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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Ce week-end a eu lieu dans la vallée de la Maurienne une manifestation interdite contre le tunnel de la future ligne ferroviaire Lyon-Turin. Et on a entendu, parmi les arguments, qu’ il existe une alternative au creusement du tunnel. Il suffirait de rénover un ouvrage existant pour faire passer le fret.

Vous connaissez la loi de Brandolini? On l’appelle aussi la loi de l’assymétrie des baratins.  Elle dit que le temps et l’énergie nécessaires à réfuter une ânerie sont infiniment supérieurs au temps et à l’énergie nécessaires pour diffuser cette ânerie. ... Avec un temps et une énergie limités, je vais me concentrer sur cette fausse information dite du “ tunnel existant”

De quel tunnel parle-t-on ?

On parle du tunnel sous le Mont-Cenis, sur la ligne historique qui relie Dijon à Modane en France puis  à Turin en Italie, via st Jean de Maurienne. C’est devenu une rengaine : on n’a qu’à utiliser cette ligne plutôt que d’en construire une nouvelle très coûteuse.

Selon Jean-Luc Mélenchon, “Il y a déjà une voie ferrée qui assure la liaison Lyon-Turin et qui vient d'être modernisée”.

Ah oui !La voie existe, mais elle est hors d’âge et les derniers travaux ont 14 ans. Selon Cyrielle Châtelain la présidente du groupe écologiste à l’assemblée, qui était à la manif interdite, c’est même le Conseil d’orientation des infrastructures, une émanation du ministère de l’Ecologie, qui souhaiterait arrêter le nouveau tunnel, et privilégier cette ligne. Deux inventions en une phrase, tout cela est totalement imaginaire.

Qu’en est-il réellement de ce tunnel du Mont-Cenis ?

Le tunnel du Mont Cenis est un tunnel d’altitude, à 1300 mètres, à la différence du nouveau tunnel dit “de base”, au pied de la montagne. On parle d’un ouvrage ouvert en 1871, sous Napoléon III... A une époque où les trains fonctionnaient encore à la vapeur. Pour le rejoindre, il faut que les convois gravissent une ligne en pente, en lacet, ce qui nécessite deux locomotives par convoi, une gabegie d’énergie.

Et ce n’est pas le pire : ce tunnel de 14 km est obsolète. Un seul tube, très étroit, il n’a pas de galeries de sécurité : un piège en cas d’accident. Personne n’imagine de creuser de nouveaux tubes en altitude pour le rénover. Ca n’a aucun sens.

Mais on peut peut-être l'utiliser mieux ? Les opposants disent qu’il est sous exploité.

Là encore, c’est un gros bobard. Il concentre 7% du fret transalpin de marchandise, 93% passent par la route, et il ne fera jamais plus. Pour une raison simple : ce tunnel n’est plus aux normes de sécurité. Depuis 1999, et l’incendie du tunnel du Mont Blanc, Il est interdit d’y faire circuler deux trains à la fois. Sa limite, c’est la SNCF qui la donne :  54  trains par jour , trains de voyageurs compris. Le tunnel de base, c’est 344 trains par jour.

À moins de faire n’importe quoi avec la sécurité, l’ancienne ligne ne peut pas avaler plus de fret que les 3.6 millions qu’elle convoie annuellement, contrairement aux chiffres délirants qui ont circulé dans la bouche de responsables politiques.  On est très loin de la capacité de 40 millions de tonnes du nouveau tunnel.

D’autant que l’ancien tunnel n’est même pas au standard des nouveaux matériels de fret qui se développent sur le réseau européen et qui sont supposés l’emprunter.

Ces données sont factuelles, chiffrées, données par le gestionnaire du réseau. Les arranger à la sauce des souhaits politiques de chacun, c’est raconter des salades.

On a le droit d’être politiquement contre le nouveau tunnel lyon-Turin, parce qu’on est décroissant, parce qu’on a peur du coût.  Il faut simplement ne pas mentir et assumer que cela revient à renoncer à développer le fret ferroviaire car, une fois pour toutes, non : il n’y a pas de tunnel alternatif.