Copié

Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Ce matin, une histoire de chèvres qui a mis une petite commune de la Loire à feu et à sang et qui se termine devant les tribunaux.

Les lecteurs du Progrès, le quotidien régional qui couvre l’actualité locale ont suivi comme un feuilleton, en décembre 2021, ce qu’on a alors appelé l’affaire des chèvres de Lorette, petite ville de 4700 habitants à une vingtaine de km de Saint-Etienne. Je dois vous dire que moi-même, qui y passais alors des vacances dans le Forez, je n’en ai pas raté un épisode.

Il était une fois, à Lorette, un troupeau d’une douzaine de chèvres sauvages et de leur bouc qui avait pris ses aises sur le flanc d’une colline escarpée. Des chèvres sans maître, qui venaient d’on ne sait où...

Des chèvres qui ont vite commencé à devenir envahissantes.

Les chèvres, ça bouffe tout. Elles se sont attaquées au cimetière en contrebas de leur colline. Fleurs massacrées, plantes mastiquées, tombes dégradées. Ca a duré deux ans comme ça. Elles se sont fait des ennemis dans les familles en deuil, ont même renversé quelques dames. Les Lorettois furieux se plaignaient au maire de la commune, Gérard Tardy.

Le maire a tenté de trouver une solution.

Une ferme pour accueillir les caprins. Chou blanc, personne ne voulait de ces biquettes ensauvagées. Il dit alors contacté la SPA, qui lui a dit n’avoir pas de solution... Les services de l’Etat qui n’auraient pas plus répondu. Le maire, pas du genre à ménager la chèvre et le chou, a alors sorti l’artillerie lourde et pris un arrêté municipal. Il a demandé à la société de chasse locale d’organiser une battue pour se débarrasser des chèvres.

Et tout est parti en vrille.

Les chasseurs ont abattu neuf chèvres, les associations de défense des animaux s’en sont mêlées, outrées, pour sauver celles qui restaient. Elles ont organisé des rassemblements autour du cimetière. Elles ont ensuite tenté de leurrer les chèvres avec du foin pour les attirer dans un endroit dégagé pour les endormir avec des seringues hypodermiques avant de les déplacer, sans succès. Tout ça s’est envenimé. La préfecture a annulé l’arrêté d’abattage, Il y a eu des altercations, des insultes, des menaces de mort. Pour une douzaine de chèvres, la commune a fini par ressembler au village d’Asterix un jour de marché au poisson, pro-chèvres, anti-chèvres. Zizanie totale.

Et ça se termine devant le tribunal correctionnel de Saint-Etienne

Les défenseurs des animaux ont porté plainte. Comparaissent cinq chasseurs et le maire, qui est accusé de complicité d’atteinte volontaire sur la vie d’un animal domestique  ou apprivoisé ( car une chèvre sur la troupe avait une bague), abattage en dehors d’un abattoir et mise à mort d’animaux sans précaution pour leur éviter de souffrir. La procureure, qui qualifie le maire de “ sheriff” de Lorette” a requis 5000 euros d'amende dont 2000 avec sursis.

Epilogue de la saga des chèvres de Lorette. Peut-être, pas si sûr: le maire n’en démord pas, il n’est pas un bourreau des chèvres, il a fait ce qu’il fallait pour protéger ses administrés, et il refuse, vous l’avez compris, de faire figure de bouc émissaire.